Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Girondins (suite)

Sur ces entrefaites s’ouvre le procès du roi, que les Girondins ont longtemps tenté d’éluder ou d’empêcher en demandant l’« appel au peuple » (ces « appelants », comme on les nomme bientôt, seront tout particulièrement haïs de leurs adversaires). Le vote final, nominatif, va devenir l’épreuve de la sincérité républicaine. À la stupeur générale, Vergniaud, qui parle l’un des premiers, opine pour la mort. Un certain nombre de ses amis suivent cet exemple. Mais ce geste ne les sauvera pas.

Les Girondins n’ont pas su profiter de leur majorité. Dans leur hostilité contre la Commune et contre la Montagne, ils ont perdu leur temps en polémiques inutiles et se montrent incapables d’une action énergique, alors que le pays est menacé de l’invasion. Leur étoile est dès lors en baisse. Les difficultés économiques, la disette qui sévit les font mal voir du peuple parisien. Roland, de nouveau nommé ministre de l’Intérieur et qui se montre partisan convaincu de l’économie libérale à la grande réprobation des partis avancés, doit donner sa démission (23 janv. 1793). Le Tribunal révolutionnaire est créé en mars (malgré les protestations de Vergniaud et de Buzot), puis le Comité de salut public (avr.), d’où les Girondins se voient exclus. Ceux-ci perdent ainsi les leviers de commande. La trahison de Dumouriez (5 avr.), leur ancien ami, aggrave leur situation.

Pour les sans-culottes parisiens, la Gironde est le parti des nantis, indifférents à la misère du peuple, alors que les Montagnards (pourtant issus de la même classe sociale que leurs adversaires) apparaissent, à tort ou à raison, comme les protecteurs des classes populaires. Robespierre accuse la Gironde de vouloir faire une Constitution « pour les riches ». Marat, de son côté, en tant que président du club des Jacobins, signe une pétition invitant les sans-culottes aux armes contre les modérés de la Convention. Les Girondins obtiennent sa comparution devant le Tribunal révolutionnaire, mais il sera acquitté et ramené en triomphateur à l’Assemblée (24 avr.). Quelques jours plus tôt, une députation des sections, soutenue par la Commune, est venue exiger l’exclusion de vingt-deux députés « appelants ». La Gironde contre-attaque en créant une « commission des Douze », destinée à enquêter sur les agissements illégaux de la Commune (18 mai). Ces Douze, choisis uniquement parmi les amis du parti, font aussitôt arrêter Hébert — qui, du reste, comme Marat, sera vite relâché. L’effervescence grandit aussitôt à l’Hôtel de Ville et dans les sections. Un comité révolutionnaire se réunit à l’évêché pour abattre le parti exécré. Mais les Girondins accumulent les maladresses : Vergniaud demande à ses amis de Bordeaux de le soutenir dans sa lutte contre la Commune parisienne, Guadet et Buzot proposent de transférer l’Assemblée dans une ville de province, Isnard prononce un menaçant discours contre Paris. La Gironde n’essaie pas de cacher son hostilité contre la capitale. Aussi Robespierre invite-t-il les sans-culottes « à se mettre en insurrection contre les députés corrompus ». Le comité de l’évêché, ainsi encouragé, passe à l’action. Le 31 mai, pressée par les sections, la Convention doit se résoudre à supprimer la commission des Douze. Le 2 juin, sur l’ordre du commandant de la force armée parisienne, François Hanriot (1761-1794), des canons sont braqués sur les Tuileries. La majorité est contrainte à décréter l’arrestation de vingt-neuf représentants girondins et de deux ministres, Lebrun et Clavière. La Montagne a triomphé.


Les derniers jours des Girondins

Tout n’est pourtant pas terminé. Une soixantaine de départements protestent contre ce coup de force. Le centre de l’opposition se trouve au Calvados, où arrivent un à un un bon nombre de députés proscrits, parmi lesquels Buzot, Louvet, Guadet (d’autres, comme Vergniaud et Gensonné, restent volontairement consignés à Paris). Réunis à Caen, les insurgés espèrent soulever la France entière contre la tyrannie parisienne. Mais leurs efforts sont vains. Le mouvement fédéraliste demeure superficiel. Le 13 juillet, quelques détachements normands et bretons se font battre à Pacy-sur-Eure par une petite troupe envoyée par la Convention. Le même jour, à Paris, Marat est assassiné par une jeune fille venue de Caen, Charlotte Corday (1768-1793). Ce meurtre va contribuer à l’effondrement des modérés en durcissant les positions de la Montagne.

Quittant le Calvados, un groupe de députés rebelles s’enfuit en Bretagne, puis gagne par mer la région bordelaise. Celle-ci, travaillée par les « maratistes », a déjà tourné casaque. Pendant quelques mois, les hors-la-loi réussissent à se cacher, mais ils seront presque tous repris, guillotinés ou acculés au suicide. À Paris, vingt autres Girondins (parmi lesquels Brissot, Vergniaud, Fauchet et Gensonné) sont condamnés à mort et exécutés (31 oct.). Mme Roland subira le même sort (8 nov.). Roland, puis Condorcet se suicideront.

Après Thermidor, les quelques survivants du parti sortiront de leurs cachettes. Louvet, qui s’était réfugié en Suisse, obtiendra leur réintégration au sein de la Convention (8 mars 1795), ainsi que la réhabilitation des condamnés (3 oct.).

Les Girondins ont été très diversement jugés. Les huit volumes de Lamartine parus à la veille de la révolution de 1848 — et qui contiennent du reste quelques graves erreurs — constituent un magnifique chant lyrique en leur honneur. Thiers, Michelet, Louis Blanc se montrent également assez favorables à la Gironde. Aujourd’hui, les historiens de la Révolution française sont moins indulgents. S’ils reconnaissent pour la plupart la générosité, le désintéressement, le talent oratoire de ces hommes épris d’idéal, ils sont généralement d’accord pour voir en eux de médiocres politiques, plus habiles en paroles qu’en actes et qui furent incapables de sauver la France à une heure où de graves menaces pesaient sur le pays.

Les principaux Girondins

Charles Jean Marie Barbaroux (Marseille 1767- Bordeaux 1794)

Jacques Pierre Brissot, dit Brissot de Warville (Chartres 1754 - Paris 1793)

François Buzot (Évreux 1760 - Saint-Magne, Gironde, 1794)

Claude Fauchet (Dornes 1744 - Paris 1793)

Armand Gensonné (Bordeaux 1758 - Paris 1793)

Jacques Antoine Grangeneuve (Bordeaux 1750 - id. 1793)

Marguerite Elie Guadet (Saint-Émilion 1758 - Bordeaux 1794)

Maximin Isnard (Grasse 1755 - id. 1825)

Marie David Albin Lasource (Angles 1762 - Paris 1793)

Jean-Baptiste Louvet de Couvray (Paris 1760 - id. 1797)

Jérôme Pétion de Villeneuve (Chartres 1756 - Saint-Émilion 1794)

Jean-Paul Rabaut, dit Rabaut Saint-Étienne (Nîmes 1743 - Paris 1793)

François Trophime Rebecqui (Marseille 1760 - id. 1794)

Jean-Marie Roland de La Platière (Thizy 1734 - Bourg-Beaudoin 1793)

Mme Roland de La Platière, née Manon Phlipon (Paris 1754 - id. 1793)

Jean-Baptiste Salles (v. 1760 - Bordeaux 1794)

Charles Eléonor du Friche de Valazé (Alençon 1751 - Paris 1793)

Pierre Victurnien Vergniaud (Limoges 1753 - Paris 1793)

A. M.-B.

➙ Convention nationale / Jacobins / Révolution française.