Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Giotto

Peintre italien (Colle di Vespignano, dans le Mugello, v. 1266 - Florence 1337).


À ses débuts, Giotto di Bondone est lié à la tradition byzantine du xiiie s., dont il se libère vite pour engager résolument la peinture dans des voies modernes. L’historien d’aujourd’hui cerne avec difficulté cette personnalité hors du commun, cet homme du Moyen Âge qui révolutionna l’art de son temps. Beaucoup des travaux de Giotto, attestés par documents, sont aujourd’hui détruits. Des imitateurs ou des élèves s’emparèrent de ses modèles, témoignant de l’universalité et de la portée immense de son œuvre jusqu’à la fin du xive s. De son vivant, Giotto connut une célébrité sans égale et fut loué par Dante, Boccace, Pétrarque, ses contemporains.


Les débuts

La formation de Giotto et son œuvre antérieure à 1300 posent encore de nombreux problèmes. Le peintre s’initia certainement auprès de Cimabue*, dont la gloire fut éclipsée par celle de son élève. Pourtant, tout en perpétuant la culture byzantine, Cimabue tend dans ses fresques de l’église supérieure d’Assise à une humanisation des figures sacrées qui annonce l’art de Giotto. Celui-ci puise aussi à d’autres sources. Les mosaïstes romains groupés autour de Pietro Cavallini vers 1280-1290, héritiers de la tradition antique, les sculpteurs contemporains, d’où émergent Nicola* et Giovanni Pisano, préludent à la monumentalité de ses figures peintes. Enfin, un foyer intellectuel se crée à Assise après la mort de saint François (v. 1226) et attire l’élite artistique du temps. Giotto, entouré d’artistes romains et siennois, peint en l’église supérieure d’Assise son premier grand cycle de fresques sur le thème de la vie de saint François. La critique s’accorde généralement à lui attribuer les décors des registres inférieurs des travées, peints probablement en 1296-97 et avant 1301. Les vingt-huit compositions obéissent à une disposition tripartite traditionnelle, mais Giotto introduit des éléments plastiques encore inconnus : dans la Vision des compagnons de saint François, l’artiste applique une double perspective, l’une au sol, l’autre dans le ciel, confrontant ainsi le naturel et le spirituel ; il intègre ainsi, pour la première fois, des volumes exprimés en trois dimensions dans une architecture spatiale cohérente. Renonçant, sous l’influence de l’esthétique franciscaine, à l’abstraction symbolique des thèmes, il anime ses personnages selon une narration dramatique puissante. Dans les fresques de la Prédication de saint François aux oiseaux ou de la Renonciation aux biens de ce monde, il développe ce sens narratif et réaliste qui lui est propre. Antérieur à 1300, son Crucifix de l’église Santa Maria Novella (Florence) obéit à la tradition iconographique d’un Cimabue. Cependant, Giotto confère une vie nouvelle, plus humaine à l’image du Christ, terrible et rigide, de ses prédécesseurs.


Après 1300

En 1300, Giotto réside à Rome, où est célébré le jubilé du pape. Son Boniface VIII présidant le jubilé (Saint-Jean de Latran), totalement restauré, paraît exécuté par son vaste atelier. De 1301 à 1304, l’artiste travaille à Florence. Une œuvre de cette époque, le panneau de Saint François recevant les stigmates (Louvre), justifie son attribution par analogie avec le même thème traité en fresque à Assise. Le polyptyque de l’église Santa Croce de Florence (v. 1301-02) offre un modèle typiquement gothique : surmontés d’arcs trilobés, les volets qui représentent les saints entourent le panneau central de la Vierge et l’Enfant. La grande Maestà de l’église d’Ognissanti (galerie des Offices) ou le Crucifix de Rimini obéissent eux aussi à la stricte iconographie sacrée, mais Giotto leur apporte une vie nouvelle par la vérité et la puissance des formes. Dans ses fresques de la chapelle de l’Arena de Padoue, commandées par les Scrovegni et exécutées entre 1303 et 1307, sur les thèmes de l’histoire de la Vierge et de celle du Christ, il tend à une unité plastique et dramatique accomplie. Dans les scènes du Baiser de Judas ou de la Rencontre de Joachim et d’Anne à la porte dorée, il accentue la puissance dramatique de ses personnages. L’imbrication des groupes et leur opposition traduisent une expression psychologique intense. Dans la Fuite en Égypte ou la Déploration du Christ, une même raison plastique et dramatique anime la scène, et écarte tous les éléments anecdotiques. Le sens du sacré est renforcé par une analyse de plus en plus profonde de la nature humaine. D’autre part, Giotto applique une logique nouvelle dans la perspective, plaçant en premier plan des figures plus grandes qu’au second plan, comme dans l’Ascension du Christ. Enfin, il découvre les ressources de la lumière pure et crée des harmonies de teintes plus riches et plus nuancées qu’à Assise.


La maturité

Plus rien ne subsiste des travaux de Giotto à Rimini vers 1311. De 1315 à 1317, l’artiste exécute au palais communal de Padoue des fresques à sujets profanes, aujourd’hui détruites. À Florence*, entre 1317 et 1327, il est le maître d’œuvre des décorations des chapelles Bardi et Peruzzi en l’église Santa Croce, le dernier grand ensemble qui nous soit parvenu. Dans cette ultime phase de son évolution, il assouplit la rigueur géométrique de ses formes, maintenant plus élégantes. Le canon des figures s’allonge, peut-être sous l’influence de Simone Martini* et de l’art siennois, dans les scènes de la vie de saint François à la chapelle Bardi. Dans les fresques de la vie de saint Jean-Baptiste et de saint Jean l’Évangéliste à la chapelle Peruzzi, Giotto crée une animation plus fluide et plus dense à la fois par l’utilisation de compositions en biais. La cohésion entre les personnages et l’espace architectural, le modelé très souple des formes sur lesquelles tourne la lumière annoncent directement les conquêtes spatiales de Masaccio*, cent ans plus tard. Vers 1328, Giotto quitte Florence, appelé par Robert le Sage, roi de Naples. Il reste jusqu’en 1332 à cette cour brillante, que fréquentaient Boccace et Pétrarque, et réalise, semble-t-il, pour le palais du roi une Suite de l’histoire des grands hommes. Malheureusement, toutes ses peintures profanes mentionnées jadis ont aujourd’hui disparu.