Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gide (André) (suite)

La limpidité de la prose, le goût pour les mots rares ou l’emploi rare des mots, la désarticulation syntaxique, les inversions insolites, l’art de la suggestion, la mesure combattent sans cesse l’abandon à soi. Et jamais l’évolution d’un style, de la préciosité symboliste à la banalité classique, n’aura autant représenté l’évolution de l’homme qui peu à peu ordonne son œuvre.

Peut-être même cet équilibre ôte-t-il à Gide une certaine dimension tragique : la réserve, la prudence, la sagesse compensent toujours l’excès, le risque, le dérèglement. Gide comme Thésée sort victorieux du labyrinthe. Mais, tenant le fil, s’y est-il jamais perdu ?

S. M.-B.

 R. Fernandez, André Gide (Corréâ, 1931). / J. Hytier, André Gide (Charlot, Alger, 1945). / C. Du Bos, le Dialogue avec André Gide (Corréâ, 1947). / H. Mondor, les Premiers Temps d’une amitié : André Gide et Paul Valéry (Éd. du Rocher, Monaco, 1947). / R. Martin du Gard, Notes sur André Gide (Gallimard, 1951). / C. Mauriac, Converserions avec André Gide (A. Michel, 1951). / « Hommage à André Gide », numéro spécial de la N. R. F. (Gallimard, 1951). / P. Herbart, À la recherche d’André Gide (Gallimard, 1952). / L. Pierre-Quint, André Gide (Stock, 1952). / R. Mallet, Une mort ambiguë (Gallimard, 1955). / J. Delay, la Jeunesse d’André Gide (Gallimard, 1956-57 ; 2 vol.). / J. Schlumberger, Madeleine et André Gide (Gallimard, 1956). / J. Lambert, Gide familier (Julliard, 1958). / J.-J. Thierry, Gide (Gallimard, 1961 ; nouv. éd., 1968). / C. H. Savage, André Gide, l’évolution de sa pensée religieuse (Nizet, 1962). / C. Martin, Gide par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1963). / M. Arland et J. Mouron (sous la dir. de), Entretiens sur André Gide (Mouton, 1967). / E. U. Bertalot, André Gide et l’attente de Dieu (Lettres modernes, 1967). / D. Moutote, le Journal de Gide et les problèmes du moi, 1889-1935 (P. U. F., 1969). / P. de Boisdeffre, la Vie d’André Gide (Hachette, 1970). / C. Martin (sous la dir. de), Études gidiennes, I (Lettres modernes, 1970). / Les Critiques de notre temps et Gide (Garnier, 1971). / R. Bastide, Anatomie d’André Gide (P. U. F., 1972).

Giolitti (Giovanni)

Homme d’État italien (Mondovi 1842 - Cavour 1928).


Giovanni Giolitti a écrit de lui-même qu’il était d’une famille de paysans montagnards du Val di Magra, une des hautes vallées des Alpes occidentales où avait dominé pendant des siècles une « fière tendance démocratique ».

Étudiant en droit à Turin auprès de sa mère et de quatre oncles célibataires, il se révèle un travailleur infatigable. Il entre en 1862 dans la carrière administrative. Ministres et hauts fonctionnaires le réclament à l’envi pour collaborateur. Du ministère de la Justice, Giolitti passe à celui des Finances. Il est inspecteur général des Finances en 1873, secrétaire général de la Cour des comptes en 1877 et conseiller d’État en 1882.

Candidat dans la province de Cuneo aux élections législatives de 1882, il est élu sans même avoir fait campagne. Certaines communes lui ont assuré la quasi-unanimité des suffrages. Jusqu’au bout de sa carrière politique, il gardera la confiance de ses concitoyens. À la Chambre, Giolitti s’inscrit au groupe de la gauche constitutionnelle. À cette époque, les étiquettes de partis ont peu de valeur. Le socialisme, à ses débuts, n’est pas encore une force parlementaire. Monarchiste de tradition, Giolitti est toutefois un homme de gauche, et il comprend le devoir d’élever le niveau moral et intellectuel du peuple. Sa compétence est grande surtout en matière économique et financière. Ministre du Trésor en 1889 dans le cabinet Crispi*, il doit combler le déficit d’environ 300 millions, sur un budget d’un milliard et demi, qu’a creusé son prédécesseur, Agostino Magliani ; il s’y emploie par des moyens qui le détachent de certaines tendances coutumières à la gauche et qui le font rechercher en priorité l’équilibre du budget, comme l’avaient fait les cabinets de droite jusqu’à Marco Minghetti, et cela sans cesser de se soucier des intérêts populaires. C’est ainsi qu’un de ses premiers actes au ministère du Trésor est de changer la loi générale de comptabilité de l’État pour accorder des concessions de travaux publics aux coopératives ouvrières, qui commencent à se former alors. Sa grande réussite en la matière est toutefois, dans le ministère qu’il préside de mai 1906 à décembre 1909, la conversion de la rente 5 % en 3,5 %, afin de donner au gouvernement la liberté nécessaire pour dégrever les taxes excessives qui pèsent sur les consommateurs.

Ce succès d’ordre financier est à rapprocher des succès d’ordres économique et social que Giolitti remporte en 1903-04, pendant le second ministère qu’il préside, où il innove aussi bien dans le choix d’hommes nouveaux comme collaborateurs que dans le mélange d’ouverture et d’énergie dont il témoigne pour affronter les difficultés nées de la montée du socialisme. Il offre à plusieurs socialistes d’entrer dans son ministère, mais les préjugés antibourgeois sont encore trop forts au lendemain des troubles de 1898 et des conflits agraires dans la vallée du Pô pour que la masse des militants admette la présence de certains de ses chefs aux côtés de Giolitti.

Tandis qu’en nationalisant les chemins de fer le chef du gouvernement continue à montrer son réalisme, en militarisant les cheminots en grève il rassure les conservateurs sur son énergie à faire face aux fauteurs de désordre. Mais l’épreuve décisive en la matière se passe en 1904, lorsque sévit une véritable épidémie de grèves. Malgré les incitations d’une bourgeoisie affolée à une répression brutale, Giolitti se borne à maintenir l’ordre, persuadé que tout rentrera dans le calme, ce qui advient en effet.

En 1911, l’opinion nationaliste pousse le gouvernement à mettre la main sur la Libye, qui est annexée lors du traité d’Ouchy-Lausanne, le 18 octobre 1912.

Avant même la conclusion de la paix, Giolitti réalise une réforme à laquelle il songe de longue date, celle du droit électoral, strictement limité aux détenteurs d’un savoir au moins élémentaire, à l’âge de vingt et un ans. Il l’étend à quiconque a accompli son service militaire, puis à tous les illettrés âgés de trente ans. Le nombre des électeurs passe ainsi de 3,5 millions à 8 millions environ. Les élections qui surviennent, en 1913, ne ratifient pas les craintes des milieux conservateurs, qui redoutaient une violente poussée à gauche.