Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gezelle (Guido)

Poète belge (Bruges 1830 - id. 1899).


Les lettres flamandes sommeillent lorsqu’un jeune prêtre, Guido Gezelle, publie ses premiers poèmes en 1858. L’originalité de ce talent naissant passe inaperçue. L’auteur ne recherche pas la renommée et se consacre à sa tâche de professeur au collège de Roulers. Il rêve d’une pléiade dont ses élèves seraient les poètes, et il leur communique son idéalisme poétique et religieux, inspiré par un vif amour de la nature. Né près de Bruges, il avait grandi avec ses quatre frères et sœurs, plus jeunes que lui, dans une ambiance presque rurale : son père était jardinier-horticulteur. Une orientation anglaise, due à l’influence d’un de ses professeurs et à la fréquentation d’élèves anglais, avait contribué à développer ses goûts littéraires. Ce furent des années heureuses et fertiles, qui favorisèrent l’éclosion de ses dons poétiques.

Gezelle a donc vingt-huit ans lorsque ses premiers recueils Vlaemse dichtoefeningen (Essais poétiques) et Kerkhofblommen (Fleurs de cimetière) paraissent. On y découvre déjà, à côté de formes et d’expressions encore traditionnelles, sous l’influence des traductions d’Homère, de la Bible, de H. W. Longfellow, les vers souples et vifs d’une chaude musicalité et d’un lyrisme souvent passionné qui le caractérisent. Le poète chante son pays, la nature. Dieu dans une langue frappante par sa fraîcheur, ses effets d’allitérations et d’enjambements surprenants. Ces publications n’attirent guère l’attention. Dans les milieux intellectuels et artistiques belges, le français est toujours considéré comme la seule langue valable. Gezelle, professeur trop original, adoré par ses élèves, déplaît à ses supérieurs, qui l’exilent à Bruges. Le découragement et la mélancolie marquent les Gedichten, gezangen en gebeden (Poèmes, chants et prières) de cette période, que ses amis réussissent à faire éditer en 1862. De nouvelles déceptions professionnelles atteignent durement Gezelle jusqu’à sa nomination en qualité de vicaire à Courtrai, où il arrive en 1872, au bord de la dépression nerveuse. L’amitié et le calme l’entourent dans sa nouvelle fonction, mais le poète blessé se tait pendant de longues années et se consacre à des activités journalistiques et littéraires, à la rédaction de revues flamandes, dont Loquela et, un peu plus tard, Biekorf, remettant sa province et sa langue en honneur. Il traduit Longfellow, fait des recherches linguistiques et étudie les traditions populaires, partisan fidèle du « particularisme west-flamand », que ses disciples Hugo Nestor Verriest (1840-1922) et Albrecht Rodenbach (1856-1880) feront valoir à leur tour. Ces travaux le rendent célèbre, de nombreuses distinctions le récompensent à partir de 1880 et la plus belle variété de chrysanthèmes reçoit son nom. Le poète retrouve la parole. Les sujets ne manquent pas, et son frère Joseph déclare : « Guido devient « embêtant », un rien lui fait dire : « Je vais faire un poème. » La postérité en bénéficiera, car Gezelle se révèle le plus grand de tous dans Tijdkrans (Couronne du temps, 1893) et Rijmsnoer (Collier de rimes, 1897). Ces recueils comprennent aussi bien des poèmes de circonstance, inspirés par un profond attachement à ses amis paroissiens et qui révèlent son goût pour l’expression liturgique, qu’une multitude de poésies personnelles, mystiques, décrivant les choses les plus simples, que Gezelle observe et écoute avec toute son âme — les oiseaux, les saisons, la lumière ou l’obscurité, le soleil. À travers la nature, le poète voit Dieu, toujours présent, et c’est vers lui que monte son hymne. La langue est d’une richesse très particulière : l’auteur manie les mots, le rythme, les sons en artiste conscient et remet en valeur des archaïsmes et des expressions rares. Certains le mettent en garde contre ce raffinement de style qui risque, à leur avis, de nuire à son succès. Il n’en est rien. Cet art expressionniste atteindra même les « expérimentaux » d’aujourd’hui. Découvert depuis longtemps par l’écrivain Pol De Mont (1857-1931), il est présenté par celui-ci au publie hollandais dans De Gids (le Guide). Les jeunes auteurs de la revue Van Nu en Straks (Aujourd’hui et demain) accueillent également celui qui, seul, assuma ce renouveau de la poésie flamande. La fin de sa vie modeste et humble est paisible, et ses dernières paroles : « J’ai vécu in simplicitate cordis et veritate » la résument.

W.-H. B.

 A. Walgrave, la Vie de Guido Gezelle (Bruxelles, 1923-24 ; 2 vol.). / A. Van Duinkerken, Guido Gezelle (Bruxelles, 1958). / L. Wouters, Guido Gezelle (Seghers, 1965).

Ghāna (empire du)

Le plus ancien des grands empires qui se sont succédé au Moyen Âge au Soudan occidental.


Nous connaissons le Ghāna, le « pays de l’or », par les géographes arabes, les ta’rikh (chroniques écrites à Tombouctou aux xvie et xviie s.) et les fouilles archéologiques. La première mention de Ghāna se trouve chez al-Fazārī (v. 800). Abū ‘Ubayd al-Bakrī, en 1068, a décrit le puissant empire à son apogée, son souverain, le Tounka Menin, capable de mettre en campagne deux cent mille guerriers, sa capitale, appelée aussi Ghāna, formée de deux villes séparées, celle du roi animiste et celle des marchands musulmans. L’empire s’étendait entre le haut Sénégal et le moyen Niger, aux confins des États actuels du Sénégal, du Mali et de la Mauritanie, dans une zone où l’agriculture non irriguée et l’élevage sont possibles ; mais il tirait sa richesse du grand commerce. En bordure du Sahara, des cités comme Ghāna et Aoudaghost étaient le lieu de rencontre entre les caravanes de chameliers arabo-berbères du Nord et les âniers wangars, apportant, des abords de la forêt, l’or, les kolas et les esclaves. L’empire du Ghāna fut détruit par les Almoravides, qui s’emparèrent de sa capitale en 1076, mais la ville ne fut abandonnée qu’après sa conquête par le Mandingue Soundiata, vers 1240.