Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

géographie (suite)

La région

La géographie humaine qui se développe ainsi n’est plus caractérisée, comme c’était le cas naguère, par l’opposition des études générales et des monographies régionales. En matière sociale, les unités territoriales ont des traits plus divers que dans le domaine naturel : elles sont quelquefois homogènes ; plus souvent, elles doivent leur originalité aux liens fonctionnels qui en soudent les parties. On apprend donc à analyser ce réel complexe avec les méthodes de la taxonomie numérique et à expliquer la structure des êtres, mais en fonction de l’articulation des circuits complexes que nous évoquions plus haut.


Épistémologie et histoire de la pensée géographique

La géographie qui se dessine selon les lignes que nous venons d’évoquer est plus abstraite que celle du proche passé. Elle n’a pas encore vu se multiplier les travaux de synthèse qui donnent à l’honnête homme la possibilité d’en faire le tour et de dominer son projet : on est souvent perdu dans le foisonnement de recherches menées dans des directions contradictoires. On est confondu par la complexité de phénomènes que l’on croyait simples, étonné à l’inverse des difficultés qui arrêtaient nos prédécesseurs. Ainsi se crée un climat d’inquiétude qui est une des caractéristiques de la géographie actuelle, comme de toutes les sciences de l’homme. On s’interroge sur la validité des démarches adoptées, on se pose des problèmes épistémologiques. Pour les débrouiller, l’étude historique des transformations de la pensée est indispensable : méthodes et concepts sont-ils cohérents ? Ne doit-on pas y voir une juxtaposition de pièces plutôt qu’un assemblage dont toutes les parties sont liées par des liens rigoureux ? Chaque époque a apporté des nouveautés, mais toutes n’ont pas été repensées en fonction d’apports plus récents.


Le besoin d’agir

La géographie moderne est moins sûre d’elle que celle qui l’a précédée et, en ce sens, elle est plus soucieuse de son passé, elle sait que la vérité est relative à un moment, à une société, à une civilisation. Mais elle est aussi plus exigeante. L’approche humaniste qui dominait naguère avait une grande valeur pédagogique : la géographie régionale apprenait aux hommes à connaître leur milieu, elle leur montrait les limites de leur puissance, les incitait à la sagesse. Elle n’était pas d’un secours direct au moment de l’action. Faute d’avoir été bâtie sur des bases théoriques explicitées, elle manquait de pouvoir de prédiction : elle était difficilement applicable.

Le besoin d’être utile, de participer à l’élaboration des politiques de planification ou d’aménagement de l’espace est né en géographie avant que l’on dispose de moyens réellement efficaces pour préciser les conditions d’un choix. Cela a sans doute rendu difficiles les débuts de la géographie appliquée. Dans la mesure où les géographes professionnels n’ont pas encore maîtrisé les techniques nouvelles d’analyse, ils risquent de se voir supplantés par des gens issus d’autres formations et rompus au maniement des outils nécessaires pour comprendre notre monde et le modifier.

Les sciences sociales sont en train de se transformer rapidement : elles se sont développées longtemps de manière parallèle en entretenant des rapports ambigus, souvent des rapports d’hostilité. Aujourd’hui, on devine qu’elles reposent sur un corps commun de postulats, sur des théories convergentes. L’ensemble est en train de se restructurer. Cela crée un climat d’insatisfaction, comme lorsqu’on a l’impression de vivre dans un monde déchiré, encore incohérent. La géographie est plus affectée par la crise moderne des sciences sociales que ses voisines, car elle avait vécu plus longtemps dans l’isolement.

P. C.

➙ Anthropologie / Astronomie / Biogéographie / Cartographie / Climatologie / Écologie / Espace géographique / Géologie / Géomorphologie / Géophysique / Océanographie.

 R. Hartshorne, The Nature of Geography (Lancaster, Pennsylvanie, 1939). / A. Cholley, Guide de l’étudiant en géographie (P. U. F., 1942). / R. Clozier, Histoire de la géographie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1942 ; 4e éd., 1967). / M. Le Lannou, la Géographie humaine (Flammarion, 1949). / M. Derruau, Précis de géomorphologie (Masson, 1956) ; Précis de géographie humaine (A. Colin, 1961). / P. Birot, Précis de géographie physique générale (A. Colin, 1959) ; les Régions naturelles du globe (Masson, 1971). / W. Bunge, The Theoretical Geography (Lund, 1962). / P. Claval, Essai sur l’évolution de la géographie humaine (Les Belles Lettres, 1964) ; Régions, nations, grands espaces. Géographie générale des ensembles territoriaux (Génin, 1968). / P. Haggett, Locational Analysis in Human Geography (Londres, 1965). / R. J. Chorley et P. Haggett (sous la dir. de), Models in Geography (Londres, 1967). / T. W. Freeman, The Geographer’s Craft (Manchester, 1967). / W. Storkebaum (sous la dir. de), Zum Gegenstand und zur Methode der Geographie (Darmstadt, 1967). / D. Bartels, Zur wissenschaftstheoretischen Grundlegung einer Geographie des Menschen (Wiesbaden, 1968). / P. George, l’Action humaine (P. U. F., 1968) ; les Méthodes de la géographie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1970). / D. Harvey, Explanation in Geography (Londres, 1969). / L. J. King, Statistical Analysis in Geography (Englewood Cliffs, New Jersey, 1969). / A. Meynier, Histoire de la pensée géographique en France, 1872-1969 (P. U. F., 1969). / R. L. Morrill, The Spatial Organization of Society (Belmont, Calif., 1970). / J. Beaujeu-Garnier, la Géographie, méthodes et perspectives (Masson, 1971). / O. Dollfus, l’Analyse géographique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1971).
On peut également consulter la revue trimestrielle l’Espace géographique (Doin éd. ; direct. délégué, R. Brunet ; 1re année, 1972), la plus largement ouverte aux problèmes épistémologiques.

géoïde

Surface caractéristique de la forme générale du globe terrestre et constituée par le niveau moyen des océans supposé prolongé à altitude constante sous les terres émergées.