Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

géodésie (suite)

Géodésie spatiale

L’utilisation de l’avion a permis d’augmenter la portée de la géodésie classique, sans toutefois en changer les principes. Elle a permis des mesures de distances entre points sans intervisibilité directe, et aussi des visées angulaires simultanées sur des fusées parachutées. L’apparition des satellites artificiels apporte une évolution fondamentale, car elle conduit à travailler dans les trièdres cartésiens (T X Y Z) et permet à terme de réaliser leur fusion dans le système planétaire final. Deux techniques sont mises en œuvre : la géodésie géométrique et la géodésie dynamique.


Géodésie spatiale géométrique

Un satellite F peut être considéré simplement comme une cible visible simultanément à partir de nombreux points au sol S. La technique de photographie sur fond d’étoiles du satellite F, à un instant déterminé de façon précise, permet de définir la direction du vecteur dans le trièdre terrestre. L’observation simultanée de F à partir de deux stations S1, S2 fournit la possibilité d’écrire une condition liant les positions de ces deux stations. L’observation de deux points F1, F2 dans de telles conditions définit la direction du vecteur spatial La multiplication des mesures conduit à la détermination d’un polyèdre à larges mailles. L’appareillage consiste en chambres balistiques qui sont soit des chambres fixes, relativement simples, capables de photographier des satellites émetteurs de flashes lumineux (Geos) ou des satellites ballons (Echo I, Echo II, Pageos), soit des chambres mobiles, beaucoup plus complexes, capables de suivre n’importe quel satellite et de le photographier sur fond d’étoiles.

Une deuxième technique consiste à faire des mesures de distances sol-satellite par laser ; on obtient ainsi un seul renseignement et, en principe, il faut quatre stations simultanées pour avoir une liaison entre les positions au sol.

La combinaison du laser et des photos sur fond d’étoiles permet des réalisations efficaces. Parmi les connexions intéressantes réalisées par la France figurent : le rattachement des Açores au continent par Echo I et Echo II en 1966 et la liaison Nice - sud de l’Espagne - Athènes en 1968. Grâce au satellite Pageos, une géodésie mondiale est en cours, réalisée par le Coast and Geodetic Survey (États-Unis).


Géodésie spatiale dynamique

Chaque mesure doit être repérée de façon précise en temps, mais les mesures peuvent ne pas être simultanées. L’exploitation d’une mesure introduit une condition entre les coordonnées au sol, les paramètres de l’orbite du satellite et les paramètres du développement du potentiel. Ces mesures utilisables sont la photographie sur fond d’étoiles, les distances sol-satellite, les comparaisons de fréquences entre un émetteur au sol et un émetteur embarqué à bord du satellite, qui permettent d’obtenir la vitesse radiale du satellite (procédé Doppler). Très complexe, l’exploitation des mesures fournit des renseignements importants, en particulier sur la valeur du potentiel terrestre, et, par suite, la forme du géoïde.

La mesure des distances en géodésie

Les mesures de distances ont trois objets principaux :
— l’établissement des bases géodésiques fournissant les éléments de longueurs nécessaires à la mise à l’échelle d’un réseau de triangulation ;
— la polygonation, qui combine les mesures d’angles et de distances ;
— la trilatération, ou détermination des côtés d’un enchaînement de triangles.

Il s’agit avant tout de définir, avec le maximum de précision, la longueur d’un côté de la triangulation primordiale (25 à 35 km). Cette opération est réalisée soit par amplification angulaire d’une base de l’ordre de 10 km, mesurée directement (méthode classique), soit par détermination du côté lui-même par le temps de trajet d’un rayonnement électromagnétique (méthodes modernes).

Méthode classique

Elle consiste dans le report bout à bout d’un étalon de longueur sur la base à mesurer. Au début, on utilisait des règles, puis, en 1885, le Suédois E. Jäderin a préconisé l’usage d’un fil d’acier de 24 m. Un progrès décisif fut obtenu grâce à l’emploi du métal invar, alliage fer-nickel à 36 p. 100 de nickel, dont le coefficient de dilatation est très faible. Le fil de 24 m en invar, muni à ses extrémités de réglettes graduées en millimètres, est employé en suspension, sous une tension constante. On détermine, par lectures simultanées des réglettes, la distance exacte séparant des pieds porte-goujons qui ont été préalablement alignés et nivelés. Cette méthode permet de mesurer une base de 10 km en un mois avec une très bonne précision, de l’ordre de 1/1 000 000. Mais, pour aboutir au côté de premier ordre, il faut procéder à une triangulation spéciale (amplification de base), qui fait tomber la précision aux environs de 1/200 000.

Méthodes modernes

Aujourd’hui, on peut mesurer, avec une grande rigueur, le temps de parcours d’un rayon lumineux ou d’une onde radio de très haute fréquence. En 1947, Erik Bergstrand a expérimenté un appareil, le géodimètre, dans lequel la lumière émise par une source de faible puissance est modulée par une cellule de Kerr à une cadence de 30 MHz. Un système optique rend parallèle le faisceau lumineux qui se réfléchit sur un ensemble de prismes cataphotes installé à l’autre extrémité du côté à mesurer. La lumière en retour est recueillie par une cellule photo-électrique. La différence de phase existant entre les signaux émis et reçus se traduit par un courant proportionnel transmis par la cellule. Ce courant est nul lorsque ces signaux sont en opposition de phase : le rayon lumineux a alors parcouru un nombre entier impair de demi-longueurs d’onde de la modulation. L’appoint éventuel est lu sur le compteur de l’appareil. La précision atteinte avec le géodimètre est de l’ordre de 2.10–6 pour des distances d’une dizaine de kilomètres, mais sa portée est relativement limitée, de l’ordre de 4 km le jour, de 8 à 10 km la nuit, avec de bonnes conditions de visibilité. Ces chiffres peuvent être augmentés en utilisant soit une source dite « monochromatique » (une lampe à vapeur de mercure), soit un laser à gaz d’hélium, qui a pratiquement la même portée de jour que de nuit (50 km). Des versions plus puissantes (télémètre à laser) permettent des portées de 200 km.