Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gény (François)

Juriste français (Baccarat 1861 - Nancy 1959).


Gény se distingue, comme ses contemporains Hauriou*, Duguit*, Carré* de Malberg, par des travaux qui, au-delà de l’étude des seuls mécanismes et formes juridiques en vigueur, atteignent à l’épistémologie du droit. La profondeur de ses analyses le place aux tout premiers rangs de la pensée juridique de son temps.

Agrégé de droit privé, professeur à Alger et Dijon d’abord, puis à la faculté de droit de Nancy, membre correspondant de l’Institut, F. Gény est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels on peut signaler : Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif (essai critique) [1899], Des droits sur les lettres missives (principalement en vue du système postal français, essai d’application d’une méthode critique d’interprétation) [1911], Science et technique en droit privé positif (1914-1924). Il collabore à la Revue trimestrielle de droit civil, au Recueil de jurisprudence Sirey et à la Semaine juridique. Le droit privé demeure le domaine privilégié des investigations de F. Gény, qui participe à l’élaboration du Code civil polonais et inspire le Code civil suisse des obligations.

François Gény part d’un délicat problème d’application du droit, faisant apparaître la question des lacunes de la loi. Dans l’analyse classique, l’interprète peut et doit combler ces lacunes et, pour ce faire, jeter sur elles le pont du raisonnement logique. La législation, en ce sens, devrait « suffire à nous révéler toutes les règles juridiques nécessaires aux besoins de la vie sociale en matière de droit privé ». Il faut cependant, pour parvenir à cette révélation, découvrir l’intention du législateur, interpréter sa volonté, le processus principal de cette méthode étant la déduction.

Gény veut dépasser cette solution classique, ou, tout au moins, la renouveler profondément. La seule logique, exigée par l’analyse classique, est, pour lui, incapable de combler les lacunes de la loi ; il convient plutôt que l’interprète, dans l’espèce qu’il juge, se sente plus libre et utilise un arsenal de moyens de reconstitution étendu, allant au-delà de la seule déduction.

On ne crée pas pourtant un « gouvernement des juges », car l’initiative de ceux-ci est en réalité limitée aux espèces qu’ils tranchent : la libre recherche du juge demeure uniquement un complément de l’œuvre législative elle-même. Cet effort de recherche de l’interprète devra se centrer, pour Gény, sur l’idéal inspiré de la nature des choses, d’une part, sur le concept d’utilité générale par ailleurs.

Sous l’égide du principe général de justice viennent coopérer divers moyens d’interprétation objective. Ils vont permettre de sortir de l’impasse causée par le droit lacunaire, mais ils sont d’une force et d’une autorité variables : l’analogie, en premier lieu ; l’examen, ensuite, de l’ensemble du système légal et celui des éléments de civilisation contribuant à fonder l’équilibre social (l’organisation politique, économique, religieuse et morale) ; les données en général de la vie sociale ; tout un fonds humain, en somme, tiré d’une analyse poussée du contexte de civilisation. Même sous sa forme positive, le droit nous apparaît en effet comme un ensemble de règles devant être révélées au moyen d’une interprétation des éléments de la vie, éléments qu’il a pour objet d’ordonner en vue du bien commun. La loi et la coutume ne sont que des expressions formelles, empiriques, sur un mode obligatoire, du droit lui-même.

Pour cette place qu’elle accorde aux éléments non uniquement « juridiques » du droit, l’œuvre de François Gény révèle une puissance d’analyse et une valeur d’approfondissement et de rajeunissement de la science* juridique remarquables. La méthode d’interprétation, en ce sens, s’inscrit parmi les apports capitaux des juristes français de la première moitié du xxe s.

J. L.

géochimie

Étude chimique de la Terre.


On peut définir la géochimie par l’ensemble des buts qu’elle cherche à atteindre :
— déterminer la composition chimique des différentes parties du globe terrestre ainsi que les associations des éléments chimiques qui s’y forment ; étudier les processus physiques et chimiques de différenciation qui ont causé ces répartitions des éléments chimiques ; préciser les interactions chimiques entre le monde vivant et le monde inanimé ;
— réciproquement, utiliser les substances chimiques comme indicateurs chronométriques, thermométriques, etc. des grands processus géologiques ; estimer la contribution des réactions chimiques et de la radioactivité à l’énergie interne de la Terre.

La comparaison de la composition de la Terre entière aux autres objets de l’Univers constitue une partie importante de la cosmochimie, généralisation de la géochimie.

Si le terme de géochimie a été introduit dès 1838 (Christian Friedrich Schönbein), la géochimie en tant que science n’a débuté qu’au xxe s. sous l’impulsion de Frank Wigglesworth Clarke et de Vladimir Ivanovitch Vernadski. Victor Goldschmidt et Harold Clayton Urey ont puissamment aidé à son développement en y introduisant les notions de chimie structurale et de chimie nucléaire. Mais c’est surtout depuis 1950 que se sont développés des laboratoires et des équipes de géochimistes, aussi bien en Union soviétique que dans les pays anglo-saxons et scandinaves.

On distingue classiquement une géochimie « endogène » et une géochimie « exogène ».

La première s’intéresse aux phénomènes profonds et à leurs témoins superficiels que sont les épanchements volcaniques et les intrusions. En termes de physico-chimie, c’est l’étude de la formation et de la stabilité des minéraux à haute température et à haute pression.

La seconde s’intéresse aux processus se développant à la surface du globe terrestre : altération et sédimentation. Les principales réactions ont lieu dans l’eau et souvent en présence de matière vivante.

Si les conditions de milieu sont très différentes dans les deux cas, les méthodes d’approche sont voisines, et l’on peut considérer successivement ces différentes approches pour donner une idée des problèmes qui intéressent le géochimiste.

La composition globale de la Terre et de chacune de ses parties pose un immense problème dont les résultats s’améliorent avec le nombre croissant d’analyses de roches.