Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

genre (peinture de) (suite)

Le groupe des peintres nordiques installé à Rome vers 1630 est dominé par la personnalité de Pieter Van Laer (Haarlem 1599? - id. 1642), surnommé « Il Bamboccio » à cause de sa petite taille et de ses difformités. Ce dernier décrit, avec un sens aigu du pittoresque, les scènes populaires les plus humbles de la vie citadine et champêtre. Son Départ de l’hôtellerie (Louvre) ou les Pâtres (Louvre) ouvrent la voie à nombre d’imitateurs, faiseurs de « bambochades » : également paysagistes, l’Anversois Jan Miel (1599-1663), les Néerlandais Jan Both (1615-1652), Jan Asselijn (v. 1615-1652), Johannes Lingelbach (1622-1679) peignent dans le genre narratif. L’Italien Michelangelo Cerquozzi (1602-1660), le Français Sébastien Bourdon* créent des tableaux populaires analogues. Le Valentin (1594-1632), fixé à Rome, excelle dans les représentations de cabarets, de corps de garde ou de Tricheurs (galerie de Dresde). Il demeure plus près de l’esprit de la peinture de genre que ses contemporains français Simon Vouet*, Georges de La Tour* ou Nicolas Tournier (av. 1600 - apr. 1660), pourtant influencés comme lui par le caravagisme. Les frères Le Nain*, dont les tableaux, d’une gravité profonde, sont autant de témoignages objectifs des mœurs paysannes, s’éloignent, eux aussi, des définitions classiques de la peinture de genre. Abraham Bosse*, dans ses gravures du Mariage à la ville ou des Métiers, obéit plus aux règles du « genre » que Jacques Callot*, dont le réalisme touche au fantastique.

Vermeer*, puis Chardin*, au xviiie s., développent une peinture de type purement intimiste, excluant les ressources pittoresques, le mouvement, la truculence satirique du « genre ». Les deux conceptions apparaissent très clairement dans l’art hollandais. La brillante école d’Utrecht*, dominée par Hendrik Terbrugghen, Dirck Van Baburen et Gerard Van Honthorst, multiplie les images de bohémiens, de chanteurs, de paysans. Ce courant d’origine caravagesque inspire les plus hautes créations populaires de Michiel Sweerts (1624-1664) [La femme épouillant un enfant, Strasbourg] ou de Frans Hals* (la Bohémienne, Louvre). Quelques décennies plus tard, les scènes familières de Vermeer, de Pieter de Hoogh* ou de Gerard Terborch (1617-1681) sont exemptes de toute action anecdotique. Enfin, vers 1670, une expression plus intellectuelle, des préoccupations moralisantes dans un genre à la fois intime et allégorique se font jour chez Vermeer lui-même. Cet ennoblissement de la scène de genre se poursuit dans le style un peu guindé des fines peintures porcelainées de Frans Van Mieris (1635-1681) ou de Cornelis Man (1621-1706). Par contre, les peintures de « gueuseries », les « magots », les tableaux de « mauvaises compagnies » amusent une société bourgeoise fort stricte. Les scènes de cabaret et d’orgies de Jan Steen (v. 1626-1679), les réunions mondaines d’Anthonie Palamedesz (1601-1673), les scènes de paysannerie des Van Ostade*, l’éclectisme savoureux d’un Gerard Dou (1613-1675), d’un Gabriël Metsu (1629-1667) témoignent d’une verve impertinente, non toujours exempte d’une certaine vulgarité. Ces nouvelles fonctions du tableau de genre visent d’abord à plaire aux yeux. Ainsi, les paysans flamands peints par Teniers* ou Mattheus Van Helmont (1623 - apr. 1679) ne renseignent guère sur la vie et les misères du temps. Il ne faut pas non plus chercher une trop grande portée philosophique ou morale aux allégories des Cinq Sens ou des Quatre Éléments confectionnées par un Jan Bruegel* de Velours. D’innombrables élèves et imitateurs exploitent à l’infini les recettes de ces tableaux et créent des répliques destinées à l’exportation. L’art agréable mais conventionnel des Francken, d’Abel Grimmer (1570 - v. 1619) ou de Louis de Caulery (av. 1582-1621/22) est sans rapport avec la vision personnelle, tragique et monumentale de Brouwer*, qui renoue avec Bruegel l’Ancien et prélude à Daumier et à Millet.


Le xviiie siècle

La sensualité, le libertinage, le théâtre deviennent peinture. Les « fêtes galantes » de Claude Gillot (1673-1722) et de Watteau* donnent le ton. Les pays du Nord, alors même que leurs traditions s’épuisent, offrent maintes références aux artistes français, comme Oudry* et Desportes*. Le souvenir des kermesses féeriques de Rubens* marquera toute la première génération française. L’exotisme, la commedia dell’arte inspirent tour à tour Jean Restout (1692-1768), Nicolas Lancret (v. 1690-1743) et Jean-Baptiste Pater (1695-1736), qui n’en sont pas moins les créateurs de scènes de mœurs « à la française ». La haute poésie intimiste de Chardin reste inégalée tant par Hubert Drouais (1699-1767) que par Nicolas Bernard Lépicié (1735-1784) ou Joseph Ducreux (1737-1802), peintres de « figures de caractère ». Les « bergeries » de Boucher*, parfois mièvres, souvent lestes, feront fureur sous Louis XV. Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780), par la finesse de son observation et par sa verve, fait pressentir déjà Gavarni et Daumier. Enfin, tandis que le libertinage triomphe dans les tableaux de mœurs de Fragonard*, Greuze* cultive le genre moralisateur et sentimental avant de tenter, à la fin du siècle, de revenir aux préceptes du « grand style ». La peinture de mœurs est de mode dans l’Europe entière : en Italie triomphent les « capricci », peintures de fantaisie élégantes et aimables chez le Vénitien Pietro Longhi (1702-1785), plus réalistes et moins anecdotiques chez un Giacomo Ceruti (actif v. 1720-1750), d’une grande ampleur décorative chez Giandomenico Tiepolo*. Le Génois Alessandro Magnasco (1667-1749), visionnaire et caricatural, apparaît à mi-chemin de Hogarth*, génie satirique d’un non-conformisme violent, et de Goya*, dont les créations, uniques dans l’ordre de l’imaginaire, échappent au genre et préludent au romantisme.


Le xixe siècle

La réaction néo-classique de David* écarte de la scène officielle la peinture de genre, jugée mineure. Cependant, les peintres de la vie familière comme Martin Drolling (1752-1817) ou Louis Léopold Boilly (1761-1845) perpétuent la grande tradition flamande. Avec le triomphe du romantisme* reparaissent nombre de petits maîtres : Constantin Guys (1802-1892), chroniqueur de la vie parisienne, les lithographes Célestin Nanteuil (1813-1873) et Gustave Doré (1832-1883) ; Gavarni, Henri Monnier et Forain tendent davantage vers la caricature* de mœurs.