Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Genève (suite)

Une démographie originale

La croissance de la population fut assez régulière au cours du xixe s. : 37 700 habitants en 1850, 60 000 en 1870 et 95 400 en 1900. Le début du xxe s. connut une accélération pendant la première décennie (124 000 hab. en 1910), mais l’entre-deux-guerres fut une période de stagnation (125 000 hab. en 1930 et en 1941). L’après-guerre permit un nouvel essor, la ville jouant de nouveau pleinement son rôle international. Actuellement, la population forme un peu plus de la moitié de celle du canton : 174 000 habitants contre 332 000. Entre 1938 et 1958, Genève a gagné presque 50 000 habitants. Depuis 1962, cependant, le chiffre de population a tendance à se stabiliser, voire à reculer. Il en va différemment du canton. Celui-ci (avec la ville) comptait seulement 176 000 habitants en 1938. Entre 1961 et 1969, il a gagné près de 63 000 habitants. Le mouvement naturel n’explique pas entièrement cette évolution. Dans le canton, la natalité est de l’ordre de 15 p. 1 000, alors que la mortalité est de 9 p. 1 000. Pour la ville, les chiffres sont respectivement de 12 et de 8 p. 1 000. L’accroissement s’explique essentiellement par les mouvements migratoires. L’excédent migratoire a dépassé 61 000 personnes (dont les trois quarts d’étrangers) entre 1958 et 1968 pour l’ensemble du canton. Les ouvriers et manœuvres forment environ 55 p. 100 de la population immigrée. Le secteur tertiaire exerce toutefois une attraction sur la main-d’œuvre.

Dans le canton et dans la ville, les Genevois de naissance sont minoritaires : à peine 30 p. 100 dans les deux cas (un tiers d’étrangers et près de 40 p. 100 de Confédérés). Parmi les étrangers, on distingue les travailleurs possédant une qualification généralement médiocre, le personnel étranger des services internationaux ainsi que le personnel diplomatique. Le fait que les Genevois sont partout minoritaires démontre l’attraction qu’exerce la cité en Suisse et à l’étranger. Parmi les étrangers, les Italiens sont les plus nombreux.

En 1969, on comptait 53 300 travailleurs étrangers soumis au contrôle du travail pour l’ensemble du canton, dont 10 590 étaient des frontaliers. Le nombre de ces derniers augmente. Les étrangers sont surtout nombreux dans la métallurgie, le bâtiment, le commerce et le personnel de service. Le caractère cosmopolite est plus affirmé aujourd’hui qu’avant 1914, et les rapports sociaux n’en sont pas toujours facilités. Les travailleurs saisonniers sont toujours très nombreux. Les naturalisations sont fréquentes. L’assimilation des Suisses alémaniques s’opère facilement.


Une ville et un canton frontaliers

Le territoire médiéval était plus ou moins incohérent. Ce n’est que le traité de Vienne, en 1815, qui donna ses limites au canton actuel : vingt-deux communes furent regroupées dans ce dernier. Malgré ce regroupement, l’unité économique du bassin de Genève n’était pas réalisée. Ville et canton étaient à l’étroit. Aussi fut-il décidé, lors de la création du canton, d’entourer celui-ci d’une zone franche, en territoire français, comprenant le pays de Gex et ses environs, soit 547 km2. Un cordon fiscal a été institué à l’extrémité française de la zone ; cependant, Genève peut être ravitaillée en produits agricoles en partant de la zone franche. Celle-ci lui fournit aussi une partie de sa main-d’œuvre. Le territoire agricole, malgré l’intensité de sa mise en valeur, avec ses 12 900 ha de surface agricole utile (S. A. U.), est trop exigu pour ravitailler la population urbaine. Les conditions naturelles ne sont pas défavorables. Les sols, en partie morainiques, se prêtent aux labours. Malgré l’abri des montagnes, les précipitations restent largement suffisantes pour la céréaliculture. Les céréales occupent la moitié de la S. A. U. Le système de culture dominant associe céréales, plantes sarclées et herbe. De nombreux travaux d’amélioration ont été entrepris depuis la fin du xixe s. : drainage des zones basses, remembrement. La vigne constitue un des éléments originaux du paysage rural. Elle occupe 7,5 p. 100 de la surface totale du territoire. Le mouvement coopératif viticole a permis l’amélioration des produits et favorisé leur commercialisation.


Une ville internationale

Le caractère international est particulièrement marqué. Il découle en partie des conditions géographiques et des vicissitudes historiques. Grâce à ses relations internationales et malgré l’étroitesse du cadre territorial du canton, Genève remplit des fonctions de métropole. Sa situation frontalière à proximité des aires de civilisation germanique, française et italienne a été particulièrement féconde sur le plan culturel et sur le plan économique. Le rôle religieux est sans doute également à mettre en relation avec la situation géographique. J.-J. Rousseau, Voltaire, Byron ont séjourné ici et ont été profondément marqués par l’esprit de Genève. L’université a pris la succession de l’Académie. Elle marque le rayonnement de la cité, qui a toujours accordé beaucoup d’importance à l’esprit. Une nouvelle impulsion vint du choix, en 1919, de la ville comme siège de la Société des Nations. Quatre organisations internationales demeurent dans la ville : l’Organisation internationale du travail, l’Office mondial de la santé, l’Organisation mondiale de la météorologie, l’Union internationale des télécommunications. S’y ajoute le Comité international de la Croix-Rouge. La création de ces organismes a produit un effet d’attirance, et d’autres instances internationales ou nationales ont choisi Genève comme siège. Toutes ces organisations ont des bureaux importants, organisent des colloques ou congrès et animent la vie culturelle et économique. La croissance récente de la ville est à mettre en relation avec l’acquisition des fonctions internationales. L’essor du trafic aérien de l’aéroport de Cointrin reflète cette situation.

Le Centre européen de recherche nucléaire (C. E. R. N.) a été implanté en 1954-55. Installé à Meyrin, il a provoqué un essor rapide de cette commune. Ses laboratoires emploient plus de 1 600 personnes. Aucune université suisse ne présente un caractère aussi international que celle de Genève. En 1966, près de 60 p. 100 des étudiants étaient des étrangers.