Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

gaz (guerre des) ou guerre chimique (suite)

Les incapacitants

Appelés également inhibiteurs, ces produits présentent une différence fondamentale avec les précédents : ils ne tuent pas, mais provoquent une neutralisation temporaire de l’être humain, qui, au bout d’un certain temps, sans traitement médical ni séquelles, redevient normal. Les premiers en date furent les gaz irritants (lacrymogènes et sternutatoires) utilisés au combat, mais aussi par les forces de police dans les opérations de maintien de l’ordre. Les plus connus aujourd’hui sont la diphénylaminochlorasine, ou D. M., et le C. B. (orthochlorobenzylmalononitrile), employé par la plupart des polices. D’autres, troublant les fonctions psychiques somatomotrices, perturbent le comportement de l’individu. La plupart, d’origine végétale, étaient employés depuis des siècles, tels le pavot (qui contient morphine et narcotine), le chanvre indien, le peyotl (porteur de mescaline) et certains champignons du genre des psilocybes contenant des substances hallucinogènes isolées sous les noms de psilocybine et de psilocyne. On les retrouve dans l’ergot du seigle, dont l’étude a conduit à un produit de synthèse, le diéthylamide de l’acide lysergique, appelé LSD 25 ou simplement LSD, qui, à dose extrêmement faible (30 à 50 millionièmes de gramme par kilo), modifie chez l’homme la notion de temps, de forme, de vitesse et d’espace et incite à l’inertie. La production industrielle du LSD permettrait d’obtenir des quantités suffisantes pour un emploi militaire. Ce dernier reste pourtant problématique, notamment par la difficulté d’administrer les incapacitants à la dose correcte, au-dessous de laquelle ils sont inefficaces et au-dessus de laquelle ils peuvent être mortels.


Autres emplois possibles des agents chimiques

Les récents développements de la chimie apportent d’autres possibilités aux agents chimiques. Dans ce domaine, entouré de secret, s’ouvrent diverses voies encore hypothétiques telles que la réduction locale de la quantité d’oxygène de l’air pouvant entraîner l’arrêt des moteurs à explosion ou l’asphyxie des personnes, la production de petits nuages de gaz explosifs ou l’attaque par gaz des matières à base de silice (appareils optiques)... Un seul procédé nouveau a été mis en œuvre par les Américains contre les Japonais en 1945 et plus tard au Viêt-nam : c’est la défoliation, qui détruit par agent chimique la végétation et supprime les couverts utilisés au combat.

Les techniques récentes ont également transformé les conditions d’emploi des agents chimiques. Si l’obus à gaz demeure redoutable, la rapidité de tir des roquettes par engins multitubes ou l’emploi de missiles à charges multiples faciliteraient des attaques soudaines à haute concentration sur des zones bien délimitées. Mais ce sont les moyens aériens (épandage aérien, bombettes lancées par avion) qui sont les mieux adaptés pour répandre massivement et à grande portée les toxiques dispersés sous forme de gouttelettes ou d’aérosols.

Malgré ces grandes possibilités, l’arme chimique ne représente pas pour autant une arme universelle, car elle reste soumise à des conditions météorologiques. Arme d’appoint contre des éléments difficiles à attaquer par les armes classiques (fortification, abri naturel, vallées encaissées...), elle peut être aussi une arme de choc par son effet massif et foudroyant, obtenu sans dégâts pour l’infrastructure et les matériels. C’est dans ce sens que l’on peut redouter son emploi éventuel comme intermédiaire entre celui des armes conventionnelles et celui des armes nucléaires.

Vocabulaire de la guerre chimique

amiton, thiolophosphate de diéthyle et de diéthylaminoéthyle.

arsines, famille de toxiques composés de l’azote.

bactériologique (arme). V. arme.

fugace, se dit d’un gaz dont l’action est brève par suite de dilution.

incapacitant, produit toxique neutralisant temporairement l’individu sans séquelles biologiques.

insidieux, se dit d’un gaz pénétrant dans l’organisme sans provoquer de réaction physique immédiate ou apparente.

irritant, se dit d’un gaz provoquant des réactions physiques d’autodéfense (lacrymogène, sternutatoire).

neurotoxique, produit toxique agissant sur le système nerveux (ce sont surtout des composés organophosphorés comprenant les trilons et les amitons).

persistant, se dit d’un gaz qui imprègne les objets de façon durable ou ayant un faible pouvoir de dilution dans l’atmosphère.

phosgène, carboxyle bichloré utilisé par les Alliés pendant la Première Guerre mondiale en réplique aux attaques par vagues de chlore.

réversibilité (loi de), aptitude physiologique du corps humain à éliminer les poisons ingérés.

sarin, méthylfluorophosphonate d’isopropyle : le plus toxique des trilons.

soman, méthylfluorophosphonate de pinacoline : trilon.

suffocant, se dit d’un gaz qui rend la respiration malaisée ou impossible.

tabun, diméthylamino-cyanophosphate d’éthyle : trilon.

trilon, famille de composés organophosphorés comprenant le tabun, le sarin et le soman.

vésicant, se dit d’un gaz provoquant de graves lésions de la peau et des voies respiratoires, telle lypérite.

ypérite, sulfure d’éthylène dichloré, employée pour la première fois par les Allemands le 11 juillet 1917 à Ypres.

zyklon, synonyme allemand de l’acide prussique, ou acide cyanhydrique, employé dans les chambres à gaz par les Allemands de 1943 à 1945.

M. F.

 A. Meyer, les Gaz de combat (Charles-Lavauzelle, 1936). / H. Mordacq, le Drame de l’Yser : la surprise des gaz, avril 1915 (Renaissance du livre, Bruxelles, 1936).

gaz inertes

Corps simples gazeux existant en petite quantité dans l’air.



Découverte

La découverte des gaz inertes (hélium, néon, argon, krypton, xénon) a été présentée dans l’article sur l’air. Le radon correspond à un gaz d’abord appelé émanation du radium et signalé par Dorn en 1901 ; un de ses isotopes est une « émanation du thorium » qui fut appelée thoron et découverte par Rutherford et Soddy en 1900 ; un autre isotope est une « émanation de l’actinium », ou « actinon », signalée par Gresel en 1902 et par Debierne en 1903. Tous les isotopes connus du radon sont radio-actifs.

On a longtemps utilisé l’expression gaz rares à la place de celle de gaz inertes, qui est préconisée maintenant par l’Union internationale de chimie.