Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

gaz (suite)

Il n’est pas de marché, dans le domaine de l’énergie, qui soit encore aussi mouvant que celui du gaz naturel : les mutations dans les techniques de transport sont trop récentes pour qu’on puisse lire tous leurs effets. Ce qui est déjà remarquable, c’est le style très particulier des échanges : les investissements sont si lourds que les contrats portent nécessairement sur de longues périodes et imposeront, d’ici à quelques années, une trame rigide de relations et de solidarités.

P. C.

A.-H. S. et L. S.

➙ Dégazolinage / Désulfuration / Essence / Éthylène / Forage / Gisement / Lacq / Pétrochimie / Pétrole / Pipe-line / Prospection / Raffinage / Stockage.

 R. Guglielmo, le Gaz naturel dans le monde (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1960). / J. Chardonnet, Géographie industrielle, t. I : les Sources d’énergie (Sirey, 1962). / P. Brachay, l’Industrie du gaz (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1964 ; 2e éd., 1970). / G. Manners, The Geography of Energy (Londres, 1964). / A. Gamblin, l’Énergie en France (S. E. D. E. S., 1968). / M. Izaure et A. Guinot, le Gaz, industrie en expansion (Berger-Levrault, 1971).

gaz (guerre des) ou guerre chimique

L’expression guerre chimique, qui recouvre et tend à remplacer celle de guerre des gaz, désigne l’utilisation contre un adversaire de toute substance chimique ayant des effets toxiques directs sur l’homme, les animaux ou les plantes.


C’est en 1483 qu’apparaît pour la première fois dans un manuscrit allemand une recette de bombe asphyxiante. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, toutefois, nul ne se préoccupe de cette nouvelle arme, dont la déclaration de La Haye du 29 juillet 1899 interdit l’emploi. Cette prohibition, confirmée en 1907, restera sans effet, puisque, le 22 avril 1915, les Allemands font déferler sur un front de 6 km près d’Ypres une vague de chlore qui met 15 000 hommes hors de combat (dont 5 000 tués). L’émission de gaz par vagues est abandonnée dès 1916 au profit de l’obus chargé de gaz, beaucoup plus efficace, dont Ludendorff voudra faire l’arme de la décision dans ses offensives de 1918. Forme initiale de la guerre chimique, la guerre des gaz connaît alors un grand développement par l’emploi de produits plus agressifs, tels le phosgène, le bromure de xylène, l’ypérite (inaugurée par les Allemands à Ypres en juillet 1917) et les arsines. En 1918, 1 300 000 hommes avaient été atteints par les gaz.

Bien que le protocole de Genève du 17 juin 1925 (que ne signent ni le Japon ni les États-Unis) condamne de nouveau cette forme de guerre, l’Italie y recourt en Éthiopie en 1935, et les recherches continuent, tandis que des appareils de détection et des dispositifs individuels (masque) et collectifs (abri) de protection de la population civile contre les gaz sont réalisés dans de nombreux pays. En 1936, à la faveur d’études sur les insecticides, les Allemands découvrent un produit, le tabun, qui ouvre la voie à une nouvelle gamme de gaz, les trilons, neurotoxiques dont le plus classique est le sarin, isolé en 1938 et quatre fois plus toxique que le tabun. Malgré une fabrication industrielle importante (les stocks découverts en 1945 dans le Reich sont évalués à plus de 100 000 t), les Allemands n’utiliseront pas les gaz au combat pendant la Seconde Guerre mondiale ; ils emploieront cependant l’acide cyanhydrique pour l’extermination rapide et massive des déportés dans les sinistres chambres à gaz des camps de concentration*. En 1950, les Anglais découvrent les produits A, neurotoxiques apparentés à l’amiton, qui sont en 1970 les plus dangereux des toxiques connus. Mais les recherches portent aussi sur des agents aux effets temporaires et non mortels, les incapacitants tels que le LSD, dont l’emploi, à l’ère de l’atome, a été considéré par certains comme la forme la moins inhumaine de la guerre. C’est ainsi que, dans les années 1960, les Américains pensèrent que l’arme chimique pourrait être un second deterrent, tandis que, de son côté, l’U. R. S. S. disposait de tous les neurotoxiques connus des Occidentaux, maintenait plus de 15 p. 100 de ses munitions chargées à gaz et poursuivait l’entraînement de 30 millions d’habitants à la défense contre les armes chimiques. Cette forme de guerre est donc toujours à redouter, et les déclarations se succèdent encore pour la condamner. En 1969, les États-Unis déclarent vouloir ratifier les accords de Genève de 1925, l’O. N. U. adopte une motion suédoise contre la guerre chimique et, en 1970, l’Organisation mondiale de la santé demande l’arrêt des recherches dans le domaine des armes chimiques.


Caractéristiques des armes chimiques

Leur caractéristique fondamentale est la toxicité, qui correspond au temps (T) en minutes pendant lequel le personnel doit rester soumis à une concentration (C) de gaz par mètre cube. Cette toxicité (CT) s’évalue sur deux bases différentes : une toxicité mortelle (CT 50 M), qui est la dose nécessaire pour atteindre un effet de 50 p. 100 de morts, et la toxicité (CT 50 HC), qui représente la dose suffisante pour mettre 50 p. 100 du personnel hors de combat. La précision de ces données efface les classifications empiriques utilisées jusqu’alors, qui répartissaient les gaz de combat selon leurs effets physiologiques (irritants, suffocants, vésicants, toxiques) ou suivant leurs possibilités tactiques d’emploi (persistants, fugaces ou insidieux).


Les agents mortels

Cette première catégorie serait imparfaitement définie si l’on se contentait de souligner son caractère meurtrier. Elle atteint l’organisme humain si profondément qu’il faut un traitement médical suivi pour sauver les sujets en ayant absorbé la moindre dose. Tous ces produits en effet attaquent un centre physiologique essentiel de la vie : le chlore et le phosgène, les voies respiratoires ; l’acide cyanhydrique, le cœur ; l’ypérite, les yeux et la peau ; les organophosphorés, les centres nerveux... Ils agissent le plus souvent par le canal des voies respiratoires, sauf l’ypérite, qui, comme les trilons, s’infiltre par les muqueuses ou par la moindre égratignure, et l’amiton, qui est directement absorbé par la peau sans aucune vésication ni brûlure. Les plus dangereux, les neurotoxiques, sont les composés organophosphorés (trilons, amitons) : pénétrant dans le système nerveux, ils inhibent au niveau des neurones l’action de la cholinestérase, enzyme qui contrôle la transmission du signal nerveux. Les signaux étant bloqués, les nerfs ne commandent plus aux muscles, d’où convulsions, paralysie et, pour finir, mort par asphyxie (une dose mortelle de sarin tue au bout de une à dix minutes). L’antidote est l’atropine, qui doit être administrée dans les moindres délais ; on traite ensuite par des oximes, qui réactivent la cholinestérase.