Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

gaz (suite)

Au fur et à mesure que l’enfouissement se poursuit, chaleur et pression se combinent pour amener des transformations progressives. Les molécules de méthane subissent une transformation qui donne naissance aux assemblages géants de kérosène. À moyenne profondeur, entre 1 et 4 km, les produits formés sont en majeure partie liquides. À partir de 2 500 m, la fraction gazeuse augmente rapidement et devient dominante au-delà de 4 000 m.

Dans les zones où la lignine constituait l’essentiel de la matière enfouie, la transformation aboutit d’une part à la formation de charbon, d’autre part à celle de gaz sec : cela explique la distinction de provinces à gaz (la zone sédimentaire de la mer du Nord, où la roche mère est constituée par les assises carbonifères) et de provinces à huile, comme celles des États-Unis, du Moyen-Orient ou du Mexique.

Les causes de l’essor de la production

L’augmentation de l’offre de gaz tient naturellement à l’élargissement de la prospection à des zones à gaz, comme celles de la mer du Nord, ou comme certaines régions sahariennes ou sibériennes. D’autre part, au fur et à mesure que la prospection se fait plus profonde dans les provinces à huile, la part du gaz a tendance à augmenter : c’est ce qui explique la part du gaz naturel dans la région aquitaine française, le métamorphisme ayant de plus favorisé l’évolution vers l’état gazeux à proximité des Pyrénées (zone de Meillon-Pau).

Du côté de la demande, la stimulation est apparue avec la découverte des propriétés fondamentales du gaz naturel. Il constitue une matière première de choix pour toute l’industrie chimique : par craquage, il fournit de l’acétylène, cependant que les traitements d’épuration qu’il subit nécessairement donnent des sous-produits intéressants (qu’on songe au soufre de Lacq, 1,7 ou 1,8 Mt par an). Le gaz permet de satisfaire les consommations de chaleur dans les meilleures conditions de souplesse et d’efficacité et sans contribuer à la pollution atmosphérique lorsqu’il a été convenablement traité au préalable.

Ce qui a longtemps freiné l’essor de l’extraction, ce fut cependant la difficulté du transport et, dans une moindre mesure, celle du stockage. La mise au point de tubes d’acier soudés de grande résistance a permis, dès les environs de 1940, d’acheminer le méthane à longue distance. Les charges de transport demeurent assez fortes, mais, comme le prix au départ est généralement très bas, la portée du produit est bonne. Les immobilisations nécessaires à la réalisation d’un réseau de gazoducs sont si fortes qu’il n’est pas question d’utiliser la capacité créée au-dessous de ses possibilités. Comme la demande finale n’est pas toujours continue et régulière, il importe de pouvoir stocker le gaz à proximité des aires de destination. Les gazomètres métalliques utilisés pour le gaz de ville se sont révélés trop petits et coûteux. Dans beaucoup de cas, la solution a été trouvée dans l’utilisation de structures géologiques en nappe aquifère. Là où la nature et la structure du sous-sol interdisent ce procédé, on a eu recours à la liquéfaction.

C’est également à elle que l’on a eu recours pour rendre le gaz transportable par mer. L’expérience décisive a eu lieu en 1959, avec la création d’un service régulier de transport liquide du méthane entre l’Angleterre et la Louisiane. Les résultats ont été si satisfaisants que la construction de méthaniers se poursuit à un rythme fiévreux. On est en train de voir se constituer un marché mondial des hydrocarbures gazeux.

L’exploitation et les échanges

La géographie actuelle de la production et des échanges est très contrastée et en pleine réorganisation, comme il est naturel pour un produit dont les modalités d’exploitation et de transport viennent de connaître des bouleversements profonds, et qui est en train de passer du niveau des marchés régionaux à celui des marchés continentaux ou intercontinentaux.

La difficulté d’assurer les transports à longue distance a d’abord favorisé la création d’industries utilisatrices à proximité des gisements et la mise en place de réseaux de distribution régionaux. C’est ce qui s’est passé aux États-Unis, lors de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les usines nouvelles d’aluminium ou de caoutchouc synthétique ont été édifiées dans les zones productrices du Texas ou de la Louisiane. L’exploitation du gaz naturel découvert dans la plaine du Pô, en Italie, un peu avant 1950, s’est faite selon le même schéma géographique. Lorsque le gaz de Lacq est mis en exploitation en France dix années plus tard, le type d’organisation est déjà différent : autour de la zone productrice, à proximité immédiate de l’usine qui épure le gaz produit, on crée des entreprises fortes consommatrices. Mais une large partie de la production est conduite par gazoduc vers le Centre-Ouest, la Région parisienne et le Centre-Est : on est passé du marché régional au marché national. En Italie, aux alentours de 1960, on en est également là. En Amérique du Nord, le marché est déjà à l’échelle d’un continent.

Depuis dix ans, on voit s’organiser des échanges à longue distance. Les investissements nécessaires sont si élevés que les contrats portent sur des quantités très fortes, pour de longues périodes, vingt ans dans bien des cas. Les négociations se font entre compagnies privées très puissantes ou entre États. Quoique les fournisseurs soient généralement les grandes compagnies internationales qui dominent le marché du pétrole, l’équilibre des forces est différent. La distribution échappe aux pétroliers et revient aux sociétés privées, ou souvent publiques, qui vendaient le gaz d’éclairage.

Les relations les plus importantes se nouent entre États voisins : les Pays-Bas sont au centre du système ouest-européen d’échanges. Entre l’U. R. S. S. et les démocraties populaires, des relations importantes se développent. Mais le fait nouveau des dernières années est la part prise par les échanges maritimes. L’Europe occidentale importe du gaz d’Algérie, du Venezuela. Les États-Unis s’intéressent aux mêmes fournisseurs. Le Japon va absorber la production de Brunei. En même temps, il paraît possible de créer des liaisons continentales à très fort débit et à très longue distance : c’est dans cette optique qu’il faut placer les négociations pour écouler le gaz russe dans l’ensemble de l’Europe occidentale.