Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Gaule (suite)

Transformation de la religion

En effet, la religion s’est transformée, et en partie par la volonté de Rome. Le druidisme a été condamné officiellement sous le règne de Claude, et le nom de druide ne s’est plus guère employé. Gardiens d’une culture purement orale, d’un savoir ésotérique, défenseurs du celtisme et de la nation gauloise, suspects enfin de sorcellerie, les druides ne pouvaient être acceptés par Rome. On ne trouve plus que des prêtres, prêtres d’une religion édulcorée : les Romains semblent avoir voulu ôter leur barbarie aux dieux indigènes en les assimilant au panthéon gréco-romain. Ce faisant, ils suivaient dans une certaine mesure les traces des druides eux-mêmes. Le dieu des guerriers, Teutatès, fut banni : il risquait de représenter un signe de ralliement national. Les autres dieux allaient se fondre avec ceux du panthéon gréco-romain, suivant un processus classique dans le monde antique. À partir de 69 apr. J.-C., la triade Capitoline elle-même se confond avec la triade celtique. Une fois acquis un nom romain, ces dieux ont cependant gardé leur caractère original, et ce caractère se maintient, s’amplifie parfois aux iie et iiie s. Les sanctuaires ont, avec l’usage de la pierre, pris forme pour nous. Mais ils ont en Gaule un aspect particulier, un plan centré, carré, rond ou polygonal qui doit correspondre à une tradition antérieure à la conquête. Les cérémonies cultuelles telles qu’elles sont attestées par les inscriptions sont conformes aux usages latins.


La culture latine en Gaule

Les usages latins : ce sont eux que l’on trouve encore dans les écoles de rhétorique gauloises. À Autun, les traditionnelles écoles dites « méniennes » sont célèbres. Mais partout on étudie les auteurs classiques. Il paraît vain d’essayer de rattacher la réputation de la rhétorique gauloise à une vieille habitude des palabres ou à une tradition pédagogique remontant aux druides. Le temps vient vite où les écrivains originaires de Gaule orientent leur élan patriotique vers Rome et ne réservent qu’une attache sentimentale à l’égard de leur pays d’origine. Les grandes œuvres sont tardives. Trogue Pompée, historien méridional de l’époque d’Auguste, est une exception. Les rhéteurs (Cn. Domitius Afer) ou poètes (Varron de l’Aude, v. 82 - v. 37 av. J.-C.) de l’époque classique ne sont guère que des noms pour nous. Plus tard apparaissent de grands auteurs dont nous pouvons apprécier encore les écrits : Ausone (v. 310 - v. 395), qui fut professeur à Bordeaux et qui a fait une description, devenue classique, de son domaine et de sa villa ; Rutilius Namatianus (ve s. apr. J.-C.), dont un poème conservé en partie raconte un voyage d’Italie en Gaule ; Sidoine Apollinaire (431 ou 432-487 ou 489), gendre de l’empereur Avitus, grand propriétaire puis évêque, dont les propos font revivre la vie de la haute société cultivée durant les pauses de la tourmente des invasions. Mais cela nous introduit dans une époque tardive, où le sort du pays a considérablement évolué.


Invasions et désordres

En effet, dès la fin du iie s., les avantages de la paix romaine commencent à se dégrader. Rome a protégé jusqu’alors la Gaule de la pression des peuples d’au-delà du Rhin. Or, sous l’empereur Marc Aurèle (161-180), ils enfoncent les défenses de l’Empire, tant sur les frontières fortifiées que sur les côtes, où les pirates se montrent. À la même époque réapparaissent les mouvements de révolte à l’intérieur (173-174). L’archéologie fait remonter à cette époque également les premières ruines, dans les villes et les villae, tant sur la côte de la Manche (Lillebonne) qu’au cœur même de la Gaule. De ce temps datent encore les premiers trésors monétaires : magots enfouis que leurs propriétaires ne sont jamais venus reprendre. Enfin, les conséquences des conflits militaires autour du pouvoir impérial se font sentir : Lyon est dévasté en 197 par les soldats, à la suite de la bataille qui oppose, à proximité, deux prétendants à l’Empire, Albinus et Septime Sévère (193-211). La situation ne s’améliore pas au iiie s., où, parmi les Barbares, les Francs apparaissent pour la première fois de façon massive, déferlant sur l’ouest de la Gaule et jusqu’en Espagne, vers 253-260, accompagnés d’une vague de destructions et de ravages irrémédiables (arrêt de la production de céramique, à Lezoux et en Argonne). Les vagues d’invasion cessaient de déferler quand un empereur énergique parvenait au pouvoir.

Or l’empereur ne pouvait, par lui-même, défendre à la fois l’Orient et l’Occident, et c’est ce qui amenait naturellement au partage de l’Empire. C’est ainsi qu’un chef militaire, Postumus († 268), en 260, prit le pouvoir impérial, en Gaule, pour diriger la défense du pays. Il est remarquable que ce fondateur de ce que l’on a coutume d’appeler l’empire gaulois n’a ni cherché à étendre son autorité au-delà de la Gaule ni entendu être le chef d’un État séparé de Rome, d’un État proprement gaulois : il se disait seulement « restaurateur des Gaules ». L’empereur de Rome n’a du reste pas fait de grands efforts en vue de le renverser. Au demeurant, cet empire gaulois est mal connu, et sa chronologie sort tout juste aujourd’hui de l’incertitude. Le dernier empereur gaulois, Tetricus (271-273/274), sans passé militaire, eut des difficultés avec les soldats, se résigna à voir ceux-ci piller Autun (269), entama des négociations avec l’empereur de Rome, Aurélien, et, mené au combat par ses troupes, malgré lui, préféra les laisser battre et se faire prendre (Châlons-sur-Marne, 273 ou 274). Son adversaire, qu’il craignait moins que ses propres soldats, fit de lui un gouverneur de province. Ces troupes indisciplinées reçoivent des auteurs anciens le nom de bagaudes. C’est un mélange de paysans ruinés, de déserteurs, de barbares victimes du désordre et dévastateurs eux-mêmes. Signalés dès 180, ils ne seront à peu près mis hors d’état de nuire que lors de deux grandes opérations contre eux, en 285, puis en 435-437.