Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Gaule (suite)

Les Gaulois avaient eu des rois, dont quelques-uns subsistaient encore au temps de César. Ils avaient été généralement renversés au profit d’un régime aristocratique : un chef désigné annuellement, qui portait, au moins chez les Éduens, le titre de vergobret. Juge suprême, il avait le droit de vie et de mort sur tous. Il était assisté d’un conseil de chefs ou de chevaliers. C’est de ce dernier titre que les historiens anciens désignent ces nobles gaulois, représentants de grandes familles qui se partageaient et plus souvent se disputaient le pouvoir, et tenaient leur importance à la fois de leurs propriétés foncières et de leur clientèle : humbles de la ville ou de la campagne soumis à eux, leurs tributaires, mais aussi leur soutien. Ils partageaient l’influence et la puissance politique avec les seuls druides, dont le rôle dépassait les limites de la religion.


La religion

Connue surtout à travers sa forme évoluée de l’époque romaine, cette religion apparaît pleine d’énigmes : « On a l’impression de poursuivre un objet qui recule sans cesse et se dérobe à toute prise » (J. Vendryès).

Il s’y trouve en effet des éléments d’origines diverses : la terre mère primitive, déesse protectrice des morts ; des dieux animaux, ou ayant des animaux pour attributs (grue, corbeau) ; des dieux de sources, guérisseurs, qui sont aussi dieux solaires (Borvo, Grannus) et dont les sanctuaires s’enrichissent d’ex-voto ; des dieux du peuple ou de la tribu, et souvent des triades divines, comme celle constituée par Taranis, dieu du ciel, Teutatès, dieu de la tribu, et Esus, dieu de la terre et des morts. Les caractères et les attributions flottent de l’un à l’autre. Iconographiquement apparaissent quelques types singuliers : le cavalier à l’anguipède, les tricéphales, le dieu au maillet, les dieux cornus. Le culte a quelques traits particuliers : la récolte du gui, plante de salut ; l’usage des sacrifices sanglants, en forte régression à l’époque historique ; la présence des druides, au rôle intellectuel et politique autant que religieux, en fait difficile à cerner. Les druides ont certainement contribué à la consolidation du sentiment national gaulois, grâce à leur assemblée annuelle dans la forêt des Carnutes, seule institution commune à toute la Gaule. Ils ont aussi fait évoluer les croyances en élaborant une mythologie autour des dieux existants. Faute d’écrits anciens, cette mythologie mystérieuse semble se découvrir peu à peu, grâce à des recherches récentes : exploration des récits irlandais et gallois (Jean Markale), découverte de la survivance des fêtes gauloises dans le cycle annuel de la mythologie française (Jean-Jacques Hatt).


Le paysage gaulois

Les légions romaines furent frappées de l’étendue peu pénétrable des forêts gauloises. Le boisement était surtout le fait du nord du pays, moins densément peuplé et où la légendaire et redoutée forêt Charbonnière courait de l’Artois au Hainaut. Les techniques en usage étaient très dépendantes de l’exploitation forestière : sculpture sur bois, tonnellerie, construction navale, tout contrastait avec l’usage méditerranéen de s’adresser de préférence à la pierre et à la terre cuite. Les remparts eux-mêmes étaient armés de bois, quand ils n’étaient pas intégralement en bois.

La semi-virginité de la forêt gauloise apparaît mieux encore si l’on songe que les transports à grande distance se faisaient surtout par les rivières, à l’aide de radeaux montés sur des outres gonflées. Les routes n’étaient pas rares, toutefois, et plus d’une voie romaine, au lieu d’être une création, ne fut que la consolidation d’un chemin gaulois. La via Mansuerisca, dans les hautes Fagnes, était faite d’un revêtement de roches tassées sur un épais substratum de bois.

La campagne était parsemée de vici, villages où se trouvait la plus grande partie de la population. Les maisons, de bois et d’argile et de plan circulaire, étaient montées sur un soubassement de pierres sèches, ou enfoncées à demi dans le sol. Dans ce cas, l’excavation a parfois subsisté, formant un étang : ce sont les mardelles, comme on en rencontre aujourd’hui dans les forêts. Les vestiges des maisons de pierres sèches du Midi ont mieux survécu et, sur un terrain favorable, on peut distinguer les traces de plusieurs constructions voisines et se faire une idée du plan d’une grosse ferme ou d’un village. Le mobilier était réduit : chenets, crémaillères et chaudrons témoignent de la place éminente du foyer. Face à ces campagnes, la ville n’avait qu’une importance très limitée. La forteresse, oppidum, en tenait vaguement lieu, refuge en temps de guerre, marché et petit centre d’artisanat, parfois, le reste du temps. Mais les villageois se rencontraient aussi dans des marchés isolés ou dans des sanctuaires établis dans des endroits écartés, sur un sommet ou près d’une source.

Malgré cette absence de villes et malgré l’étendue de la forêt, le pays apparaissait aux Anciens comme très peuplé. On hésite cependant à accepter les estimations les plus fortes des historiens modernes. Ces estimations se sont échelonnées de 5 à 50 millions d’habitants !


L’activité économique

La population menait une existence ordinairement pacifique et pratiquait une agriculture singulièrement évoluée. Le cheval était mieux utilisé que dans les pays méditerranéens : on a pu dire qu’ici le cheval travaillait, alors qu’en Italie c’était l’esclave. Les labours se faisaient avec la carruca, charrue pourvue de roues et d’un coutre, autrement élaborée que l’araire méditerranéen. On moissonnait avec des faux perfectionnées. On amendait les terres par marnage et par chaulage. Toutes ces choses étaient inconnues du monde gréco-romain, dont les agronomes manifestèrent leur étonnement.

La vigne était pratiquement absente, et les Gaulois, amateurs d’ivresse et connus pour boire le vin pur, le faisaient venir de loin, pour le plus grand bénéfice des marchands italiens qui trafiquaient avec la Gaule au ier s. av. J.-C., et parfois y résidaient. En contrepartie, ils vendaient des salaisons, dont les troupeaux de porcs mi-sauvages assuraient une production réputée. Favorisés par d’importants gisements miniers (fer, or), les Gaulois étaient habiles métallurgistes. Ils avaient perfectionné le travail du bronze, savaient ajuster, étamer, émailler. Les Romains leur empruntèrent la plupart des noms de véhicules à traction animale, ce qui les fait supposer spécialistes en charronnerie et carrosserie. Par là même, le fait confirme l’importance de leurs routes et de leur commerce. Outre les échanges avec les Grecs et les Romains par le Rhône, les Alpes et le Danube, les Gaulois ont pratiqué, à titre d’intermédiaires, le transport de l’étain de Bretagne, de la côte atlantique à Narbonne ou à Marseille, ou encore de Boulogne aux Alpes.