Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gauguin (Paul) (suite)

Le paradis retrouvé

Gauguin à Tahiti, c’est évidemment le passage le plus attendu de la bande dessinée. Inversement, c’est l’épisode de la vie de Gauguin le plus décrié, notamment par les artistes, Cézanne ou Pissarro alors, d’autres depuis. Certes, ni Cézanne ni Pissarro n’ont besoin d’aller à Tahiti : pour Cézanne, par exemple, la montagne Sainte-Victoire n’a sans doute pas plus d’importance qu’une cruche. C’est que les exigences de Gauguin sont autres. Celui-ci aurait pu continuer à accumuler des chefs-d’œuvre en peignant des légumes bien français, des marchandes des quatre-saisons et le bois de Vincennes, mais sa conception de l’art comme quête d’une vérité à découvrir à la fois sur la toile et dans la vie le lui interdisait. Sa peinture est une perpétuelle incitation à rêver le monde quotidien, c’est-à-dire à le transformer à la lumière du désir : il n’est donc pas concevable que le monde se transforme seulement sur la toile. À Tahiti, Gauguin peut à la fois vivre pleinement et faire une peinture qui ne soit pas mensongère, mais en accord avec la vie enfin changée. Changée ne serait-ce que sur un point, absolument crucial dans l’aventure de Gauguin : la vie amoureuse. Teha’amana et les autres vahinés ne s’opposent pas seulement à la rigide Mette et à la formule répressive de la famille occidentale ; leur rôle est aussi important sur la toile de Gauguin que dans son lit. Grâce à elles, le refus de la perspective héritée de la Renaissance devient refus de la durée, célébration de la beauté de la chair et de l’instant, éloge du plaisir sexuel, bain de Jouvence.


Où allons-nous ?

Pourtant, le paradis est menacé, sans quoi la bande dessinée manquerait d’intérêt. Installé à Mataïea, sur la côte sud, Gauguin travaille avec acharnement, jusqu’au moment où sa peinture se met au diapason des êtres et des paysages. Mais la maladie le frappe bientôt, le manque d’argent devient chronique, et Gauguin débarque à Marseille le 4 août 1893. En novembre, l’exposition de ses toiles tahitiennes chez Durand-Ruel se solde par un échec. En 1894, après avoir rendu une dernière visite à Mette, à Copenhague, Gauguin a la jambe fracturée d’un coup de sabot au cours d’une rixe avec des matelots dans le port de Concarneau. Résolu à retourner à Tahiti, il organise une nouvelle vente de ses tableaux à l’hôtel Drouot, avec une lettre-préface peu compréhensive d’August Strindberg, vente si catastrophique que le peintre rachète les trois quarts de ses toiles. Il s’embarque à Marseille pour Tahiti, où il s’installe en juillet 1895, cette fois sur la côte ouest, à Punaauïa. Son état de santé s’aggrave, et il doit faire de longs séjours à l’hôpital de Papeete. La misère est grande. En 1897, Gauguin apprend la mort de sa fille Aline, son enfant préféré, et cesse désormais de correspondre avec Mette. La fin de l’année est occupée par la réalisation de son testament pictural, D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (Museum of Fine Arts, Boston) ; après quoi, en janvier 1898, il tente de se suicider à l’arsenic. Contraint quelque temps à travailler dans les bureaux du cadastre, il édite un journal satirique, le Sourire, qui contribue à augmenter le nombre de ses ennemis. Grâce à un contrat avec Ambroise Vollard, il commence à vendre, mais son état d’épuisement est tel qu’il ne peut peindre de toute l’année 1900. En 1901, il s’installe à Hiva-Oa, l’une des îles Marquises. Des ulcères aux jambes, l’alcoolisme, la syphilis, à quoi viennent s’ajouter des démêlés avec l’archevêché et la gendarmerie, qui l’accusent d’encourager l’« anarchie indigène », n’empêchent pas « la Maison du Jouir » de s’emplir de nouvelles vahinés et de peintures admirables, dont les deux versions des Cavaliers sur la plage, peintes quelques mois avant sa mort.

J. P.

 CHOIX D’ÉCRITS DE P. GAUGUIN. Noa-Noa, texte et illustrations (Éd. de la Plume, 1901, avec la collaboration de C. Morice ; rééd., Balland, 1966, préface et notes de J. Loize). / Lettres de Gauguin à Daniel de Monfreid, préface de V. Segalen (Crès, 1920). / Ancien Culte mahorie, fac-similé du manuscrit illustré du Louvre (la Palme, 1951).
C. Estienne, Gauguin (Skira, 1953). / R. Huyghe, Gauguin (Flammarion, 1959). / M. Gauthier, Gauguin (Larousse, 1961). / H. Perruchot, la Vie de Gauguin (Hachette, 1961). / G. Boudaille, Gauguin (Somogy, 1963). / C. Gray, Sculpture and Ceramics of Paul Gauguin (Baltimore, 1963). / L. Sykorová, les Gravures sur bois de Paul Gauguin (Prague, 1963). / G. Wildenstein, Paul Gauguin, t. I : Catalogue (Bibliothèque des Arts, 1964). / F. Cachin, Gauguin (le Livre de poche, 1968). / W. Jaworska, Gauguin et l’école de Pont-Aven (Ides et Calendes, Neuchâtel, 1971).

Gaule

Ancien nom de la France.


La Gaule correspond essentiellement à la France*, mais en ayant le Rhin pour limite. Elle paraît avoir été habitée principalement par des Celtes, à une certaine époque ; le nom de gaulois passait dans l’Antiquité pour synonyme de « Celte », mais il prit de plus en plus le sens d’« habitant de la Gaule », et l’usage moderne est d’appeler surtout Gaulois les Celtes de Gaule. Si la Gaule fut le pays des Gaulois, et la France celui des Francs, le nom de France ne s’est répandu que longtemps après l’invasion franque : le nom de Gaule est resté en usage parallèlement à celui de la langue latine (Gaule mérovingienne, carolingienne). Ce nom s’est même étendu plus tard (xe s.) à l’Allemagne ; pour les Italiens, Gaule désignait alors tout ce qui était transalpin.

Mais il exista aussi, dans l’Antiquité, une Gaule Cisalpine (« de ce côté » des Alpes, du point de vue romain), qui correspondait à l’Italie continentale et qui fut aussi appelée parfois Italie Circumpadane ou encore Gallia togata (« en toge »), divisée en Cispadane et Transpadane. De même, la Gaule proprement dite, appelée parfois par contraste Transalpine (ou Lyonnaise, ou Ultérieure), s’est également divisée dans la géographie des Romains : à la Gaule Narbonnaise, province romaine, antérieurement dite Gallia bracata (« où l’on portait des braies »), s’opposa la Gallia comata (« aux longs cheveux »), qui restait à conquérir et que César appelait les Trois Gaules, en la divisant en Gaule Belgique, Gaule Celtique et Aquitaine (l’expression Gaule Aquitaine étant très rare). Les divisions administratives romaines devaient ajouter d’autres noms : Gaule Viennoise, Lyonnaise Première, Seconde, Troisième, Quatrième.