Poète espagnol (Fuente Vaqueros 1898 - Víznar 1936).
La vie
« Mon père était propriétaire terrien et un bon cavalier, ma mère venait d’une bonne famille. » Federico García Lorca est né à Fuente Vaqueros, non loin de Grenade.
J’ai compris qu’ils m’avaient assassiné ;
Ils cherchèrent dans les cafés, les cimetières,
Les églises ; ils défoncèrent des tonneaux,
Ils fracturèrent des armoires ;
Ils détruisirent trois squelettes,
Rien que pour voler leurs dents en or ;
Mais ils ne me trouvèrent pas.
Me trouvèrent-ils ?
Non, ils ne me retrouvèrent pas.
Lorca mourut, fusillé, victime de rancœurs locales et de la brutalité d’un reître tout-puissant, au commencement de la guerre civile, à Víznar, près de Grenade, avec un lot d’autres victimes. Et ses cendres, avec les leurs, sont éparses dans le ravin.
Entre ces deux dates, 1898 et 1936, s’écoula une vie pleine d’enfant doué, de jeune garçon « en fleur », de poète spontané, d’écrivain pondéré, responsable, consciencieux, d’homme entièrement engagé dans son temps, non certes comme politicien, mais comme une généreuse nature qui voua aux amis, aux proches et au peuple son talent et ses vertus, son génie et son métier, tout son temps et toute sa vie.
Au village, c’est le plus joueur des enfants. Il monte de bonnes parties et de folles équipées avec les gamins de la rue, il apprend de leurs bouches les comptines et les chansons populaires, il se frotte aux romanichels, aux mendiants, aux vagabonds, aux ouvriers agricoles, à ceux qui vivent de la contrebande et du colportage, à ceux qui gagnent leur pain à ferrer les chevaux et à tondre les ânes. Mais c’est un enfant de riche. Il va au lycée, il apprend l’harmonie, il s’exerce à la guitare sur ses modes classique et populaire, et il se voue à la musique. Ses parents, alors, le retiennent de force à la maison. Il en fait tout un drame. À l’université de Grenade, il néglige le droit, admire son professeur Fernando de los Ríos, apôtre du libéralisme ; il écrit son premier article (sur les « règles en musique ») et son premier poème (les Rencontres d’un escargot amoureux), qui est dramatiquement dialogué ; il publie sa première prose (Fantaisie symbolique), également dialoguée. Il voyage, il jette sur le papier ses Impressions et paysages (1918). À Madrid, il cherche la société des poètes et des artistes : Pedro Salinas, la Argentinita. De retour au pays natal, il se prend d’admiration pour le musicien Manuel de Falla*. Puis il s’installe pour dix ans (1919-1929) à Madrid, à la « Residencia de Estudiantes », pépinière où se forme l’élite intellectuelle et artistique de l’Espagne. Là, il se lie d’amitié avec le grand poète Juan Ramón Jiménez*, l’écrivain et peintre José Moreno Villa et le futur cinéaste Luis Buñuel*. En 1920, il donne à jouer sa première pièce, le Maléfice de la phalène, que siffle le public. En 1921, il recueille ses vers, bien éclectiques et circonstanciels, dans son Livre de poèmes.
Falla le fascine avec son art de transcender savamment les airs populaires. Lorca veut en faire autant avec les paroles (ce sera son Romancero gitano et son Poème du cante jondo). En 1922, à Grenade, il donne une conférence sur le « chant profond » des Andalous. Il projette un ballet, dont la musique serait de Falla. En 1923, chez lui, il monte pour les enfants du village et quelques rares adultes un théâtre de marionnettes qu’il manipule et fait parler pour le Retable de Maître Pierre du grand musicien. Il y joue aussi un mystère médiéval, un intermède de Cervantès et une pièce de lui-même (la Jeune Fille au basilic et le Prince curieux), qu’accompagnent des musiques d’Alphonse le Sage, de Stravinski et d’Albéniz. Il aime aussi à lire ses œuvres : une partie du Romancero gitano et la première version de Mariana Pineda, mélodrame patriotique et libéral. La critique espagnole (Enrique Díez Canedo) et française (Valery Larbaud) commence à lui prêter attention (1924). Lorca, qui a toujours aimé la peinture et la décoration, s’amuse à dessiner. On retrouvera ce talent plus tard quand il fera de la mise en scène.