Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fusil (suite)

Parce qu’elle permet de supprimer l’emploi toujours aléatoire de la mèche ou du rouet, l’innovation essentielle de cette nouvelle arme est son procédé de mise de feu par silex ou fusil..., qui lui a donné son nom. Son adoption s’effectue pourtant très lentement. Introduit en France à raison de 3, 4, puis 6 unités par compagnie entre 1670 et 1690, le fusil ne sera imposé, sous l’influence de Vauban, qu’en 1703. Complété alors par la baïonnette, il conjugue l’arme à feu et l’arme d’hast, et entraîne ainsi en 1708 la suppression des piquiers. Le premier modèle réalisé par les manufactures royales et distribué aux capitaines date de 1717. Haut de 1,58 m, d’un calibre de 17,5 mm, il tire à 120 m une balle de plomb de 27 g. À la fin du siècle, il est perfectionné et « standardisé » dans sa construction par Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval et devient le fusil modèle 1777, dont les caractéristiques sont très voisines : sa vitesse de tir dépasse un coup minute, mais il y a beaucoup de ratés (25 p. 100 par temps sec, beaucoup plus par temps humide). Ce fusil fera toutes les campagnes de la Révolution et de l’Empire, mais il sera surclassé dès 1800 par les fusils anglais et prussien.


Les perfectionnements du fusil

Au cours du xixe s., le fusil va bénéficier des progrès de la technologie, qui, jusqu’à la généralisation de l’arme automatique durant la Première Guerre mondiale, en feront l’arme individuelle par excellence et surtout l’arme de l’infanterie.

Le premier perfectionnement est la réalisation de la mise à feu par percussion, qui supprime pratiquement les « ratés » de la percussion à silex. Utilisant la propriété explosive du fulminate de mercure, on place à l’entrée de la lumière une amorce de ce produit, qui, frappée par le chien, modifié à cet effet, met le feu à la poudre. Il est rapidement suivi du chargement par la culasse, réalisé entre 1840 et 1850 dans le fusil prussien Dreyse (Johann Nikolaus von Dreyse [1787-1867]) et dans le fusil français Chassepot de 1866. D’autre part, l’adoption de rayures convenablement inclinées dans le canon permet le passage du projectile* sphérique au projectile oblong. La conséquence immédiate sera la réalisation de cartouches, où balle, étui, charge de poudre et amorce sont réunis et introduits ensemble dans le canon (la vitesse de tir passe ainsi à cinq ou six coups par minute). La cartouche en papier de 1870 est remplacée (dans le fusil Gras [Basile Gras (1836-1901)] modèle 1874) par une cartouche en laiton insensible à l’humidité et assurant une meilleure obstruction de la chambre au départ du coup.

Une autre conséquence du chargement par l’arrière du canon sera la disparition du chien et la réunion, dans une culasse mobile, des éléments nécessaires à l’armé, à la percussion, à l’extraction et à l’éjection de l’étui après le départ du coup.

Enfin, suivant l’adoption de la poudre sans fumée, qui permet le tir rapide, l’apparition, à la fin du siècle, du mécanisme de répétition dans le fusil français Lebel (Nicolas Lebel [1838-1891]) modèle 1886 permettra au tireur, grâce à l’emmagasinage de plusieurs cartouches, de les charger automatiquement lors du mouvement d’ouverture et de fermeture du canon qui suit le départ de chaque coup.

Grâce à ces différentes améliorations, le fusil est devenu au début du xxe s. l’arme très efficace de l’infanterie, qui constitue en 1914 la masse principale des armées. Qu’il s’agisse du lebel français (modifié en 1907, en 1915 et en 1916), du mauser allemand (Wilhelm von Mauser [1861-1931] et Paul von Mauser [1838-1914]) ou de l’enfield anglais, ce sont des armes à répétition, d’un poids d’environ 4 kg, d’un calibre voisin de 8 mm, tirant jusqu’à 3 000 m, avec une vitesse initiale supérieure à 600 m/s, une balle en plomb chemisée en laiton d’environ 15 g, désormais emmagasinée dans un chargeur métallique (de 3 à 5 cartouches). Mais le tir du fusil n’est employé que jusqu’à 200 m ou au maximum 400 m, distance au-delà de laquelle l’imprécision de l’arme la rend inefficace et risque un gaspillage inutile de munitions.


L’évolution actuelle

« Arme à tout faire » au début de la Première Guerre mondiale, où il est employé en feu de salve autant qu’en tir individuel, le fusil est progressivement relevé d’un grand nombre de ses missions par la mitrailleuse* et toute la gamme des armes automatiques (fusil et pistolet mitrailleurs).

Toutefois, il bénéficiera lui-même de nouvelles et notables améliorations dans les domaines de la précision (pointage par lunette), du tir de nuit (emploi de l’infrarouge) et surtout de l’accélération du tir (fusil automatique).

L’adjonction de lunette, grossissant deux à quatre fois, permet son emploi jusqu’à 600 m par les tireurs d’élite. C’est à cette mission que répond le fusil français FRF 1, réalisé à Saint-Étienne en 1964, de calibre de 7,5 mm, tirant coup par coup avec un chargeur de dix cartouches et équipé d’une lunette et d’un bipied ; sa remarquable précision a permis d’en faire une version de compétition.

D’autre part, grâce à l’utilisation de l’infrarouge ou de dispositifs utilisant l’éclairage par la lumière du ciel nocturne (v. électronique), des lunettes spéciales rendent possible le tir de nuit au fusil avec une portée efficace de 100 m et maximale d’environ 300 m, mais l’arme, ainsi alourdie, ne peut être servie qu’en position statique.

Apparu sous le nom de fusil d’assaut (Sturmgewehr) dans la Wehrmacht entre 1942 et 1945, le fusil automatique tend à constituer l’armement individuel des petites unités d’infanterie. Fonctionnant par emprunt de gaz en un point du canon, un piston refoule le mécanisme de culasse et assure l’alimentation automatique de l’arme. (Il existe également des fusils automatiques, tel le mauser STG modèle 1945, qui fonctionnent par ouverture retardée de la culasse.) Ces fusils permettent le tir coup par coup dans les armes semi-automatiques (fusil français de 7,5 mm modèle 1949-1956) ou le tir par rafale dans les fusils automatiques dont la vitesse pratique de tir atteint environ vingt coups par minute. L’emploi de poudres plus élaborées a fait passer la vitesse initiale de 600 à 800 m/s, et la plupart des fusils sont désormais équipés pour lancer des grenades antichars (jusqu’à 150 m) ou antipersonnel (jusqu’à 400 m). Parmi les fusils automatiques figurent : le fusil soviétique Kalachnikov, de 7,62 mm, à chargeur circulaire de trente cartouches, adopté par la Chine populaire, la Corée du Nord et les pays du pacte de Varsovie ; le fusil américain Garand M 1 (semi-automatique), dont le calibre de 7,62 mm a été adopté par l’O. T. A. N., et son dérivé (automatique), le M 14 ; le fusil belge Herstal, de 7,62 mm, dont une version est à crosse métallique pliante pour les troupes aéroportées ; les armes Heckler et Koch allemandes (dont le fusil G 3), adoptées par la Bundeswehr, l’Espagne et le Portugal.