Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

froid (suite)

• Accidents généraux uniquement dus au froid. Désignés sous le terme de cryoplexie, ils sont la conséquence d’une perte massive et généralisée de chaleur par le sujet exposé au froid. Lorsqu’il s’agit d’un individu robuste et sain, son organisme lutte au début vigoureusement contre le refroidissement par une constriction des vaisseaux périphériques, ce qui diminue la déperdition de chaleur, et par des frissons, qui, dus à de multiples contractions musculaires, augmentent le métabolisme et la thermogenèse. Puis, par paliers successifs, sa résistance diminue, la température centrale baisse ; de l’agitation, des crampes, une hyperviscosité sanguine apparaissent. Il y a perte de conscience lorsque la température centrale atteint 32 °C, et la mort est pratiquement fatale à partir de 25 °C.

Lorsque, au contraire, le sujet exposé au froid possède un organisme affaibli, les réactions de défense au froid n’existent plus, et l’évolution est insidieuse. Les frissons sont absents, l’agitation est remplacée par une indifférence et un engourdissement qui conduisent progressivement à la mort. Le traitement de la cryoplexie doit être entrepris aussi rapidement qu’il est possible et consiste essentiellement en un réchauffement progressif, par exemple par immersion dans un bain dont on augmente progressivement la température.

• Atteintes locales dues au froid.

Engelure. C’est une induration rouge violacé douloureuse des extrémités mal protégées par les vêtements (nez, oreilles, mains). Cette induration est recouverte parfois de petites phlyctènes ou de crevasses ; elle est due à l’irritation répétée de la peau par le froid. Les mesures de prévention sont bien connues : gants, bottes larges, vêtements divers, pommades. Le traitement consiste essentiellement à favoriser la nutrition (vitamines) et la circulation locale (vaso-dilatateurs).

Gelure. Le grand froid provoque au niveau de la région qui y est exposée une vaso-constriction intense entraînant un arrêt circulatoire. Cette ischémie se manifeste par un engourdissement, une anesthésie locale, de la pâleur. Si le réchauffement n’intervient pas, la zone atteinte noircit par constitution d’escarre. Si, au contraire, ce qui est le plus fréquent, le réchauffement est possible, la circulation du sang se rétablit, et des douleurs, de la rougeur, de l’œdème apparaissent. Ultérieurement, les fragments de tissus trop endommagés se nécrosent et s’éliminent.

Le traitement est urgent : il faut, à la période d’ischémie, réchauffer la partie atteinte. L’emploi des antibiotiques et du vaccin antitétanique écarte les risques d’infection locale et la toxémie ultérieure. Lorsque les gelures sont étendues, on utilise également les fluidifiants sanguins, dont le type est le dextran, à bas poids moléculaire, et les vaso-dilatateurs périphériques. Ultérieurement, un traitement chirurgical est souvent nécessaire. Il consiste à exciser les parties dévitalisées et souvent à pratiquer des greffes pour recouvrir les zones restées saines.

Traitements par le froid

Si l’exposition accidentelle au froid comporte des dangers, en revanche, dans certaines conditions bien précises, l’abaissement de température général ou local fait partie du traitement de certaines maladies.

Les enveloppements froids, les bains glacés ont été prescrits pendant longtemps dans les grandes fièvres infectieuses (typhoïde, paludisme, septicémies, tétanos, etc.). La glace à sucer est encore d’usage courant en cas d’hémoptysie ou après une amydalectomie. La glace sur le ventre est appliquée dans le cas de péritonite menaçante. D’autre part, le refroidissement local par pulvérisation de chlorure d’éthyle sert à l’anesthésie de très petites surfaces et permet des opérations de brève durée.

Depuis quelques années, les indications thérapeutiques du froid se sont à la fois précisées et étendues.

En dermatologie, on emploie un froid intense, mais appliqué sur de petites surfaces pour détruire certaines tumeurs de la peau (nævi, angiomes, verrues, etc.). Le froid est produit par de la neige carbonique additionnée d’acétone et atteint – 80 °C. L’appareil utilisé est le cryocautère. L’azote liquide est employé dans les mêmes conditions.

En gastro-entérologie, la réfrigération des parois gastriques (à l’aide d’un ballon dans lequel circule un liquide froid) a été essayée pour le traitement des ulcères et des hémorragies. On abaisse la température entre 0 et 5 °C (cooling) pour combattre les hémorragies et entre – 5 et – 12 °C (freezing) pour traiter les ulcères. Cette méthode reste controversée.

En ophtalmologie, un cryocautère de format réduit est employé dans l’opération de la cataracte (cryoextracteur) ou du décollement de la rétine.

En neurochirurgie, le cryocautère prend petit à petit la place du bistouri électrique.

En chirurgie générale, la principale indication du froid est la mise au repos et l’anesthésie profonde des membres écrasés, infectés ou dévitalisés par une atteinte vasculaire locale.

En chirurgie hautement spécialisée, à cœur ouvert ou portant sur l’encéphale, l’hypothermie provoquée permet, en abaissant considérablement le métabolisme, c’est-à-dire les besoins de l’organisme en oxygène et en nutriments, les opérations les plus audacieuses. Modérée (entre 28 et 30 °C de température corporelle centrale), elle autorise le clampage (occlusion par pression) relativement prolongé des vaisseaux les plus importants, comme l’aorte et les carotides. L’hypothermie profonde (température corporelle centrale abaissée à 15 et même à 8 °C) augmente encore la durée possible des arrêts circulatoires et, associée à la circulation extra-corporelle, au cœur-poumon artificiel et à l’hibernation* médicamenteuse, elle permet à l’organisme de tolérer pendant 45 minutes et plus des conditions de vie qui, autrement, ne pourraient être supportées plus de quelques instants.

J. P.

 J. Sapin-Jaloustre, Enquête sur les gelures à propos des observations de la première expédition en terre Adélie, 1948-1951 (Hermann, 1956). / A. U. Smith, Biological Effects of Freezing and Supercooling (Londres, 1961). / Le Froid (Éd. du Seuil, 1964).