Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Freinet (Célestin) (suite)

Les techniques Freinet

Chaque être humain tente inlassablement de communiquer. Mais le langage, oral ou écrit, suppose un code, des instruments et des situations où l’on a quelque chose à dire à un autre, présent ou absent.

C’est ainsi que la correspondance interscolaire et le journal appellent l’expression écrite correcte : le texte libre mis au point collectivement.

Chaque enfant écrit ce qu’il veut, quand il veut, aidé par qui il veut, à cet autre lointain, réel et imaginaire : son correspondant. (Au couple maître-élève se substitue une triade qui évite affrontements et impasses.) Mais les classes échangent aussi, régulièrement, textes, travaux réalisés et questions précises : le banal redevient alors intéressant, et la sortie-enquête vient compléter le texte libre personnel (évitant certains piétinements dans un univers infantile ou limité).

Imprimé par les enfants, le journal scolaire, recueil de textes élus, de comptes rendus, etc., est l’image et le symbole du groupe. L’originalité de Freinet a été de mettre une technique précise et ordonnée au service de l’expression libre des enfants : « L’imprimerie a rétabli l’unité de la pensée et de l’activité enfantines. » L’organisation complexe nécessitée par la production exige une « discipline de navire » qui, ne pouvant être imposée de l’extérieur, requiert la participation de tous à la gestion.

En France et ailleurs, quelques milliers de classes impriment et correspondent, mais, souvent discrètes, ces expériences de type Freinet sont rarement recensées et évaluées. Par son organisation et sa réglementation, l’école urbaine ne favorise pas le développement des groupes coopératifs, et les techniques Freinet sont demeurées étonnamment ignorées des enseignants.

Quelques lignes directrices de la pensée de Freinet

• « La mécanique scolaire tourne rond mais à vide [...], elle n’est pas embrayée sur la complexe mécanique humaine », donc « embrayer sur la vie ».

• Nécessité d’une motivation affective profonde : « On ne fait pas boire un cheval qui n’a pas soif. »

• Mais aussi nécessité de situations génératrices de motivations immédiates : « Donner du tirage. »

• « Éviter la scolastique », c’est-à-dire « tout comportement, toute réaction, tout travail spécifique au milieu scolaire ».

• Utiliser l’acquis : la marche et le langage ont été acquis par des processus complexes qui se sont révélés efficaces et que Freinet désigne sous le nom de méthode naturelle. Plutôt que d’imposer de nouveaux modes d’apprentissage, l’expérience tâtonnée peut être utilisée pour l’acquisition du langage écrit, du dessin, des mathématiques, etc.

• La notion de vrai travail remet en question l’utilité des leçons et des exercices. Seules les perspectives proches, les réussites qui se concrétisent provoquent activité et effort.

• Le matérialisme scolaire : ce sont les outils disponibles qui déterminent les activités, les situations, les relations et les progrès. « Nous ne vous dirons jamais : « Pratiquez la méthode du texte libre », mais : « Procurez-vous un matériel d’imprimerie. »

• Pour gérer une coopérative, il est souvent utile de savoir compter... Ressentis comme nécessaires, certains apprentissages peuvent être facilités.

• Des fichiers progressifs autocorrectifs, inspirés de Winnetka, permettent à chacun de travailler à son niveau et à son rythme.

F. O.

➙ Makarenko (A. S.) / Montessori (M.) / Pédagogie.

 E. Freinet, Naissance d’une pédagogie populaire (Éd. de l’École moderne française, Cannes, 1949 ; rééd. Maspéro, 1968). / A. Vasquez et F. Oury, Vers une pédagogie institutionnelle (Maspéro, 1967) ; De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle (Maspéro, 1971).

Frères mineurs

Nom donné à tous les religieux qui suivent la règle du premier ordre fondé par saint François d’Assise. Ce nom fut imposé par le fondateur pour souligner la double caractéristique voulue par lui : la fraternité universelle et l’humble service d’autrui. L’un et l’autre terme sont empruntés à l’Évangile.



Le contexte historique

Le monde médiéval qui accueillit François était agité de puissants courants ; presque toutes les structures en étaient bouleversées.

Au plan économique, le xiiie s. est le siècle de l’or et des « affaires ». Au plan social, le fossé se creuse entre pauvres et riches. La misère ronge les masses rurales et urbaines. Au plan politique, ce sont les timides premiers pas de la démocratisation, mais dans une ambiance de violences continuelles : la liquidation progressive des féodalités coûte beaucoup de sang. François jeune connaît l’ivresse des barricades et participe aux luttes civiles et extérieures d’Assise.

Les phénomènes culturels dérivés de la courtoisie, de la croisade et des pèlerinages bouleversent aussi toutes les valeurs de l’art de vivre traditionnel ; ils marqueront la mentalité lyrique, missionnaire et itinérante de François et de ses compagnons.

Au plan religieux, enfin, la réaction contre certains abus du cléricalisme s’exprime par divers excès contraires : individualisme, prétention au libre examen de l’Écriture, refus de la hiérarchie et des sacrements, déviations des plus généreux parmi les chrétiens qui ne trouvent plus dans l’Église de quoi satisfaire leurs aspirations à vivre de l’Évangile et selon l’Esprit.

François est apparu à ce tournant délicat et dangereux de l’histoire. Tout en assimilant ce qu’il y avait de positif et en intégrant les tendances de son siècle, il a réussi à sauver l’Occident chrétien de la chute dans l’anarchie, la haine et l’éclatement des sectes.