Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

franco-allemande (guerre) (suite)

Au demeurant le gouvernement de Défense nationale bénéficia d’un répit car jusqu’à la fin du mois d’octobre, où la capitulation de Metz leur libéra sept corps d’armée, les Allemands se contentèrent de bloquer Paris sans se répandre dans les provinces environnantes ; il fut donc possible de mettre sur pied deux groupements de forces pour débloquer Paris. (V. Paris [siège de].)


Les armées de la Loire

À la fin de septembre, le 15e corps, à peine constitué, s’efforça d’intervenir au sud de Paris : il fut repoussé et, après le combat malheureux d’Artenay, les Bavarois de von der Thann occupèrent Orléans, le 11 octobre, puis ils se portèrent sur Châteaudun, qu’ils incendièrent le 18, et enfin sur Chartres, le 21.

La situation s’améliora cependant quand le général Louis Jean d’Aurelle de Paladines (1804-1877) prit le commandement des 15e et 16e corps (ce dernier venait d’être constitué au camp de Salbris). Malheureusement, la capitulation de Metz laissait redouter l’arrivée prochaine de la IIe armée du prince Frédéric-Charles ; aussi d’Aurelle de Paladines manœuvra-t-il pour reprendre au plus vite Orléans. Il prit contact avec les forces de von der Thann devant le village de Coulmiers, au nord de la ville, et la journée du 9 novembre fut un succès, qu’on ne put malheureusement pas exploiter faute de cavalerie.

Une seconde phase des opérations s’ouvrit en novembre, lorsque l’armée française de la Loire s’accrut de trois autres corps, mais son commandement fut fâcheusement entravé par Charles de Freycinet, « délégué à la Guerre », qui voulut diriger à distance les opérations. Il en résulta des tiraillements, et, le 28 novembre, l’armée de la Loire rencontra les troupes de Frédéric-Charles à Beaune-la-Rolande. Ce fut un échec suffisamment grave (comme à Loigny et à Artenay les 2 et 3 déc.) pour que les Français refluent en désordre et qu’Orléans soit de nouveau occupé par les Allemands le 5 décembre.

À cette date, néanmoins, la création d’un autre corps d’armée conduisit Freycinet à scinder nos forces en deux groupements :
— la Ire armée de la Loire, au sud-est d’Orléans, aux ordres du général Charles Denis Sauter Bourbaki (1816-1897), avec les 15e, 18e et 20e corps ;
— la IIe armée de la Loire, qui fut commandée par Antoine Eugène Alfred Chanzy (1823-1883), d’Aurelle ayant été remercié sans ménagement.

Cette IIe armée (16e, 17e et 21e corps) s’était reportée entre Orléans et Blois, où elle avait établi une position nommée « les lignes de Josnes ». Mais les Allemands passèrent à l’attaque le 7 décembre, et Chanzy leur opposa une résistance plus qu’honorable jusqu’au 11 décembre. Il lui fallut cependant rompre le contact et retraiter en direction de Vendôme dans des conditions si détestables que les unités se désagrégèrent.

La troisième phase des opérations s’ouvrit en janvier 1871, quand Frédéric-Charles se porta sur Le Mans pour en finir avec Chanzy. Les Allemands alignaient désormais quatre corps, et l’issue de la rencontre était prévisible. Il fallut néanmoins trois jours de bataille (11-13 janv.) pour que la IIe armée de la Loire, à peine constituée, soit disloquée. Réduite de moitié, elle se réfugia derrière la Mayenne, où l’armistice la trouva dans une situation qui ne lui laissait plus aucun espoir de reprendre l’offensive.

Plus triste encore fut le destin de la Ire armée de la Loire, qui avait reflué sur Bourges à la mi-décembre. Gambetta lui donna mission de se porter vers Chalon-sur-Saône, puis de là vers le nord-est pour menacer les communications allemandes et tenter de débloquer Belfort, que défendait victorieusement le colonel Denfert-Rochereau. D’autre part, les francs-tireurs, auxquels se joignirent les volontaires de Garibaldi*, avaient battu l’estrade dans les Vosges et la Haute-Saône, et il avait été constitué en octobre un corps des Vosges (devenu le 20e corps). Ce corps d’armée et les 16 000 hommes de Garibaldi durent malheureusement refluer jusqu’à Autun, mais leur présence en Bourgogne incitait fatalement à les joindre à l’armée de Bourbaki.

Malheureusement, l’acheminement de cette armée par voie ferrée se fit avec une telle lenteur que les Allemands purent diriger des forces sur Vesoul.

Lorsque Bourbaki entama sa remontée vers le nord, il rencontra l’ennemi à Villersexel le 9 janvier 1871. Le combat fut assez favorable aux Français, mais quatre jours plus tard Bourbaki fut bloqué devant la Lisaine par les Allemands d’August von Werder (1808-1887). Les 15 et 16 janvier, Bourbaki tenta de forcer le passage, mais l’épuisement de ses troupes le contraignit, après une difficile retraite sur Besançon, à leur donner quatre jours de repos. Ce répit fut fatal : quand il décida de se replier plus au sud, les Allemands avaient intercepté les itinéraires. Bourbaki, désespéré, tenta de se suicider le 26 janvier ; son successeur, Justin Clinchant (1820-1881), apprenant la signature de l’armistice le 28, se crut sauvé. Mais les négociateurs français avaient omis de mentionner cette armée dans le texte de la convention, et Clinchant fut informé avec plus de 24 heures de retard que la guerre continuait pour lui. Une seule ressource lui était offerte : se réfugier en Suisse. Il le fit le 1er février, et 90 000 hommes, épuisés, franchirent la frontière à l’aplomb de Pontarlier.


Faidherbe et l’armée du Nord

La capitulation de Metz avait permis aux Allemands de se couvrir au nord de Paris avec deux corps d’armée. Le 27 novembre, ces derniers repoussaient les éléments du 22e corps français, et le combat de Villers-Bretonneux leur livra Amiens. Dès lors, il suffit aux Allemands d’opposer l’obstacle de la Somme aux entreprises françaises, mais il leur eût été difficile de pousser plus loin vers le nord sans tomber sur le réseau des places de Vauban, qui constituait toujours un barrage efficace.

En décembre, Faidherbe* prit le commandement de l’armée française du Nord, formée des deux corps d’armée qui avaient été mis sur pied dans cette région. Il s’efforça de percer la ligne de la Somme, d’abord à Pont-Noyelles le 23 décembre, puis à Bapaume et à Saint-Quentin les 2 et 19 janvier 1871. Chaque fois, il voulut attirer le maximum de troupes allemandes afin de soulager Paris, mais la médiocrité de ses forces l’amena chaque fois à rompre le contact après une journée de combat.