Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Francfort-sur-le-Main (suite)

Des huit premiers siècles de son histoire, Francfort a gardé relativement peu de monuments ; il semble, en effet, que, le développement économique aidant, des constructions nouvelles remplaçaient périodiquement les bâtiments anciens. Un certain nombre de vestiges du passé ont été restaurés ou reconstruits après les violents bombardements de 1944 ; seuls quelques églises, les restes des fortifications, le Römer et la cathédrale datent d’avant 1700 ; le xviiie s. a construit la Paulskirche (église Saint-Paul), la Hauptwache (corps de garde) et le Goethehaus.

Cité toujours importante, avec une Bourse fondée au début du xviie s., siège de la poste impériale des comtes de Tour et Taxis (créée au début du xvie s.), Francfort était au xviiie s. une ville moins active qu’auparavant, malgré ses quelque 30 000 habitants ; elle avait été dépassée dans le domaine des foires (y compris celles du livre) par sa vieille rivale Leipzig.

C’est au xixe s. que Francfort connut son essor le plus remarquable, avec une population passant d’environ 40 000 habitants à la fin de l’Empire napoléonien à 70 000 environ en 1866 et à près de 414 600 en 1910.

La situation politique de Francfort connut pendant le cours de ce xixe s. plusieurs modifications importantes : capitale du grand-duché de Francfort (1810) et de la Confédération du Rhin, ville libre faisant partie de la Confédération germanique et siège de la Diète après 1815, promue en 1848 au rang de l’un des plus vifs foyers de la réforme politique (Parlement siégeant à la Paulskirche), la ville fut, en 1866, annexée par la Prusse ; déjà, à l’époque postnapoléonienne, cet État s’intéressait fort à la cité, dont l’indépendance avait pu être garantie grâce à Faction du ministre prussien K. vom Stein, Hessois d’origine, qui y séjourna d’ailleurs de 1816 à 1824 et y créa l’entreprise des Monumenta Germaniae Historica ; en 1836, Francfort était entré dans le Zollverein. En 1871, le traité mettant fin à la guerre franco-allemande fut signé à Francfort, dont certains milieux affectèrent de voir dans cet acte la revanche de la situation de quasi-protectorat français que Francfort avait connue après les guerres de la Révolution.

J.-B. N.


Les conditions du développement urbain

Le carrefour exceptionnel a joué à travers tous les siècles. Bien qu’adossé au Main, Francfort est une ville rhénane. Primordial pour la compréhension de l’histoire et de l’urbanisme de la ville est le fait que jamais celle-ci n’a été le siège d’une autorité religieuse ou politique influente. Elle ne fut pas ville de résidence princière comme tant d’autres villes allemandes, ce qui explique l’absence de grands ensembles monumentaux. L’élément politiquement dominant a toujours été constitué par la classe commerçante, souvent bancaire, si bien que les habitations luxueuses individuelles sont les seuls éléments architecturaux de quelque valeur. La liberté de travail ne fut introduite qu’en 1866, empêchant jusque-là tout développement industriel, au profit du commerce. L’absence de grands ensembles monumentaux a débouché sur un urbanisme à petite échelle. Il a fallu attendre 1900 et l’action du maire Franz Adickes (1846-1915) pour voir l’aménagement d’une allée périphérique, un Alleenring, dont l’aspect paraissait alors grandiose, afin de permettre un urbanisme à la taille d’une grande ville. L’opération fut jumelée avec le déplacement, vers l’ouest de la ceinture médiévale, de la gare terminus et l’aménagement axial des rues reliant la gare à la vieille ville. Cette solution de continuité entre la vieille ville et le quartier de la gare est une réussite urbaniste, favorisant le dynamisme urbain. La structure économique explique la structure démographique. Catholiques, protestants, juifs firent bon ménage. Le libéralisme politique, nécessaire au développement du commerce, explique que la ville, qui passa souvent pour frondeuse, fut choisie en 1848 comme siège du Vorparlament, destiné à réaliser l’unité allemande.


La ville actuelle

Aujourd’hui, les 19 466 ha de l’espace urbain abritent 660 000 habitants. La ville a connu de profondes transformations. La municipalité érigea les villages absorbés en noyaux des quartiers nouveaux, si bien que le tissu urbain ne paraît nullement homogène. Mais ces points de cristallisation ont permis de maintenir une vie culturelle et des équipements sociaux et commerciaux décentralisés.

Les bombardements de 1944-45 ont causé de graves ravages, en faisant disparaître les deux tiers des logements, mais, dès 1952 environ, le niveau de la population d’avant-guerre a été approché. Le maximum est atteint en 1963 avec 691 000 habitants. Depuis, à la suite de l’évolution démographique de la « city », la ville a perdu 31 000 personnes. Ces pertes ne sont guère compensées par l’apport des quartiers périphériques nouveaux, et notamment la Nordweststadt. La population a tendance à s’établir dans la grande région de Francfort, ce qui ne signifie pas un appauvrissement de la ville. Celle-ci s’est étendue surtout au nord du Main ainsi que vers l’ouest, se rapprochant du confluent avec le Rhin. Au sud, la forêt urbaine (Stadtwald), annexée dès 1372, a constitué un obstacle à l’expansion. Aujourd’hui, c’est un espace vert précieux pour les citadins. La reconstruction a permis de maintenir dans le vieux noyau médiéval les fonctions de « city ». Les quelques monuments historiques qui s’y trouvaient ont été restaurés (maison de Goethe). Le cachet franconien fut maintenu, malgré quelques percées urbaines. Entre 1950 et 1960, plus de 100 000 logements furent construits. À l’intérieur de l’enceinte médiévale, on compte une remarquable concentration de maisons de commerce, de banques, de bureaux. La Zeil, axe commercial principal, malgré son architecture fonctionnelle, fait impression par la puissance économique qui y est concentrée. Le petit bâtiment de la Hauptwache, avec son style xviiie s. et ses façades de grès rose, se détache sur le Kaufhof tout proche, aux façades d’acier et de verre. Et tout près, centré sur la station de métro, un centre commercial souterrain traduit l’évolution récente. Près de la Berliner Strasse, percée après la Seconde Guerre mondiale, l’église Saint-Paul rappelle les heures historiques de 1848.

La vieille ville garde toute sa vitalité. Ce qui frappe le visiteur, c’est la volonté d’adapter la ville au présent sans sacrifier le passé. Quatre ponts relient la vieille ville aux quartiers sud dans des conditions satisfaisantes.