Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

France (suite)

Mais la montée de l’abstraction* commence au même moment, pour s’amplifier durant une quinzaine d’années, à la fois courant profond et contrainte de mode entretenue par les marchands, avec ses inévitables scories. Abstraction géométrique de Herbin et de Magnelli, transposée plus tard dans l’art cinétique* de Vasarely*, de Soto* et du Groupe* de recherche d’art visuel ; abstraction « lyrique » ou « informelle » de Fautrier*, de Hartung*, de Mathieu*, de Soulages*, de Wols*. Toutes les nuances s’expriment à travers les individualités d’artistes innombrables, parmi lesquels Bissière*, Lanskoy*, Serge Poliakoff, Nicolas de Staël*, Bram Van Velde, Vieira* da Silva. Bazaine, Estève, Manessier, Singier, Tal-Coat rejoignent la « non-figuration » en compagnie de Dewasne, Degottex, Hantaï, Riopelle ; le « paysagisme* abstrait », voire le « nuagisme », attire de nombreux jeunes (Zao Wou-ki, Messagier, Benrath...).

Cependant, les vertus de la matière (Raoul Ubac, Tapiès*...) restent liées chez Dubuffet* à la figuration, d’une espèce « anticulturelle » qui est l’antithèse de celle de Lapicque. Les anciens de Cobra*, Appel, Corneille et Alechinsky, ne se sont jamais beaucoup éloignés de la figure ; ils y reviennent, en même temps que beaucoup d’autres, au cours des années 60. Les œuvres figuratives de Balthus*, de Jean Hélion, de surréalistes comme Wifredo Lam et Roberto Matta sont mises ou remises en valeur. Au phénomène du pop’art anglo-américain répond en 1960 le mouvement européen du nouveau réalisme*, avec sa conception nouvelle de l’espace (Yves Klein*), son appropriation de l’univers urbain et technique (Arman, Martial Raysse...). Bernard Requichot (1929-1961) recourt au collage*, d’autres au « décollage » d’affiches, au report d’images photographiques (l’Italien Gianni Bertini, né en 1922), à l’assemblage*. Des artistes comme l’Espagnol Arroyo, le Haïtien Télémaque, les Français Rancillac, Parré, Monory constituent une nouvelle figuration* à orientation souvent contestataire. Les recherches plastiques pures n’en sont pas pour autant abandonnées, parfois liées à une contestation culturelle et politique encore plus radicale.

G. G.


La sculpture

La vitalité de la sculpture en France, par rapport à une certaine stagnation de la peinture, tient sans doute à l’extrême diversité des formules plastiques en présence et à l’origine internationale des artistes, plus marquée encore dans le cas des sculpteurs que dans celui des peintres. S’il y a une ligne « nationale » dans la sculpture française du xxe s., ce serait celle des « modérés », qui, sur les traces de Maillol et de quelques artistes non dénués d’originalité tels que Charles Despiau*, Marcel Gimond (1894-1961) et Charles Malfray (1887-1940), tend à confondre de bons artisans comme Paul Belmondo (né en 1898), Joseph Rivière (1912-1961), Robert Wlérick (1882-1944) avec nombre de parfaits « pompiers ». Curieusement, l’espèce des « modérés » tend à disparaître, ou plutôt à laisser la place à ces modernistes tièdes que sont par exemple Emmanuel Auricoste (né en 1908), Robert Couturier (né en 1905), Marcel Gili (né en 1914), Louis Leygue (né en 1905). Tous les autres sont d’avant-garde ou, tout au moins, le prétendent.

Du cubisme au surréalisme.
Entre les deux guerres mondiales travaillent à Paris deux insurpassables vedettes : Brâncuşi* et Pevsner*. En 1920, l’initiative appartient encore aux sculpteurs cubistes, mais Henri Laurens* évolue vers un lyrisme sensuel, Jacques Lipchitz* vers un symbolisme décoratif, Ossip Zadkine vers un expressionnisme entortillé. C’est du côté de Picasso que viendra une fois encore la relance, lorsque, autour de 1930, il se consacre presque tout entier à la sculpture avec le concours de Julio González*, qu’il pousse à développer sa personnalité. Le fer forgé et soudé devient, grâce aux deux Espagnols, l’instrument d’une libération de l’imaginaire à laquelle l’exemple du surréalisme n’est certainement pas étranger. Au même instant, c’est la période surréaliste d’Alberto Giacometti* et les premières œuvres sculptées de Hans Arp. Par plus d’un point, les « mobiles » de Calder et les sculptures d’Otto Freundlich (né en Allemagne en 1878, mort déporté en 1943) participent de cette irruption dans la sculpture du « modèle intérieur » cher à André Breton, dont l’« objet surréaliste » est alors l’expression orthodoxe et pleine d’humour.

La rigueur et l’harmonie.
Ce que l’on appelle la sculpture abstraite paraît, à l’époque, bien timide, écrasée qu’elle est par l’exemple des deux colosses Brâncuşi et Pevsner. On ne saurait, cependant, passer sous silence l’œuvre harmonieuse d’Étienne Beöthy (né en Hongrie, 1897-1961), ni les discrets travaux de Jean Chauvin (né en 1889), d’Henri Hamm (1871-1961), d’Alexandre Noll (né en 1890), de Vantongerloo. Mais c’est seulement après la Seconde Guerre mondiale que l’on verra apparaître une sculpture qui trouve son bien à mi-chemin de la géométrie et de la sensualité avec Henri Georges Adam*, André Bloc (1896-1966), Émile Gilioli (né en 1911), Robert Jacobsen (né au Danemark en 1912), Berto Lardera (né en Italie en 1911), Morice Lipsi (né en Pologne en 1898), etc. En réaction contre la rigueur parfois excessive de cette tendance, de nombreux sculpteurs seront amenés à faire une place plus essentielle au lyrisme, donnant sans doute ainsi son visage le plus caractéristique à la sculpture du milieu du siècle : le Belge Willy Anthoons (né en 1911), le Cubain Agustín Cárdenas (né en 1927), Étienne-Martin*, Étienne Hajdu (né en Roumanie en 1907), le Brésilien Frans Krajcberg (né en Pologne en 1921), l’Espagnol Jacinto Latorre (né en 1905), le Japonais Fumio Otani (né en 1929), Marta Pán (née en Hongrie en 1922), l’Argentine Alicia Penalba (née en 1918), la Chilienne Marie-Thérèse Pinto (née en 1910), l’Américain Ralph Stackpole (né en 1885), François Stahly*, Isabelle Waldberg (née en Suisse en 1917).