Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

Mais c’est d’abord François Ier qui ouvre les portes toutes grandes au nouvel italianisme, devenu maniérisme*, en ce château de Fontainebleau*, entrepris en 1527, dont les décors intérieurs sont tout à fait originaux. Dans la galerie dite « de François-Ier », le Florentin le Rosso* inaugure un décor de stuc et de peinture qui n’a pas son équivalent en Italie même ; à la galerie d’Ulysse, malheureusement détruite sous Louis XV, le Bolonais le Primatice* pose les bases de la peinture française classique. On voit reparaître dans l’« école de Fontainebleau », malgré ses origines italiennes, un des traits de l’art français qui avait fleuri au xiiie s. : cette adéquation de l’image à l’idée produisant la justesse du symbole ou de l’allégorie. Les nymphes de la fontaine des Innocents de Jean Goujon*, à Paris (1549), traduisent la fluidité de l’eau par leur plastique même. Dans ces bas-reliefs, Goujon réinvente la grâce des œuvres grecques du ve s. tardif ; il involue en classicisme la « manière » venue d’Italie. Enfin, l’art de Fontainebleau est tout imprégné d’un parfum de féminité, grand thème de l’art français. Mais, dans le même temps que les Italiens viennent apporter à la cour de France leurs aptitudes décoratives, celle-ci fait appel à des artistes du Nord pour fixer les effigies de ses membres. Les Clouet*, Jean et François, viennent en France créer une forme de portrait qui n’a d’analogue en aucune autre école. Héroïque en Italie, physique en Flandre, philosophique en Allemagne, le portrait français sera psychologique, comme il convient à la race de Montaigne.

C’est dans la seconde moitié du xvie s. que la France est atteinte en profondeur par le mouvement maniériste issu de l’Italie. Celui-ci se traduit en architecture par une imitation plus littérale du vocabulaire ultramontain, une nouvelle surcharge du décor, l’abandon de cet accord entre l’œuvre humaine et la nature qui faisait le charme des châteaux de la première moitié du siècle ; même à la campagne, la résidence tourne au palais (Jean Bullant, Jacques Androuet Du* Cerceau). La province avait montré la voie, car Hugues Sambin (1518 - v. 1601) à Dijon, Nicolas Bachelier (v. 1487-1556 ou 1557) à Toulouse avaient déjà employé avec prédilection (dès 1540 à l’hôtel de Bagis, à Toulouse) les cariatides et les termes chers au maniérisme. Dans la deuxième école de Fontainebleau (Ambroise Dubois, Toussaint Du Brueil), l’introduction du « romanisme » conduit à une crise, tandis que l’art du portrait se maintient dans le dessin.


La première moitié du xviie siècle

Restaurateur de l’État après les troubles des guerres de religion, Henri IV inaugure une politique urbaniste par l’édification, à Paris, de grandes places (place des Vosges, place Dauphine) et la construction de la Grande Galerie, magnifique façade du Louvre sur la Seine. Après un moment d’hésitation aux franges du baroque, Jacques Lemercier (v. 1580/1585-1654) et François Mansart* (château de Maison, 1642-1651) épurent l’architecture française et la réorientent vers sa destinée propre, le classicisme*. Les artistes parisiens élaborent la résidence urbaine à la française : l’hôtel entre cour et jardin. Le style classique du sculpteur Jacques Sarazin* prélude à celui de Girardon. En peinture, le maniérisme garde des positions solides dans les provinces de l’Est (Jacques Bellange [1594-1638], Jacques Callot*). Ce milieu lorrain est particulièrement actif : au siècle de Pascal, les solitaires de Georges de La Tour* semblent percevoir dans le silence de leur âme l’écho profond de la destinée humaine. Ce pathétique intérieur fait revivre une tradition française du Moyen Âge. Il touche aussi, dans l’école toulousaine, le peintre Nicolas Tournier (av. 1600 - apr. 1660). La même gravité ascétique, issue de l’esprit de Port-Royal, inspirera les portraits de Philippe de Champaigne*. Si les trois frères Le Nain*, Antoine, Louis et Mathieu, originaires de Laon, apportent à Paris la peinture à la manière nordique, dite « de genre », ils ne peuvent s’empêcher de donner à leurs assemblées de paysans cette dignité humaine, propre au Grand Siècle, qui contraste avec les débordements de vitalité des Flamands.

Faute d’artistes de talent suffisant, Marie de Médicis avait dû faire venir Rubens* pour peindre, de 1622 à 1625, la galerie consacrée à sa gloire dans son palais parisien du Luxembourg. La situation change avec le retour à Paris, en 1627, de Simon Vouet*, qui avait passé quatorze ans en Italie et subi l’influence du Caravage ; mais, à la cour de Paris, il change sa manière pour une peinture claire, facile, aux modelés simplifiés, aux volumes lisses, fondant ainsi la tradition de la peinture décorative française qui se poursuivra tout au long du xviiie s. Ses contemporains Le Sueur* et La Hire* suivent cette voie de la peinture claire, qui, sauf l’intermède romantique, est constante dans l’école. Cependant, la contribution majeure de la France à l’essor de la peinture européenne se fait à Rome, où Poussin* et Le Lorrain* inventent, l’un sur le mode intellectuel, l’autre sur le mode sensible, une forme nationale du classicisme qui se prolongera jusqu’au xixe s.


Le règne de Louis XIV

Contrairement à la pression des idées, des théories sur la pratique, en Italie, depuis le xve s., l’art s’était jusque-là développé en France plutôt empiriquement, comme au Moyen Âge. Mais la mobilisation de l’art au profit du prestige monarchique, effectuée par Louis XIV avec l’aide de Colbert*, aboutit à une sorte de dogmatisme du classicisme. En aucun pays, désormais, l’intellectualisme et les débats esthétiques qu’il suscite n’auront autant de conséquences, et d’aussi fâcheuses, qu’en France. Ce rationalisme artistique trouve un solide appui dans la force des institutions : Académies*, Académie de France à Rome, manufacture des Gobelins*. La doctrine élaborée par les académies pose en principe la supériorité de l’antique et de l’art italien, mais aussi celle de Poussin. Quel que soit le prestige de l’Italie, la France se détourne instinctivement du baroque, comme le prouvent l’échec du voyage du Bernin* à Paris, en 1665, et la difficile élaboration du pur monument classique qu’est la colonnade du Louvre.