Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

alpinisme (suite)

La même année, à quelques jours d’intervalle et 100 km plus à l’est, le Dr C. Evans, chef d’une expédition britannique, et trois de ses compagnons atteignaient le sommet du Kangchenjunga (8 585 m) ou, plus exactement, arrêtaient leur ascension à quelques mètres de la cime terminale, selon leur promesse, pour ne pas irriter la déesse des « Trésors des cinq grandes neiges ».

Au-delà des succès remportés sur les deux grands sommets qui restaient à conquérir, l’année 1955 marque un tournant dans l’histoire himalayenne. Désormais, grimpeurs, équipements, méthodes d’adaptation, conceptions tactiques permettent à l’homme de s’élever au niveau des plus hautes montagnes.

Dès lors, l’Himālaya va entrer aussi dans son âge d’or, comme les Alpes un siècle plus tôt. Et, pendant que s’achevait la conquête des autres « 8 000 », Manaslu (8 125 m, 1956), Gasherbrum (8 035 m, 1956), Broad Peak (8 047 m, 1957), Lhotse (8 545 m, 1956), Hidden Peak (8 068 m, 1958), Dhaulagiri (8 172 m, 1959), allait commencer l’ère de la technique et de la difficulté.

Le problème de l’altitude ayant été résolu, c’est la difficulté technique qui devenait le pôle d’attraction.

La Tour de Mustagh (7 293 m, dans le Karakoram) était considérée comme le symbole de l’inaccessibilité ; elle est gravie à quelques jours d’intervalle, en l’année 1956, et par deux voies différentes : par une expédition britannique dirigée par J. Hartog, ensuite par une expédition française dirigée par G. Magnone. Jamais pareilles difficultés n’avaient été surmontées dans l’Himālaya.

Le Chacraraju (6 200 m, dans les Andes du Pérou) est atteint la même année par plusieurs cordées de l’expédition française dirigée par L. Terray. Le Taulliraju (6 000 m), qui opposa des obstacles presque aussi considérables, fut gravi quelques jours après par la même expédition. Dans le Karakoram, le Gasherbrum IV (7 980 m), un presque « 8 000 », est attaqué et gravi par une expédition italienne dirigée par R. Cassin. Le Sarmiento, dont les glaces émergent de l’océan (Terre de Feu), le Rakaposhi (7 790 m, dans le Karakoram encore), le Cerro Torre (dans les Andes de Patagonie), tous objectifs réputés et enviés, tombent successivement aux mains des Italiens, d’une expédition anglo-pakistanaise et de la cordée Egger-Maestri. La recherche de la haute difficulté à haute altitude amène des Français à tenter leur chance au Jannu (7 710 m, dans l’Himālaya du Népal), voisin du Kangchenjunga. Une expédition de reconnaissance dirigée par G. Magnone, en 1957, permet d’étudier les divers versants et les grandes arêtes de la montagne. L’expédition 1959, dirigée par J. Franco, puissamment équipée, doit abandonner l’itinéraire projeté par suite des risques d’avalanches, découvre la « voie des arêtes sud », mais est stoppée à 300 m du sommet après avoir surmonté un ensemble de difficultés d’un niveau supérieur à tout ce qui avait été fait jusqu’alors dans l’Himālaya. Il faudra attendre 1962, où la troisième expédition française, dirigée par L. Terray, achèvera la conquête de ce qui passe encore aujourd’hui pour être le plus difficile sommet du monde jamais atteint.


La technique


La montagne

Pour aussi complexe que paraisse une montagne, les terrains qui la constituent peuvent se ramener invariablement à trois types : rocher, glace, neige.

Quelle que soit la nature du rocher, l’alpiniste connaît deux types bien déterminés : le bon et le mauvais rocher. Le bon rocher est celui qui est massif, compact, qu’il soit d’origine cristalline, comme le granite ou le gneiss, ou bien d’origine sédimentaire, comme le calcaire ou le grès. Le mauvais rocher est un terrain délité, où les « prises » ne tiennent pas.

Il est des montagnes uniquement rocheuses. C’est le cas des Préalpes et des Dolomites, qui peuvent présenter de magnifiques falaises abruptes, émergeant d’un socle d’éboulis. Mais dès que l’altitude est suffisante, au-dessus de la limite des neiges éternelles, les neiges peuvent s’accumuler et, par le jeu de la pression, du gel et du dégel, produire des amas de glace qu’on appelle glaciers et qui s’écoulent plus ou moins bas dans les vallées. Ce terrain est la physionomie habituelle de la haute montagne. La répartition des neiges, des glaces et du rocher est conditionnée par l’altitude, l’exposition, la latitude.

La neige est profonde lorsqu’elle est poudreuse ou lorsqu’elle a été ramollie par le soleil ; elle est dure sous l’influence du gel ou du vent ; elle peut former une croûte soit sous l’action du soleil, soit sous l’action du vent.

La glace de glacier est en général relativement tendre, tandis que la glace de couloir est beaucoup plus compacte, plus vitreuse. On dit que le rocher est verglacé lorsqu’il est recouvert d’une pellicule de glace qui provient de la solidification d’une eau en fusion. C’est un terrain fréquent et des plus délicats de la haute montagne.

Le sommet d’une montagne coiffe plusieurs versants, soit que la montagne se présente sous une forme géométrique simple, comme les magnifiques pyramides du Weisshorn ou du Cervin, soit que la montagne expose une formation plus complexe, comme la barre des Écrins ou le mont Blanc.

Les versants raides sont des faces ; lorsqu’ils sont très raides, on les nomme parois. L’intersection de deux versants prend le nom d’arête ; celle-ci peut être rocheuse, neigeuse, en glace ou mixte. Lorsqu’un versant est beaucoup plus raide que l’autre, le vent forme sur l’arête qui les sépare une corniche de neige surplombant le vide. Certaines arêtes peuvent être rectilignes et de pente uniforme ; mais, le plus souvent, elles sont hérissées de gendarmes, petits sommets intermédiaires qui forment les obstacles naturels de l’arête. Une arête raide, peu marquée, généralement rocheuse et qui plonge dans le glacier de base s’appelle un éperon. Un éperon de grande raideur et plongeant jusqu’à la base de la montagne est dénommé pilier.

Les vallées glaciaires et les glaciers permettent en général de pénétrer assez loin à l’intérieur des massifs montagneux, soit qu’on suive la surface du glacier lorsqu’il n’est pas crevassé, soit que l’on remonte le fil des moraines, soit enfin que l’on prenne pied sur les bassins supérieurs, généralement occupés par des névés.

Au-delà, lorsque le glacier vient se heurter aux arêtes ou aux faces mêmes des montagnes, il se redresse considérablement en pente plus ou moins raide, glacée ou neigeuse, et va se perdre dans les versants en couloirs plus ou moins ramifiés. Le glacier lui-même est presque toujours séparé du couloir par une crevasse importante, la rimaye, qui est une des défenses de la montagne.