Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

Terres ingrates, elles voient leurs aptitudes réduites encore par le lessivage des eaux de pluie. Rien d’étonnant alors à ce que la rudesse des traits ne se trouve pas atténuée par l’opulence de la mise en valeur. Même fortement peuplés, les massifs anciens ne se prêtent qu’à une agriculture besogneuse, s’inscrivant souvent dans un cadre de bocage et d’habitat dispersé, grignotée sur les landes ou les forêts qui constituent leurs parures les plus fréquentes.

Des nuances importantes existent toutefois. Le Massif armoricain et l’Ardenne ont plusieurs traits comparables : la faiblesse des altitudes d’abord (les points culminants de l’Armorique ne dépassent guère 400 m, l’Ardenne se tient vers 200 m à l’ouest, 500 m à l’est) ; la nature des terrains ensuite (l’Ardenne est surtout faite de roches sédimentaires anciennes, et le Massif armoricain, plus métamorphique, reste encore apte à la mise en valeur des barres de roches dures, quartzites par exemple, donnant un relief dit « appalachien »). Il en résulte des paysages de crêtes allongées de grès entre des dépressions, à côté des formes planes, qui restent dominantes. Les principaux accidents topographiques sont les vallées encaissées. L’altitude assez faible est due à l’éloignement des zones de surrection montagneuses du Tertiaire. Les déformations n’y manquent pas cependant, qui interfèrent avec la nature des roches pour expliquer la répartition des reliefs. Malgré cela, l’individualisation dans la topographie des terrains anciens par rapport aux assises sédimentaires qui sont venues s’y appuyer, de manière irrégulière souvent, n’a pas toujours été réalisée.

Les Vosges du Sud et le Massif central dans ses parties internes et orientales se signalent par d’autres traits. Les sommets y dépassent 800 m et peuvent atteindre 1 500 m. Affectés de mouvements de soulèvement et de bascule, ils ont subi un défoncement plus sensible, guidé par des accidents anciens ayant rejoué. Le relief des parties élevées reste lourd du fait de la nature essentiellement cristalline des terrains, de la dimension des blocs issus du compartimentage tectonique, de la marque des anciens aplanissements. Mais l’empreinte des glaciers s’y est inscrite ; les morsures des cirques sur les flancs des crêtes, les lacs d’origine glaciaire s’ajoutent aux beautés naturelles des hautes terres froides, que couvrent des chaumes, des « gazons » (Vosges) ou des landes (Margeride, Forez). Les versants de vallées, élargies ou approfondies par les langues glaciaires quaternaires, se prêtent à l’étagement de la végétation et de l’habitat et à l’estivage des troupeaux. Les côtés les plus abrupts, dérivés de grands accidents cassants, sont en revanche l’objet d’une dissection plus marquée, à la faveur du bas niveau de base que constituent les dépressions voisines. Une division des flancs en lanières, ou « serres », y défigure très vite les éléments de surface, qui sont au contraire mieux reconnaissables sur les pentes douces des blocs basculés.

Ces hautes terres ont un climat plus rigoureux, humide, et connaissent un enneigement prononcé. Des nuances pourtant y opposent les parties occidentales, très arrosées, et les secteurs orientaux et les dépressions intérieures, plus sèches et plus ensoleillées. Voués aux cultures pauvres, à l’herbe et aux forêts, ces massifs se sont révélés aussi aptes à l’industrie grâce à leurs eaux vives, aux bois et aux gîtes minéraux. Ils ont attiré la première métallurgie, les industries textiles (il convient d’ajouter, pour le Massif central, le rôle du charbon) et la sériciculture. Le tourisme s’y développe, suscité par la beauté des paysages et des forêts, et maintenant par la neige, malgré certains handicaps (irrégularité de la saison de neige, difficulté d’accès et insuffisance des équipements, plus attirés par les hautes montagnes).


Les montagnes

Les montagnes jeunes offrent des paysages plus grandioses et plus variés. Les mouvements ont porté les terrains jusqu’à de très fortes altitudes (2 500 à 4 000 m). Malgré l’érosion, ces montagnes forment encore des barrières imposantes, aux sommets vigoureux, ciselés en aiguilles, crêtes et dents, ou modelés en lourdes coupoles. Les vallées profondes, défoncées par les fleuves ou les glaciers, engendrent des dénivellations considérables ; sur les versants et les parois se lisent les actions de la glace (cirques), du gel, des avalanches, de la torrentialité, des glissements de terrain et des éboulements. La raideur des dénivellations, le caractère impétueux des cours d’eau, l’enneigement abondant, la violence des forces d’érosion imposent aux hommes des conditions de vie sévères et incommodes, réduisent les espaces exploitables, freinent la circulation, tandis que le climat frais de l’été, rude de l’hiver limite les cultures.

Du point de vue de leur structure existent plusieurs ressemblances entre Alpes et Pyrénées, Préalpes et Jura. Alpes et Pyrénées comportent une zone axiale granitique ou schisteuse, celle des Pyrénées en position frontalière, celle des Alpes s’étendant du Mont-Blanc à l’Oisans, et une bande de terrains plissés où dominent les assises calcaires. Cette bande est étroite (maximum de 30 km) et vigoureusement redressée, formant un véritable « front », dans les Pyrénées, que devancent seulement sur une modeste longueur des Prépyrénées peu impressionnantes et vite enfouies sous la sédimentation aquitaine. Dans les Alpes, la zone plissée en avant des massifs centraux est plus ample, découpée par de grandes « cluses » en massifs originaux, du Chablais au Vercors, plus confuse dans les pays de la Drôme et de la Haute-Provence où s’observent les chevauchements des « baous ». Les Alpes françaises comptent, en outre, une unité interne, plus violemment plissée en nappes de charriage de dureté variable, aux vallées profondément entaillées.

La disposition des unités et l’organisation des vallées permettent une pénétration aisée des Alpes, montagnes ouvertes par un grand et profond sillon qui court de l’Arly au Champsaur et aérées par les grandes vallées de l’Isère, de l’Arc ou de la Durance et de leurs affluents ; divers ensellements et passages transversaux ajoutent encore à leur pénétrabilité. Celle des Pyrénées est plus restreinte, car il n’existe de sillon qu’avec des tronçons de vallées de l’Ariège et du Salat. Les vallées, transversales, sont en cul-de-sac vers l’amont, et les cols sont élevés, sauf aux extrémités. Une glaciation moins intense dans cette montagne « méridionale » a réduit aussi les défoncements. En compensation, les formes lourdes des Pyrénées comportent, près des sommets, des surfaces étendues, des « plâs », ou « calms », à l’altitude des alpages. Dans les Alpes, ceux-ci se trouvent surtout dans l’encadrement des hautes vallées ; de toute façon, il existe dans les deux chaînes des conditions favorables à l’estivage des troupeaux.