Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

Pyrénées, Alpes et Jura se sont constitués essentiellement au cours de l’ère tertiaire (60 millions d’années) en plusieurs mouvements coupés de rémissions. À ce moment aussi se formèrent les montagnes de Corse. Les Pyrénées se sont édifiées les premières, incorporant beaucoup de matériaux hercyniens cassés et fracturés à maintes reprises. Dès la dernière partie du Secondaire, des plissements complexes de leur couverture se produisirent, mais les épisodes majeurs se placèrent au début ou au milieu du Tertiaire, selon les auteurs. Les plissements correspondants modifièrent les premiers, s’étendirent vers le nord, en Aquitaine (où ils sont enterrés) et en Languedoc, tandis qu’un isthme allait jusqu’en Provence occidentale. Les Alpes s’esquissèrent, elles, à l’orée du Tertiaire. Puis un gros bourrelet se forma dans la partie centrale des Alpes actuelles, soulevant les roches du substratum et leur couverture, qui glissa en charriages sur ses flancs. Un élargissement se produisit ensuite, en même temps qu’une nouvelle surrection. Des massifs centraux, la couverture se décolla et se plissa, réalisant alors les Préalpes, celles du Nord, de Digne, de Castellane, de Nice. Le Jura apparaît en discontinuité avec les Alpes. C’est qu’il s’agit d’un bassin sédimentaire, tôt débité par la tectonique en une mosaïque de voussoirs soulevés surtout durant la seconde moitié du Tertiaire, et dont les sédiments de couverture, d’est en ouest, ont alors constitué les plis du Jura oriental et les pincées entre des éléments de plateau dans le Jura occidental. Ces trois grandes unités (Alpes, Pyrénées, Jura) ont continué encore à subir des relèvements d’ensemble tardifs (fin du Tertiaire) et des déformations récentes, dont les effets s’inscrivirent notamment dans leurs avant-pays.

Pendant ces bouleversements, le reste du territoire connut de notables modifications. Les massifs anciens, en fonction de leur plus ou moins grande proximité des chaînes en formation et de la nature de leurs terrains, enregistrèrent des soulèvements et des déformations d’ensemble, des gauchissements (Massif armoricain), des basculements (Vosges) et des cassures ; certaines de celles-ci furent de grande ampleur, comme celles qui ont engendré les plaines d’effondrement telles que les Limagnes ou le fossé rhénan. Le Massif central a, de plus, été marqué par le volcanisme, dont les manifestations se sont échelonnées entre la seconde moitié du Tertiaire et le Quaternaire. Les bassins sédimentaires n’eurent plus alors que des mers localisées, des lacs ou des lagunes, avant d’être entièrement émergés. Mais des zones déprimées s’y accusèrent aussi (creux de Paris), ainsi que des gouttières (basse Loire, Aquitaine), attirant ou faisant converger les axes hydrographiques. Des ondulations apparurent également (Artois, Boulonnais, pays de Bray, Charentes...). Par ailleurs, en lisière des chaînes, des dépressions formant des lacs ou des couloirs importants se comblèrent des débris arrachés aux montagnes et connurent d’ultimes occurrences marines (couloir rhodanien et sud de l’Aquitaine par exemple) ; ces dépôts ont enregistré les derniers mouvements du sol. On peut dire que presque tout le territoire français avait, à la fin du Tertiaire, sa disposition actuelle. Si les limites maritimes n’étaient qu’en partie acquises, elles étaient du moins esquissées, et les principaux tracés hydrologiques étaient en place.

Mais la disposition n’est pas tout, et il est bien des éléments du relief qui ne concordent pas avec l’architecture mise en place. D’autres facteurs sont intervenus pour élaborer le modelé.


La trame de l’évolution du modelé

Certains traits de la morphologie du pays se sont réalisés alors même que se mettaient en place les lignes structurales essentielles. Les volumes créés appelaient d’eux-mêmes les forces de l’érosion : celles-ci ont décapé les terrains sédimentaires restant sur les massifs anciens, sauf là où ils étaient trop épais (Causses) ; elles ont buriné les versants et creusé les couloirs qui acheminaient les débris arrachés aux montagnes.

En outre, de vastes aplanissements ont pu se constituer sous les climats tropicaux qui ont dominé durant l’ère tertiaire, rabotant les massifs anciens comme les marges des montagnes et les parties émergées des bassins sédimentaires. Certains furent antérieurs aux phases alpines majeures, et d’autres postérieurs. Il en est qui ont même joué un rôle dans les modalités des plissements, car ils ont alors modifié les données mécaniques et volumétriques pour les phases orogéniques ultérieures. En tout cas, les reliefs hérités du Tertiaire intégraient des caractères dont l’origine n’était pas que structurale. C’est ainsi que la disposition du réseau hydrographique lorrain, par exemple, est le fait de la pente vers le nord d’un aplanissement ; c’est en fonction de surfaces couvrant à la fois le Massif central et ses pays bordiers au nord et à l’ouest que s’expliquent les topographies du sud du Bassin parisien et de l’Ouest aquitain (vastes épandages de sable de la Sologne, de la Brenne, des brandes du Poitou et du Périgord comme de la Double).

Le court moment (1 million d’années) du Quaternaire a aussi apporté une contribution essentielle et multiforme. Le refroidissement du climat a permis à plusieurs reprises une extension considérable des glaciers. Pyrénées, Vosges du Sud, sommets du Massif central et de Corse en ont abrité, tandis que ceux des Alpes, plus puissants, descendirent jusqu’à Lyon et recouvrirent presque tout le Jura. Sculptant des cirques, défonçant les vallées, ils furent responsables de l’aération des montagnes comme de divers aspects de leur beauté. Ceux qui subsistent actuellement (500 km2 dans les Alpes, 25 km2 dans les Pyrénées) ne représentent plus qu’une très faible part de leur importance d’alors.

Dans les régions plus basses, ou plus sèches, le froid est intervenu sur le modelé par l’action du gel. Les débris de roches ainsi fragmentées sont venus tapisser les versants, encombrer les fonds de vallée. La végétation étant raréfiée, le vent a pu y prélever de quoi former les vastes manteaux de lœss qui enrobent bien des bas plateaux du Bassin parisien, du Nord et quelques contrées alsaciennes. Mais, indirectement, le froid est également responsable de phénomènes plus généraux. Modifiant les conditions de l’écoulement des eaux, il a permis le façonnement de nombreux versants en glacis lorsque les roches s’y prêtaient. Puis, avec le stockage de l’eau dans les énormes glaciers du globe, le niveau des mers a sensiblement baissé, ce qui a provoqué presque partout l’incision des vallées par les cours d’eau, puissamment alimentés pendant les périodes de dégel (bon nombre des rivières sont aujourd’hui dans leurs vallées comme dans un vêtement trop grand ; leurs méandres sont flétris, leurs lits encombrés). On peut donc estimer que le « modelé en creux » que l’on observe est, pour une bonne part, le fait de cette période somme toute récente : mise en valeur (et évolution) des reliefs de côtes, approfondissement des gorges des massifs anciens ainsi transformés en « pays coupés ». La variété des terroirs et de leurs aptitudes est de même partiellement due à cette période quaternaire : terrasses fluviales sur les bords des principales vallées, cônes édifiés par les eaux de fonte des glaciers au débouché des montagnes (bas Dauphiné, Lannemezan), couvertures de lœss, sols mêlés des versants, etc.