Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Académie royale de danse

Institution française fondée par Louis XIV en 1661.


La danse* et les ballets* connaissaient une vogue extraordinaire vers le milieu du xviie s. Dames et seigneurs de la Cour se passionnaient pour la danse, mais cet engouement n’impliquait pas forcément des dons requis pour paraître, aux côtés du roi, danseur de talent, dans les ballets montés à grands frais, dans un luxe inouï de décors et de costumes. Pas et figures, transmis oralement, couraient le risque d’être déformés, et la danse de s’appauvrir. Louis XIV voulut « rétablir [la danse] dans sa perfection et l’augmenter autant que faire se pourra ». De cette nécessité et du désir royal naquit l’Académie royale de danse (1661), dont les lettres patentes furent enregistrées au parlement le 30 mars 1662. Le fait que cette académie était fondée tout au début du règne de Louis XIV et avant la création des Académies des inscriptions (1663), des sciences (1666), de musique (1669) témoigne de la faveur dont jouissait la danse à cette époque.

L’Académie royale de danse était composée de treize maîtres à danser les « plus expérimentés dudit art », parmi lesquels Henri Prévost, premier maître à danser de Louis XIV, Jean Renaut (ou Renaud), maître à danser du Dauphin, Guillaume Raynal (ou Reynal), maître à danser de Monsieur, et Galand du Désert (ou Galant des Airs), maître à danser de la reine. Charles Louis Beauchamp, qui demeura le maître à danser du roi pendant vingt ans, devenait surintendant des Ballets du roi, puis maître de ballet à l’Académie royale de musique et de danse, lorsqu’elle prit cette dénomination en 1671. Les académiciens prodiguaient leurs leçons, sans lettres de maîtrise, à tous ceux qui les sollicitaient ; ils tinrent leurs premières assises au cabaret de l’Épée de bois, proche de la rue Quincampoix, où bientôt les nobles buts de l’Académie s’estompèrent. Nantis de privilèges importants (exemption de garde, de taille, de tutelle et de guet), les académiciens étaient plus préoccupés de leurs intérêts personnels que de ceux de la danse. L’Académie devint rapidement une association très fermée. Elle ne joua pas le rôle qui lui avait été assigné, végéta pendant plus d’un siècle et cessa totalement d’exister en 1780. Noverre*, dans ses Lettres sur la danse et sur les ballets (1760), envisagea de lui donner une seconde existence, mais ce projet ne put être réalisé.

H. H.

Académie royale de peinture et de sculpture, Académie royale d’architecture

Institutions de la France classique. Par un mouvement spontané, qui correspondait aux vues du pouvoir, les artistes de la Cour se groupèrent en académies : Académie royale de peinture et de sculpture dès 1648, fondatrice en 1666 de l’Académie de France à Rome ; Académie royale d’architecture à partir de 1671.



L’Académie royale de peinture et de sculpture : une fondation difficile

Les peintres et les sculpteurs, en 1648, étaient soumis à la tyrannie de la maîtrise. Cette institution était encore régie par les règlements de 1391, qui maintenaient ces arts au rang d’artisanat, tout en faisant subir aux artistes contrôles et taxes. Ces pratiques étaient d’autant plus mal tolérées qu’y échappaient pratiquement les « privilégiés », c’est-à-dire les peintres de la Cour. Enhardie par le climat de la Fronde, la maîtrise présenta une requête destinée à limiter le nombre de ces privilégiés. C’est d’abord pour répondre à cette offensive que quelques artistes formèrent le projet d’une académie.

Les peintres Justus Van Egmont (1601-1674) et Michel Ier Corneille (1601-1664), le sculpteur Jacques Sarazin* et l’amateur Martin de Charmoys élaborèrent les statuts : les membres de ladite Académie seraient choisis parmi les artistes « continuellement occupez au service de Sa Majesté » et s’engageraient à donner des leçons publiques de dessin. Le Brun* présenta les statuts au chancelier Séguier, enchanté d’arracher au parlement une partie de son autorité sur les artistes. Le peintre Henri Testelin fut nommé secrétaire (1650). Au début, l’Académie connut des difficultés : création par la maîtrise d’une école concurrente sous l’autorité de Simon Vouet*, escarmouches entre les amis de Mazarin et ceux du chancelier. La maîtrise, qui avait fini par accepter de siéger sous la présidence du chef de l’Académie, fut expulsée en 1655 de façon à peine voilée. L’Académie s’installa aux Galeries du Louvre et devint très vite une institution hiérarchisée. Elle était composée comme suit : protecteur, Mazarin ; vice-protecteur, le chancelier Séguier ; directeur, l’intendant Antoine Ratabon ; chancelier, Le Brun ; recteurs, par quartiers, Sarazin, Le Brun, les peintres Sébastien Bourdon* et Charles Errard (v. 1606-1689) ; professeurs, par mensualités, Philippe de Champaigne*, Henri Testelin (1616-1695), Claude Vignon*, le sculpteur Gilles Guérin (1606-1678) et, plus tard, Michel II Corneille (1642-1708), Charles François Poërson (1653-1725).

À partir de 1657, de nouvelles adhésions furent accueillies : celles des sculpteurs Gaspard Marsy (v. 1625-1681), François Girardon (1628-1715), Thomas Regnaudin (1622-1706), qui furent les auteurs, entre autres, des statues du parc de Versailles*. Une première querelle idéologique agita les réunions de l’Assemblée. Le graveur Abraham Bosse* voulant faire passer pour doctrine officielle les idées sur la perspective d’un mathématicien de ses amis, le conflit se solda par son exclusion : ainsi l’indépendance de jugement était-elle sévèrement punie à l’Académie.

En 1663, après beaucoup d’intrigues, Le Brun fut nommé chancelier à vie. Le secrétaire Testelin conçut l’habile projet de transformer l’« École du modèle » (qui permettait aux élèves de travailler d’après le modèle vivant), en y donnant une formation aux jeunes peintres et sculpteurs dont auraient besoin les Bâtiments du roi. De cette manière, l’Académie confisquait ainsi à son profit l’enseignement artistique, obligeant les artistes du roi à être de ses membres. Colbert, surintendant des Bâtiments en 1664, avait dès lors à sa disposition un corps dans lequel il pouvait trouver de dociles serviteurs, dont la relève était, de surcroît, assurée par la fonction pédagogique de l’Académie.