Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

forme musicale (suite)

La forme sonate, plus riche et plus évoluée, a influencé les autres formes qui cohabitaient avec elle dans le cadre de la sonate et de la symphonie classiques. Le final, d’abord héritier de la forme française du rondo (refrain + couplets), adopte bientôt les principes architectoniques de la forme sonate (deuxième thème, développement) et devient le rondo-sonate. Mozart abandonne souvent la forme lied, habituellement dévolue au mouvement lent, et construit celui-ci en forme sonate. Seul vestige des formes à répétition, le menuet, dont Beethoven fera le scherzo, reste fidèle à la coupe simple ABA.

Toutefois, à mesure qu’il avance dans la difficile exploration de la forme musicale (« Maintenant je sais composer »), Beethoven délaisse les moules classiques trop prévisibles pour créer des formes plus complexes au moyen d’une hybridation (le mot ne doit pas être pris en un sens péjoratif) de formes antérieures. Ainsi, dans la Neuvième Symphonie, le premier mouvement est de forme sonate en quatre parties ; le deuxième mouvement, scherzo, contient en sa première partie (A) une forme sonate en miniature, qui revient intégralement du fait de la reprise obligatoire (ABA) ; de même, un écho de cette forme à répétition se trouve dans le « lied varié » qui constitue le troisième mouvement, également fondé sur le schéma ABA, mais dans lequel la variation joue un rôle prépondérant ; enfin, dans l’Hymne à la joie, quatrième mouvement, que l’on peut considérer comme un vaste rondo, aux péripéties diverses, on retrouve la variation, écho du mouvement précédent.

Dès Beethoven, « c’est le matériau qui conditionne la structure ». L’ère des archétypes formels préexistants devrait s’achever là (en fait, elle va se poursuivre pendant près d’un siècle encore, tant est considérable l’avance prise sur ses contemporains par l’auteur de la Messe en « ré »). Le compositeur ne peut plus penser : « J’ai en tête une phrase qui ferait un bon premier thème de sonate ou de symphonie. » Il doit plutôt se poser la question : « Quelle forme indéterminée pourrait naître de cette phrase que j’ai en tête ? »

Avec Wagner et sa technique du leitmotiv apparaît, au milieu du xixe s., un nouveau type de construction musicale, la « mélodie infinie », dont l’agencement préfigure le montage cinématographique. Cette technique semble d’abord réservée au drame lyrique ; mais Debussy, un demi-siècle plus tard, s’en inspire pour créer les formes libres de la Mer, après avoir, à l’exemple de Beethoven, amalgamé diverses formes (lied, variation, forme sonate) dans le Prélude à l’après-midi d’un faune.

Le vieillissement des formes classiques s’accuse lorsque le système tonal, parallèlement, s’épuise. Sans doute un certain thématisme traditionnel survit-il chez Schönberg, malgré la suppression des fonctions tonales qui donnaient tout son sens au thème ; et l’on voit Webern, dans ses premières œuvres sérielles (où il est fait grand usage du canon), se référer à la structure binaire de la suite préclassique. Cependant, la série, même si elle n’est d’abord qu’un ultrathème, engendre une technique de variation perpétuelle qui, de proche en proche, détruit le thème en tant qu’unité perceptible et identifiable. Le thème était situé ; l’ultrathème se diffuse dans toute l’œuvre. D’autre part, Schönberg condamne tout ce qui est répétition : « N’écrivez pas ce que votre copiste peut écrire à votre place », enseigne-t-il à ses disciples. Il faudra pourtant attendre l’après-guerre pour que disparaissent les derniers vestiges du thématisme et des formes symétriques. Dans les œuvres sérielles des années 1950, les structures, de plus en plus dissimulées, sont indécelables à l’audition ; et la rythmique « irrationnelle », qui y règne, prépare la voie aux expériences de forme aléatoire qui commencent vers 1957.

Ainsi se termine l’aventure des formes. L’œuvre musicale n’est plus faite à l’image du modèle ; elle s’est affranchie des commandements de la tradition. Alors commence, pour elle, la période la plus difficile. Responsable de son destin, créatrice de sa propre forme, elle n’a plus d’autre frontière que celle, la plus dangereuse sans doute, de la liberté.

A. H.

fortification

Art de renforcer par des moyens artificiels la défense d’un point, d’une position, d’un tronçon de frontière...


La fortification — comme son contraire la poliorcétique (c’est-à-dire l’art des sièges) — a joué de tout temps un rôle majeur dans la conduite de la guerre. Ce n’est pas un hasard si le poème le plus ancien a pour objet le siège de Troie et si la Bible non seulement relate des sièges, comme celui de Jéricho, mais aussi renferme quantité d’allusions aux fortifications que les Hébreux furent contraints de bâtir ou d’attaquer.

À l’époque contemporaine, on eut pu croire que la Blitzkrieg ôterait toute valeur à la fortification ; mais les sièges de Tobrouk, de Singapour et de Sébastopol, l’encerclement des poches de l’Atlantique et les combats sur la ligne Maginot, sur le mur de l’Atlantique et enfin sur la ligne Siegfried ont montré que les hommes éprouveraient toujours le besoin de recourir aux défenses artificielles.

Mais la fortification ne doit pas retenir seulement l’attention de l’histoire militaire, car elle a influencé trop longtemps l’urbanisme pour qu’on étudie le passé des villes sans faire appel au tracé et à la nature de leurs enceintes successives. De même, on ne saurait restituer la vie des citadins sans imaginer les servitudes et, à l’inverse, les garanties que leur apportaient des remparts. Ainsi comprise, la fortification est l’une des clés du passé.


Les principes généraux

L’apparition de la fortification se confond avec la constitution des premiers groupes humains. Pour défendre leurs demeures, ceux-ci ont aménagé des obstacles naturels en amassant des quartiers de roc à l’entrée des cavernes, en élevant des talus surmontés d’un entrelacement de branches, en réalisant des enclos de grosses pierres sur des collines, à moins qu’ils n’aient eu recours à des habitations lacustres.