Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Ford (les) (suite)

Dès le départ, la nouvelle société se trouve aux prises avec le Consortium du monopole George B. Selden, dont l’initiateur a pris, en 1895, un brevet couvrant tous les organes constituant une voiture automobile, en ne tenant même pas compte des antériorités des chercheurs européens. Nul n’est plus autorisé à construire, aux États-Unis, s’il ne paie les droits afférents à l’exploitation de ce brevet. D’autre part, le président de la Compagnie des véhicules électriques de Hartford (Connecticut), qui, lui, acquitte les droits de licence, groupe les quelques constructeurs d’automobiles américains se trouvant dans la même situation pour créer un véritable consortium qui s’arroge le droit d’exploiter le brevet tout en s’interdisant d’admettre de nouveaux membres au sein de la société, ce qui équivaut à limiter l’extension de l’industrie automobile aux États-Unis. Les exportateurs européens, dont les dirigeants de Panhard et Levassor pour la France et Mercedes pour l’Allemagne sont les plus actifs, s’insurgent devant ces prétentions et décident d’attaquer le brevet Selden en nullité. Henry Ford les appuie de toute sa puissance, mais la complexité de la procédure américaine est telle que, commencé en 1903, le procès n’aboutit qu’en 1911 et prononce la déchéance d’un brevet qui, de toute façon, serait tombé dans le domaine public l’année suivante. Le grand bénéficiaire est Henry Ford, dont la compagnie a poursuivi ses travaux sans avoir jamais acquitté de royalties. Durant cette période, vingt-cinq modèles différents ont été successivement essayés, équipés de moteurs à un, deux, quatre et six cylindres, jusqu’au moment où Ford décide de ne s’en tenir qu’au seul véhicule à quatre cylindres, le fameux modèle « T », qui connut, dans le monde, un succès considérable. Il lui permet d’envahir le marché britannique, en 1910, avec 3 000 voitures, après avoir annoncé qu’il allait construire en série — 75 000 unités en chantier — en normalisant toutes les pièces détachées qui seront fabriquées dans ses usines de Détroit, opération qui réussit parfaitement grâce à l’habile direction de son fils Edsel Bryant Ford.

L’œuvre sociale qu’il accomplit est à la mesure de son ascension industrielle : en 1914, il associe les membres de son personnel aux bénéfices de l’entreprise : en 1915, poursuivant la démocratisation de l’automobile, il institue un système de vente à crédit à très long terme pour que chacun d’eux puisse acquérir une voiture ; il organise les loisirs de ses ouvriers, crée des écoles pour leurs enfants et multiplie les cours du soir pour les adultes. En 1915, bien que prévoyant l’échec, il se rend en Europe, à la tête d’une délégation, pour s’efforcer de rétablir la paix, mais sans aucun succès.


Edsel Ford
(Detroit 1893 - id. 1943)

Fils du précédent et son seul héritier, il manifeste, dès l’enfance, des dispositions pour la mécanique, mais, également, pour la direction des complexes industriels. Sa formation d’ingénieur — il est diplômé des universités de Ferrand et de Detroit — lui permet de s’initier aux problèmes qui passionnent son père. Toutefois, il se rend compte du très médiocre intérêt que celui-ci manifeste pour l’aspect administratif et commercial de ses entreprises. Très jeune, il est appelé à exercer de véritables fonctions dictatoriales lorsque son père, avant de s’embarquer pour sa « croisade de la paix » en 1915, le nomme directeur de la Ford Motor Co. (Detroit), de sa filiale canadienne et de la société Henry Ford et fils de Dearborn (Michigan), spécialisée dans la fabrication des tracteurs agricoles Fordson. À son retour, il devient secrétaire général de la Ford Motor Co., puis vice-président en 1917, et, finalement, président en 1919. Dès lors, il peut donner la véritable mesure de son talent d’administrateur, créant et organisant ce gigantesque complexe industriel que sont les usines Ford de Détroit sur la rivière Rouge.

J. B.

 A. Nevins et F. E. Hill, Ford (New York, 1954-1963 ; 3 vol.). / M. Gilbert, Henry Ford, Maker of the Model T (Boston, 1967 ; trad. fr. Monsieur Ford et sa voiture, Istra, Strasbourg, 1968).

Ford (John)

Metteur en scène de cinéma américain (Cape Elizabeth, Maine, 1895 - Palm Desert, Californie, 1973).


Le jeune Sean Aloysius O’Fearna (ou Feeney), issu de parents irlandais émigrés, fait au collège de Portland de brèves études, échoue à l’examen d’entrée de l’académie navale d’Annapolis, accepte un temps un poste dans le service de publicité d’une firme de chaussures, puis rejoint en 1914, à Hollywood, son frère, qui a pris le pseudonyme de Francis Ford et travaille comme acteur et réalisateur pour la Bison Universal. Adoptant à son tour le nom de Ford, John (Jack à ses débuts) se voit confier dès 1917 par Carl Laemmle une série de westerns interprétés par Harry Carey. Pendant une dizaine d’années, il semble se spécialiser dans les films d’aventures, lance Hoot Gibson après Harry Carey, réalise deux films avec Buck Jones et deux autres avec Tom Mix. Son meilleur film de l’époque muette est le Cheval de fer (The Iron Horse, 1924) : ce western épique confirme l’importance d’un genre qui vient, avec la Caravane vers l’Ouest (The Covered Wagon, 1923) de James Cruze, d’acquérir ses lettres de noblesse. Mais Ford délaisse parfois les cow-boys pour la comédie (dès 1920, The Prince of Avenue A., sur les milieux irlandais de New York, inaugurait une série d’œuvres qui prirent l’Irlande ou le caractère irlandais pour toile de fond). Il rencontre le succès avec Quatre Fils (Four Sons, 1928) et franchit le cap du parlant avec Napoleon’s Barber (1928). Il rencontre à cette époque deux de ses plus célèbres interprètes, John Wayne et Ward Bond, ainsi que le scénariste Dudley Nichols (1895-1960). C’est à ce dernier qu’on doit notamment les scénarios de la Patrouille perdue (The Lost Patrol, 1934), le Mouchard (The Informer, 1935, d’après Liam O’Flaherty), Mary Stuart (Mary of Scotland, 1936), Révolte à Dublin (The Plough and the Stars, 1937), la Chevauchée fantastique (Stagecoach, 1939), le Long Voyage (The Long Voyage Home, 1940, d’après Eugene O’Neill) et Dieu est mort (The Fugitive, 1947). Le Mouchard, fortement influencé par les techniques expressionnistes, est couronné par un oscar pour la meilleure réalisation de l’année, comme le seront plus tard les Raisins de la colère, Qu’elle était verte ma vallée et l’Homme tranquille. De Toute la ville en parle (The Whole Town’s talking, 1935), satire du gangstérisme, à la Poursuite infernale (My Darling Clementine, 1946), John Ford tourne une série de films importants : Je n’ai pas tué Lincoln (The Prisoner of Shark Island, 1936), Vers sa destinée (Young Mr. Lincoln, 1939), Sur la piste des Mohawks (Drums along the Mohawks, 1939, sa première œuvre en couleurs), les Raisins de la colère (The Grapes of Wrath, 1940), la Route au tabac (Tobacco Road, 1941), Quelle était verte ma vallée (How Green was my Valley, 1941). Pendant la Seconde Guerre mondiale, il réalise plusieurs documentaires, dont The Battle of Midway (1942). À partir de 1946, il entreprend un deuxième cycle de westerns, parmi lesquels la Poursuite infernale (1946), le Massacre de Fort Apache (Fort Apache, 1948), le Convoi des braves (Wagon Master, 1950), Rio Grande (1950), qui respectent et magnifient la légende de l’Ouest. Dans ses westerns ultérieurs, John Ford s’interrogera sur le problème noir, l’élimination des Indiens, la vieillesse et la mort des héros légendaires, suivant en cela l’évolution du genre dans les années 50 et 60 : la Prisonnière du désert (The Searchers, 1956), le Sergent noir (Sergeant Rutledge, 1960), les Deux Cavaliers (Two Rode Together, 1961), L’homme qui tua Liberty Valance (The Man who shot Liberty Valance, 1962), les Cheyennes (Cheyenne Autumn, 1964). La veine irlandaise triomphe dans le célèbre Homme tranquille (The Quiet Man, 1952) et dans la Taverne de l’Irlandais (Donovan’s Reef, 1963). Il faudrait encore citer, parmi les films représentatifs d’une œuvre féconde et très riche, Le soleil brille pour tout le monde (The Sun shines bright, 1953) et son ultime essai, Frontière chinoise (Seven Women, 1965).