Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alpes (suite)

En même temps, de gros efforts ont permis à la voie ferrée de pénétrer et de traverser la montagne, au prix de nombreux ouvrages d’art, de tunnels surtout. Le tunnel du Fréjus est achevé en 1871, le Saint-Gothard en 1882, celui de l’Arlberg en 1884, celui du Simplon en 1906, etc. Ces grandes percées ouvrent les Alpes au trafic ferroviaire international, mais de nombreuses lignes secondaires, quelquefois à crémaillère, remontent aussi les vallées. Cependant, le réseau en reste lâche, les obstacles opposés par la montagne étant trop difficiles et trop coûteux à vaincre.


Les nouvelles techniques agricoles

L’introduction des prairies artificielles, qui permettent l’abandon de la jachère, date de la fin du xviiie s. Mais les engrais chimiques n’atteignent guère les Alpes qu’au xxe s., et il faut presque attendre la Seconde Guerre mondiale pour qu’on imagine et qu’on répande des machines agricoles adaptées à la montagne ; treuils à labour, motofaucheuses, etc. L’Autriche et la Suisse, essentiellement alpestres, ont, dans ce domaine, donné l’exemple.

La modernisation a entraîné principalement le recul des champs au profit des prairies, et l’effort a porté surtout sur l’élevage : amélioration des races, meilleurs soins donnés aux prairies, contrôle laitier, coopératives et fromageries. Par ailleurs, une certaine spécialisation régionale est apparue : vergers du Bochaîne, de Savoie, du Valais ; lavande des Alpes méridionales ; vignes savoyardes et valaisanes, etc. Il n’en reste pas moins que l’agriculture est actuellement en déséquilibre, faute d’hommes et parce qu’elle ne peut résister à la concurrence des plaines, plus fertiles et plus faciles à travailler. Les États qui œuvrent le plus pour sa modernisation et sa vitalité sont ceux, évidemment, qui ne possèdent pas de plaines ou qui en possèdent peu : la Suisse et surtout l’Autriche.


La houille blanche et la transformation de l’industrie

Née en France en 1869, la houille blanche va trouver dans les Alpes son terrain d’élection et se développer d’autant plus rapidement que les États alpestres, sauf la France, ne possèdent pas de charbon ou en possèdent peu. Avec les progrès du transport de force, les barrages se multiplient et leurs dimensions augmentent. L’électricité est à la base du renouveau industriel des Alpes. Elle rajeunit les vieilles industries traditionnelles : textile de Saint-Gall ou de l’Inntal ; métallurgie de Styrie ou du pays d’Aoste ; papeterie, ganterie de Grenoble. Mais surtout elle permet l’installation de nouveaux établissements, principalement l’électrochimie et l’électrométallurgie : dans les vallées des Alpes du Nord françaises, du Valais, de l’Aar, du Tessin en Suisse, d’Aoste, de Bolzano, de Mori (Adige) en Italie, de la Save en Yougoslavie. Le développement des voies de communication favorise ces nouvelles implantations en les reliant à l’économie générale.


Le tourisme

C’est un phénomène significatif d’une société aisée possédant des loisirs : il n’est donc pas étonnant que le tourisme ait débuté avec un caractère aristocratique, avant de devenir un mouvement de masse tel qu’on le constate aujourd’hui. Et les Alpes ont été touchées avant toute autre région à cause de leurs paysages grandioses et de la tonicité reconnue à leur climat.

Le tourisme commence par la faveur que prend l’alpinisme dans les milieux riches des sportifs européens, en particulier suisses ou anglais. À la fin du xviiie et au début du xixe s., on conquiert successivement les hauts sommets : le mont Blanc, le Grossglockner, la Jungfrau, le mont Rose, etc. Le goût de la haute montagne s’amplifie avec les réseaux routier et ferroviaire, et les montagnards en comprennent très tôt les avantages pour eux. Ce sont les Suisses qui donnent l’exemple de l’équipement des hauts sommets : construction d’hôtels, de chemins de fer à crémaillère (le Rigi, dès 1871), de funiculaires, de chemins ; tracés de sentiers, etc.

En même temps, les stations thermales prennent un grand essor : Saint-Gervais, Uriage et Allevard en France, Saint-Moritz en Suisse, Saint-Vincent et San Pellegrino en Italie, Badgastein, Bad Aussee, Bad Ischl en Autriche. Ces agglomérations deviennent des centres secondaires à la mode.

Les sanatoriums se multiplient aussi : à Davos, à Leysin en Suisse, à Briançon, puis à Assy, près de Saint-Gervais, en France.

Dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale, le tourisme s’amplifie avec la civilisation des loisirs, et, surtout, un tourisme hivernal apparaît avec le ski. Et c’est, après 1950, le tourisme de masse populaire connu aujourd’hui, aussi bien en été qu’en hiver.

Les conséquences du tourisme ont été profondes pour les montagnards : emplois nouveaux (moniteurs, guides, employés d’hôtel, de remontées mécaniques, etc.), débouchés sur place pour l’agriculture et l’artisanat.


Les problèmes alpins actuels

Ainsi les Alpes se sont puissamment transformées depuis un siècle.

En s’ouvrant au monde extérieur, en s’intégrant largement à l’économie générale, elles ont subi un regain de richesse, mais elles ont été atteintes par la concurrence des régions plus favorisées. C’est l’agriculture qui en a le plus souffert : bien que profondément transformée par les techniques nouvelles, elle subit la contrainte des conditions naturelles oppressantes et elle manque de main-d’œuvre. Là où l’émigration a été très forte (Alpes du Sud), elle s’étiole complètement. Ailleurs, elle survit au prix d’une spécialisation étroite et, bien souvent, avec l’aide de l’État : c’est surtout vrai pour les pays essentiellement alpins, Suisse et Autriche, dont les territoires fertiles sont limités.

Quant à l’industrie, elle passe par une phase de mutation. Après l’essor que lui avait fourni la houille blanche, elle cherche un champ plus ouvert d’activités (Grenoble). Mais c’est au prix de tâtonnements, de rivalités avec le bas pays. Et l’industrie alpine reste toujours contrainte par les difficultés de communication.