Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

football (suite)

Il est certain que deux ou trois lectures attentives des lois du jeu suffisent amplement à les connaître parfaitement. Mais c’est l’esprit qui compte bien plus que la lettre. Et pas seulement pour ce qui concerne l’arbitre, mais également les joueurs, ceux-ci dictant le plus souvent par leur attitude sa décision à celui-là. En effet, la notion d’intention de faute compte autant que cette dernière : par son attitude, le joueur influence souvent l’arbitre, qui a le droit de sanctionner une intention de faute s’il en a jugé ainsi. Cette interprétation est encore plus délicate (parce que souvent décisive sur l’issue d’un match) s’il s’agit d’un penalty, faute la plus grave et qui prête trop souvent à contestation.

De surcroît, et l’on en arrive au second point, l’arbitre est souvent gêné dans sa vision des choses parce que des joueurs se trouvent précisément dans son champ visuel. C’est ainsi qu’il lui arrive parfois d’être touché par le ballon. Mais il est alors considéré comme un « corps étranger » au terrain. Physiquement, il ne compte pas. À la limite, il pourrait même marquer un but si le ballon ricochait sur lui, et ce but, il devrait obligatoirement l’accorder !

Enfin, il ne faut pas oublier que les décisions doivent être prises en une seconde, parfois en une fraction de seconde, ce qui ajoute à ses difficultés, surtout lorsqu’il s’agit d’un penalty, dont la réalisation est relativement aisée. On peut aller jusqu’à prétendre que l’arbitre se trouve quelquefois dans le cas d’un procureur général qui aurait une seconde pour décider de l’acquittement d’une équipe ou de la peine capitale, selon qu’il décide d’accorder ou non un penalty.

En outre, l’augmentation des assistances, des intérêts, des chauvinismes n’a fait qu’ajouter à la difficulté de la tâche de l’arbitre, cela sans oublier la plus grande résistance des joueurs, mieux entraînés que jadis. La différence énorme entre les salaires parfois fastueux de certaines vedettes par rapport aux petites indemnités de fonctionnaires accordées aux arbitres est un élément supplémentaire dans l’évaluation de la situation, et l’on admettra, en considérant l’ensemble, que la situation d’arbitre n’est pas une sinécure.

Dans ce domaine comme dans les autres, une spécialisation, c’est-à-dire un professionnalisme spécifiquement adapté, permettra l’amélioration du corps arbitral, ne serait-ce que parce qu’il suscitera beaucoup plus de vocations qu’aujourd’hui. Mais il sera toujours très difficile d’arbitrer correctement un match de football.


Amateurs et professionnels

En fait, paradoxe apparent, tout ce qui n’est pas professionnel n’est pas obligatoirement amateur : la répartition amateurs-professionnels, l’interpénétration des deux catégories présentent des variantes extrêmement diversifiées selon les divers pays.

L’amateurisme intégral ne subsiste que dans les pays à faible densité de population, où le football possède certes parfois des traditions solides, mais qui ne dépassent pas un certain stade pour de multiples raisons. C’est le cas des pays Scandinaves, de l’Islande, de la Corée du Nord (qui a pourtant éliminé l’Italie lors de la Coupe du monde de 1966), de l’Australie et des pays de l’Amérique centrale, ainsi que des États-Unis (ici, une tentative d’instauration du professionnalisme échoua assez rapidement, car l’Amérique du Nord n’était nullement préparée à la réception de ce sport au niveau notamment de l’école, de l’université ou de l’usine).

Il y a enfin les cas individuels d’amateurs professionnels, y compris dans les pays à professionnalisme, qui concernent généralement des intellectuels dont l’indépendance économique n’a que faire de « primes de match ».

La catégorie certainement la plus fournie est celle qui englobe les « faux amateurs » qui sont également de « faux professionnels », mais pourtant de vrais footballeurs.

On les trouve d’abord dans tous les pays socialistes de l’Est de l’Europe, U. R. S. S. en tête. Les footballeurs d’élite sont considérés comme des athlètes d’État à l’égal des éventuels médaillés olympiques. Concrètement, cela se traduit par de multiples avantages, essentiellement en nature : promotion sociale accélérée, biens de consommation largement accordés. Tous les grands joueurs soviétiques, hongrois, polonais, tchécoslovaques, yougoslaves, etc. possèdent leur automobile personnelle, des facilités lors des passages en douane de produits occidentaux considérés comme luxueux ; la marge dévolue à ces passe-droits demeure assez étroite, au niveau des satisfactions domestiques.

C’est l’Europe occidentale qui fournit l’essentiel des contingents de professionnels avoués. Le chiffre d’affaires du football place celui-ci en très bon rang parmi les « industries de pointe ». Si l’on songe que des recettes d’un million de francs nouveaux sont établies ou dépassées lors de certains grands matches, on comprendra que les premiers responsables de ces grands mouvements d’argent, les joueurs vedettes, soient l’objet d’offres alléchantes. Certes, l’éventail est très largement couvert en fonction à la fois de la cote technique et spectaculaire du joueur du pays où il opère et de son aptitude à gérer et à faire fructifier la fortune qu’il peut rapidement accumuler s’il a un grand talent. C’est ainsi que le Français Kopa, par exemple, est propriétaire d’un grand hôtel à Reims, que l’Espagnol Luis Suarez a une usine de tricots en Catalogne, que l’Allemand Fritz Walter possède de nombreux garages, que le Néerlandais Johan Cruijff a de multiples actions dans les plus grandes entreprises.

À l’Europe occidentale, il faut ajouter les grands pays d’Amérique du Sud, comme le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Chili ; Pelé est le symbole de la plus complète réussite, le célèbre joueur brésilien faisant partie de cette aristocratie d’hommes d’affaires qui ne connaissent plus le montant exact de leur fortune.

La France présente la particularité de participer des deux systèmes : son professionnalisme est intégral au niveau des plus grands clubs, mais il y a une catégorie intermédiaire de semi-professionnels au statut juridique d’amateur qui touchent néanmoins suffisamment d’argent pour vivre.

En Afrique, le statut du joueur est le plus souvent amateur, mais également corporatif ou étatique de type soviétique, en fonction du régime installé dans les différents pays.