Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Fontainebleau (suite)

De Louis XIII à nos jours

Après la mort d’Henri IV, la seule construction notable du xviie s. fut l’escalier dit « du fer à cheval », dont Jean Ier Androuet Du Cerceau (1585-1649) établit en 1634 la double rampe mouvementée devant le pavillon central de la cour du Cheval-Blanc. Il y eut en revanche d’importants travaux à l’intérieur. Sous le règne de Louis XIII, André Gobert (1635-1672) sculpta des portes de chêne pour le vestibule de la chapelle de la Trinité, et un lambris pour la chapelle basse de Saint-Saturnin. La chambre de la Reine fut surmontée d’une coupole en bois sculpté et doré.

Louis XIV ne négligea pas la vieille demeure, qui devint un séjour d’automne. S’il apporta mainte retouche aux appartements, son intervention se lit surtout dans les jardins, qu’il fit redessiner par Le Vau* et Le Nôtre* dans un style plus sobre et plus ample (grand parterre, pièce d’eau du Bréau).

Le règne de Louis XV amena des transformations importantes et parfois regrettables. C’est ainsi que fut démolie l’aile sud de la cour du Cheval-Blanc, avec la galerie d’Ulysse ; Gabriel* le père la rebâtit vers 1740, dans un style un peu monotone. Plus élégant, le « gros pavillon », de Gabriel* le fils, remplaça vers 1750 le pavillon des Poêles, à l’angle sud-ouest de la cour de la Fontaine. Dans les appartements, le style Louis XV a laissé quelques-uns de ses plus beaux témoignages : ainsi la salle du Conseil, avec ses panneaux peints par Jean-Baptiste Pierre (1713-1789), Carle Van Loo* et Alexis Peyrotte (1699-1769), ses plafonds de Boucher* et de Jean-Jacques Lagrenée (1740-1821) ; ou bien la chambre du roi (salle du Trône), enrichie de lambris sculptés par Jacob Verberckt (1704-1771).

Louis XVI fit doubler en 1786 la galerie François-Ier, du côté du nord, par un bâtiment où il voulait aménager une série de petites pièces. Il n’en eut pas le temps, et c’est l’appartement de Marie-Antoinette qui permet de goûter le style de l’époque dans tout son éclat. Il faut citer au moins le salon des Jeux, décoré à l’antique et meublé avec faste ; la chambre de la Reine, revêtue d’une soierie tissée d’après Philippe de La Salle (1723-1804) ; le délicieux boudoir aménagé par Richard Mique (1728-1794).

La Révolution avait laissé Fontainebleau à l’abandon. Napoléon entreprit de donner une vie nouvelle à la « maison des siècles », qui devint sa principale résidence en dehors de Paris. La cour du Cheval-Blanc fut convertie en cour d’entrée ; à cet effet, l’aile occidentale fut démolie et remplacée par une grille assez pauvre. L’aménagement intérieur, dont l’architecte Fontaine* eut la direction, donne une plus haute idée de l’œuvre impériale. On remeubla les grands appartements, les petits appartements du rez-de-chaussée et celui que vint habiter Pie VII de 1812 à 1814 dans l’aile occidentale de la cour de la Fontaine. Le lourd mobilier doré de la salle du Trône est le témoignage le plus officiel du style Empire.

Sous la monarchie de Juillet, les fresques de la Renaissance furent fâcheusement repeintes. Il y eut d’autres restaurations sous le second Empire, auquel on doit le charmant petit théâtre aménagé par Hector Lefuel (1810-1881) dans l’aile Louis XV de la cour du Cheval-Blanc. Récemment, le château a fait l’objet d’une restauration exemplaire ; c’est ainsi que les fresques de la Renaissance ont été débarrassées des repeints qui les dénaturaient.

La ville de Fontainebleau s’est formée à côté du château royal. Seuls y méritent mention les anciens hôtels des personnages de la cour. Il ne reste qu’un beau portail du plus considérable, celui que Serlio éleva au xvie s. pour le cardinal de Ferrare. L’« ermitage » de Mme de Pompadour est une gracieuse construction de Jacques Ange Gabriel.

B. de M.

 L. Dimier, le Château de Fontainebleau (Calmann-Lévy, 1930 ; nouv. éd. revue par B. Lossky, Fontainebleau, 1967). / C. Terrasse, le Château de Fontainebleau (Laurens, 1946) ; Fontainebleau (Draeger-Verve, 1951). / S. Béguin, l’École de Fontainebleau (Gonthier et Seghers, 1961). / P. Lemoine, Fontainebleau (Sun, 1963). / R. Héron de Villefosse et B. Lossky, Fontainebleau (Hachette, 1967). / H. Zerner, l’École de Fontainebleau, gravures (Arts et métiers graphiques, 1969). / L’École de Fontainebleau, catalogue de l’exposition au Grand Palais, à Paris (Éd. des Musées nationaux, 1972). / L’Art de Fontainebleau (C. N. R. S., 1975).

Fontana (Lucio)

Peintre et sculpteur italien (Rosario, Argentine, 1899 - Comabbio, près de Varèse, 1968).


Lucio Fontana part très jeune à Milan pour suivre des études artistiques. Il y exposera pour la première fois ses œuvres, en 1930. Ce sont alors des peintures et surtout des sculptures abstraites de petite dimension. Il adhère d’ailleurs en 1934 au groupe Abstraction-Création (fondé à Paris en 1931).

De retour en Argentine pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale, il y publie le Manifeste blanc (1946), où l’accent est mis sur la nécessité pour l’art d’être en connexion étroite avec son époque : « L’on demande un changement dans l’essence même et dans la forme. L’on demande de dépasser la peinture, la sculpture, la poésie, la musique. L’on a besoin d’un art qui soit plus en accord avec les exigences de l’esprit nouveau. » Ce manifeste, qui sera suivi de plusieurs autres entre 1947 et 1953 (dont les trois manifestes du spatialisme), marque un véritable tournant dans l’évolution de Fontana. À un art abstrait de facture déjà traditionnelle vont succéder les déchirures, les perforations de la toile. Intitulant désormais toutes ses œuvres Concept spatial, qu’elles soient peintures ou sculptures, Fontana ne va plus cesser de déchirer ainsi la matière. On peut toutefois remarquer une évolution à l’intérieur du principe de la déchirure : au départ, il y a fabrication d’un dessin au moyen de petits trous, c’est-à-dire que l’idée de l’inscription d’une forme sur une toile n’est pas encore abandonnée, même si cette forme est entièrement abstraite. Plus tard, priorité sera donnée au geste de la déchirure et à sa spontanéité, plutôt qu’au dessin ; il ne s’agit plus d’une suite de petites perforations, mais de quelques longues incisions, parfois même d’une seule, sur une toile généralement monochrome. Il arrive que la majeure partie de la toile ait été déchirée. Certaines œuvres, enfin, posent directement la question du cadre qui enferme le tableau de chevalet, l’œuvre étant soit constituée d’une série de petites toiles non rectangulaires (Quanta, 1959-60), soit dotée d’un cadre aux formes sinueuses qui déborde en avant de la toile peinte (à partir de 1963).