Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Fontainebleau (suite)

L’école de Fontainebleau

Trois des artistes appelés par François Ier furent les chefs de file de cette équipe internationale dont la production appartient au maniérisme*. Venu dès 1530, après une brillante carrière florentine, le Rosso* inaugura dans la petite galerie l’alternance caractéristique des fresques et des ornements de stuc (modelés sous sa direction) ; son style est puissant et tendu. Francesco Primaticcio, dit le Primatice*, arriva en 1531, après avoir secondé Jules Romain* dans la décoration du palais du Te à Mantoue, premier grand chantier du maniérisme européen. Ses figures allongées, aux contours sinueux et aux couleurs claires, sont d’une élégance qu’on peut apprécier dans la chambre de la duchesse d’Étampes (aux stucs modelés sur ses dessins et dans le même esprit) et dans la salle de bal, à défaut de la galerie d’Ulysse. À partir de 1552, il eut pour principal collaborateur Nicolo Dell’Abate (v. 1506/1512-1571), peintre à la personnalité accusée, comme le prouve son goût pour les effets de touche, de lumière et de couleur. Il est l’auteur de l’Enlèvement de Proserpine, au Louvre ; ses dessins vibrent de toute la grâce bellifontaine (Cérès et les dieux, musée Pincé, Angers). Dans la cohorte des aides italiens, français et flamands, on peut citer Luca Penni (v. 1500/1504-1556), Léonard Thiry (v. 1500-1550), Geoffroy Dumonstier, actif entre 1535 et 1547, le sculpteur Dominique Florentin (v. 1506-apr. 1565)... Il est difficile aujourd’hui de retrouver des œuvres certaines de ces artistes ; en revanche, on ignore la paternité de certains tableaux qu’inspire l’esthétique précieuse de l’école : plusieurs Dames à la toilette rapprochées de F. Clouet* une Diane chasseresse (Louvre), une Flore (collection italienne), etc.

Les artistes de Fontainebleau n’ont pas limité leur activité au château royal. Un Antoine Caron (1521-1599), mentionné à Fontainebleau entre 1540 et 1551, vint s’établir à Paris. En province, des ensembles décoratifs tels que les fresques d’Ancy-le-Franc (Yonne) relèvent du style bellifontain. Celui-ci a été largement diffusé par les graveurs du temps, Antonio Fantuzzi (actif de 1537 à 1550), René Boyvin (v. 1525-1625/30), Étienne Delaune (1519-1583), le maître L. D. (actif de 1540 à 1556)...

La « seconde école de Fontainebleau » rassemble les peintres officiels du règne d’Henri IV. Les plus notables sont Ambroise Bosschaert, dit Dubois, originaire d’Anvers, qui fit prévaloir l’influence du maniérisme flamand ; Toussaint Du Breuil, au style brillant et éclectique ; Martin Fréminet, auteur des fresques de la chapelle de la Trinité, d’un art tendu et tumultueux. Le champ d’activité de cette seconde école a, lui aussi, largement débordé le cadre de Fontainebleau ; sa part était grande dans la décoration du Louvre et de Saint-Germain-en-Laye.


Henri II et Catherine de Médicis

La mort de François Ier n’enleva pas à Fontainebleau son rôle primordial comme foyer de la Renaissance française. Le règne d’Henri II y a laissé un ensemble fastueux : la salle de bal, aménagée vers 1550 à l’étage d’un bâtiment que François Ier avait commencé sur le côté sud de la cour Ovale. Le Primatice et Nicolo sont les auteurs principaux des fresques à sujets mythologiques qui ornent ses parois et les embrasures de ses larges baies cintrées. Le magnifique plafond à caissons, en bois doré et argenté, est de Scibec de Carpi, sur les dessins de Philibert Delorme*. La tribune des musiciens s’élève au-dessus de l’entrée, face à une cheminée monumentale.

Philibert Delorme aménagea pour Henri II le pavillon dit « des Poêles », qui donnait à la fois sur la cour du Cheval-Blanc et sur la cour de la Fontaine. Dans la première, au pied du pavillon central, il éleva un escalier à double courbe, moins ample que celui qui l’a remplacé au xviie s. Sur la cour de la Fontaine, la galerie François-Ier fut doublée par une terrasse, à laquelle un beau portique à bossages sert de soubassement. La chapelle de la Trinité fut enfin bâtie au fond de la cour du Cheval-Blanc.

Devenue régente, Catherine de Médicis remplaça Philibert Delorme par le Primatice pour la conduite des travaux d’architecture. On doit au second l’aile formant le côté est de la cour de la Fontaine, sur laquelle sa façade dessine une sobre et vigoureuse composition à deux rampes divergentes. Dans la cour du Cheval-Blanc, le bâtiment du fond fut continué sous le règne de Charles VIII. Des pièces donnant sur le jardin vinrent doubler vers le nord les bâtiments de la cour Ovale.


L’œuvre d’Henri IV

Délaissé pendant le règne d’Henri III et les troubles de la Ligue, le château retrouva sa place avec Henri IV, qui se plut à le développer et à l’embellir. Une nouvelle entrée, de caractère triomphal, fut aménagée à l’extrémité est de la cour Ovale, qui s’ouvre depuis lors entre deux pavillons construits pour terminer plus régulièrement le fer à cheval des bâtiments anciens ; au milieu s’élève la porte surnommée « le Baptistère » (parce que le Dauphin reçut le baptême en 1606 dans la cour Ovale), de goût nettement baroque avec son dôme épaulé par de grandes volutes. Face à ce frontispice, Henri IV fit construire une nouvelle avant-cour à usage de communs, la cour des Offices. Cet ensemble au style sobre mais animé, en maçonnerie à chaînages de brique, dessine un quadrilatère ouvert du côté de l’ouest. L’entrée d’honneur, très imposante, se creuse en exèdre dans le pavillon central, face à la ville. Autre extension donnée au château, une aile en brique et pierre (refaite au xixe s.) vint s’allonger vers le nord, à partir de la cour Ovale, pour contenir deux galeries superposées : la galerie des Cerfs et celle de Diane. Renouant avec la tradition du mécénat royal, Henri IV enrôla pour les travaux de décoration une équipe d’artistes que l’on désigne souvent du nom de « seconde école de Fontainebleau ». Son œuvre la plus spectaculaire est dans la chapelle de la Trinité, qui avait été construite, on l’a vu, au siècle précédent. Martin Fréminet (1567-1619) est l’auteur des fresques à sujets bibliques qui ornent les compartiments de la voûte ; les grandes figures de stuc sont de Barthélemy Prieur († 1611). La chapelle haute de Saint-Saturnin fut elle aussi décorée de peintures. Les grands appartements subirent des modifications importantes. Henri IV transféra la chambre du roi de l’ancien donjon à un emplacement voisin, avec vue sur le jardin du nord ; il fit sculpter un plafond pour la nouvelle chambre, qui est devenue la salle du Trône. Le cabinet du roi, sur la cour Ovale, a conservé son lambris peint et les grandes toiles d’Ambroise Dubois (1543-1614) qui le surmontent, illustrant le roman de Théagène et Chariclée. Le même peintre avait représenté l’histoire de Tancrède et Clorinde, d’après le Tasse, dans le salon des dames d’honneur de la reine. Dans l’aile ajoutée vers le nord, la galerie des Cerfs, celle du bas, porte ce nom à cause des massacres de cerfs qui la décoraient ; sur les parois, Toussaint Du Breuil (1561-1602) représenta les maisons et les chasses royales. La galerie haute, ou galerie de Diane, célébrait les faits d’armes du roi en grands tableaux peints sous la conduite d’A. Dubois, de même que les sujets mythologiques de la voûte. Le décor de ces deux galeries a été refait au xixe s.

Henri IV développa aussi les jardins. Au sud de la cour Ovale, il fit aménager le grand Parterre, avec la fontaine du Tibre, de goût baroque, par un spécialiste italien du nom de Francini, connu sous la forme francisée de Thomas Francine (1571-1651). Le grand canal fut creusé en direction de l’est, dessinant une majestueuse perspective.