Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fonction publique (suite)

La fonction publique en France

En 1969, l’État, les collectivités* territoriales, les établissements publics et les organismes parapublics occupaient environ 16 p. 100 de la population active du pays. Depuis 1914, le nombre des agents de l’État augmente en moyenne d’environ 2 p. 100 par an. Le personnel civil de l’État, qui représentait 2,4 p. 100 de la population active en 1914, en représente 7,6 p. 100 en 1967 : il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un phénomène d’expansion du secteur tertiaire, mais d’une conséquence du développement du rôle des pouvoirs publics dans la vie économique, constaté en fait dans tous les pays industriels.


Le statut général de la fonction publique

Le statut général de la fonction publique (ordonnance du 4 février 1959, modifiée ultérieurement) s’applique aux personnes qui, nommées dans un emploi permanent, ont été titularisées dans un grade de la hiérarchie des administrations centrales de l’État, des services extérieurs en dépendant ou des établissements publics de l’État. Les personnels des assemblées parlementaires, les magistrats de l’ordre judiciaire, les personnels militaires ainsi que les personnels des administrations, des services ou des établissements publics qui présentent un caractère industriel ou commercial sont régis par des statuts spéciaux.

Le statut de 1959 modifie celui qui avait été élaboré en 1946, après qu’eut été abrogé le premier statut de la fonction publique, établi en 1941 par le gouvernement de Vichy. Il implique des garanties et des devoirs pour ses bénéficiaires. Il reconnaît le droit syndical aux fonctionnaires (les syndicats* de fonctionnaires sont représentés aux comités techniques paritaires chargés d’examiner les projets d’organisation des services), auxquels le préambule de la Constitution de 1946 a, par ailleurs, reconnu le droit de grève « dans le cadre des lois qui le réglementent » (la loi interdit toute grève aux agents des forces de l’ordre, police, C. R. S. et personnel pénitentiaire, ainsi qu’aux magistrats ; les autres fonctionnaires peuvent toujours faire l’objet d’une réquisition si la nécessité du service l’exige ; un préavis de cinq jours doit précéder toute grève). Le fonctionnaire est protégé contre les outrages, injures et diffamations lancés contre lui à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ; il bénéficie de garanties disciplinaires étendues lorsqu’il est accusé d’avoir commis une faute (il reçoit communication de son dossier et peut présenter sa défense devant une commission administrative paritaire, dont l’avis est obligatoire dès que la sanction encourue est d’une gravité supérieure au blâme).

En fait comme en droit, le fonctionnaire bénéficie d’une véritable garantie de l’emploi*. En contrepartie, il est tenu au secret professionnel, à l’obéissance envers ses supérieurs et doit exécuter fidèlement les ordres qui lui sont donnés, quelles que soient ses opinions politiques personnelles ; hors du service, il est tenu à une certaine dignité de sa vie privée et doit s’abstenir non seulement de tout acte pouvant porter préjudice à l’Administration, mais également de toute attaque publique et violente contre ses supérieurs et le gouvernement, ce dernier principe étant pratiquement appliqué d’une façon très libérale lorsque le fonctionnaire milite activement dans une organisation politique, notamment lorsqu’il est candidat à une fonction élective.

Des statuts particuliers viennent compléter le statut général pour le personnel de chaque corps ou de certains services. On peut ainsi expliquer que les agents des collectivités territoriales et des entreprises publiques sont régis par un statut particulier à chaque entreprise ou collectivité. Il faut remarquer cependant que les statuts des personnels des collectivités locales doivent être élaborés en tenant compte d’un statut général qui fut établi en 1952.


La formation et le recrutement des fonctionnaires

Deux principes sont à la base du système de recrutement :
1o Le principe de l’égalité d’accès. Il interdit d’écarter un candidat de la fonction publique en raison de son sexe (le juge administratif a toutefois admis que certaines fonctions ne pouvaient, en raison de leur nature, être exercées par des femmes), de son origine sociale et de ses opinions politiques, religieuses ou philosophiques.
2o Le principe du recrutement par voie de concours sur épreuves. Les candidats admis sont, de plus, soumis à un stage pratique avant leur titularisation ; certains concours (notamment lors de la création d’un corps ou d’un service spécialisé nouveaux) ont lieu sur titres. Cependant, certaines nominations ont lieu uniquement au choix : préfets et emplois supérieurs des administrations centrales, personnels temporaires (vacataires et auxiliaires, personnels contractuels, auxquels il est fait d’ailleurs appel d’une façon croissante).

Les emplois publics sont classés en quatre catégories (A, B, C et D), correspondant à des niveaux culturels différents, attestés par la présentation de tel ou tel diplôme. Pour les catégories A, B et C, un double concours est généralement prévu, l’un étant ouvert aux candidats justifiant de certaines études, l’autre aux fonctionnaires justifiant d’une certaine durée de services publics ; c’est ainsi qu’un fonctionnaire recruté dans l’emploi le moins élevé de la hiérarchie peut accéder, par son mérite propre, aux emplois les plus élevés (40 p. 100 seulement des agents de la catégorie A sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur et 23,6 p. 100 sont du niveau du baccalauréat).

Les fonctionnaires supérieurs ont généralement reçu une formation particulière au sein d’une grande école (Polytechnique, Mines, Ponts et Chaussées, etc.) ou de l’E. N. A. (École nationale d’administration), créée en 1945 et réorganisée en 1971 (inspection des Finances, Conseil d’État, Cour des comptes, corps préfectoral, corps diplomatique, juges aux tribunaux administratifs, administrateurs civils, etc.), ou encore à l’École nationale de la magistrature, créée en 1970 en remplacement du Centre national d’études judiciaires (magistrats de l’ordre judiciaire). La majorité des instituteurs et une partie des professeurs reçoivent leur formation dans les écoles normales. Il existe également une École nationale supérieure des postes et télécommunications, des écoles nationales des impôts, des douanes, des services du Trésor et de la santé publique, une École nationale supérieure de police, une École nationale supérieure des bibliothécaires, etc.