Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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folklore (suite)

Le récit en prose obéit à ce que l’on a appelé le rythme large, qui repose sur la répétition d’épisodes entiers, par opposition au rythme condensé de la versification. La composition peut être thématique, c’est-à-dire procéder à partir de thèmes qui s’organisent dans des séquences narratives, ou sérielle, avec l’utilisation de séries énumératives dont les termes servent de points de repère au narrateur. Il y a là des techniques très générales et que l’on retrouve partout. La répétition a, dans le style oral, une valeur mnémotechnique et esthétique.

La structure de l’opposition entre deux personnages intervient, par exemple, dans un conte de l’Égypte ancienne : Vérité et mensonge. Le même récit fait encore partie du folklore actuel. Le parallélisme entre deux personnages dont l’un réussit et l’autre échoue correspond à un dédoublement d’épisodes qui se rencontre dans des contes de tous les pays : c’est une structure des récits de la Nouvelle-Calédonie et de nos traditions européennes, comme le prouve le conte de Perrault les Fées.

Les structures des contes populaires n’obéissent pas seulement à des jeux mécaniques d’association ou de substitution : l’intervention d’un facteur historique, dans la formation des séquences narratives, dont il faut connaître parfois les antécédents de la mythologie et de l’épopée, l’existence indubitable d’un phénomène de diffusion géographique des contes sur une aire plus ou moins vaste ou restreinte, enfin le facteur sociologique correspondant à des faits observés sur le vif (un rituel de mariage par exemple) doivent faire l’objet de recherches préliminaires.


Les méthodes

Selon les problèmes étudiés, on peut avoir recours à plusieurs méthodes : l’observation directe et la collecte des traditions orales, le classement des variantes, l’analyse morphologique ou stylistique, la comparaison des séquences, des motifs ou des formules, etc. Les méthodes sont donc directes, analytiques, bibliographiques ou comparatives.

Les théories mythologique, ritualiste, indianiste, structuraliste peuvent être applicables tour à tour, suivant la nature des matériaux que l’on possède.

Sur le plan philologique ou littéraire, on peut examiner ces différentes questions :
— le problème de la différenciation des genres récités, de leur formation, de leur évolution, de leur disparition ou de leur survivance ;
— l’étude de la notion d’auteur dans la littérature orale : les improvisateurs, les « transmetteurs-auteurs », les compositeurs-chansonniers ;
— le problème des emprunts ou des échanges d’influences entre la littérature écrite et la tradition orale ;
— le groupement des variantes permettant la reconstitution arbitraire d’un archétype unique, qui serait la version primitive la plus ancienne, ou d’une « forme type », c’est-à-dire celle qui présenterait le plus de cohérence logique ou de valeur esthétique ; à la reconstruction d’une norme artificielle, la version la plus complète ou la plus stable, qui a l’intérêt d’offrir une possibilité de classement des variantes, toutes ramenées à quelques types (des contes types) fixés arbitrairement, malgré le caractère mouvant et multiforme de la tradition orale ;
— le problème des sources et l’interprétation des variantes « altérées », qui peuvent témoigner d’un processus vivant aboutissant à des créations nouvelles.


Le folklore et les écrivains

Le conte fait partie de la littérature dès l’Antiquité : les récits merveilleux, facétieux ou moralisants de l’Égypte ancienne sont déjà de véritables nouvelles qui offrent un caractère littéraire. Chez les Grecs et les Latins, des romanciers comme Apollonios de Rhodes, Apulée, Pétrone ont mis en œuvre des mythes, des légendes et des contes. Nombreux sont également les poètes qui ont puisé à ces sources.

La littérature française du Moyen Âge est un domaine particulièrement intéressant pour l’étude du folklore. Il n’est pas nécessaire de rappeler toutes les recherches qui ont été faites sur l’art épique des jongleurs, les thèmes des romans bretons ou des lais de Marie de France, ceux des fabliaux ou du Roman de Renart. Les récits du terroir français sont représentés chez les conteurs de la Renaissance. Quant à Rabelais, il nous raconte un récit populaire qui est encore vivant dans le folklore français, celui du « diable dupé dans le partage de la moisson » par un habile paysan, beaucoup plus malin que lui.

Montaigne fait allusion aux « villanelles » et aux chansons de la Gascogne. La mode des contes de fées proprement dits a connu chez nous une période d’apogée au xviie s., avec plusieurs écrivains, dont Mme d’Aulnoy (Marie Catherine Le Jumel de Barneville), Marie Jeanne L’Héritier de Villandon, la comtesse de Murat (Henriette Julie de Castelnau) et surtout Charles Perrault, qui publia les Contes de ma mère l’Oye en 1697, tandis que La Fontaine perpétue la tradition du conte littéraire et de la fable.

C’est à l’époque romantique et sous l’influence des littératures étrangères que Mme de Staël contribue à faire apprécier, que l’on commence à s’intéresser à la véritable collecte folklorique des ballades populaires, des légendes et des contes. Chateaubriand n’est pas seulement attiré par les mœurs et les coutumes des pays exotiques, celles des Natchez, des Hurons et des Iroquois ; il s’intéresse au passé national, comme le montre l’épisode de Velléda, la druidesse qu’il incorpore dans les Martyrs. Mais ce sont les origines bretonnes de l’écrivain lui-même qui lui procurent des sujets d’observation plus vivants. Si l’écrivain se plaît à évoquer les complaintes et les cantiques populaires qu’il a entendu chanter par les marins de sa province d’origine, il consacre ailleurs un passage important de son œuvre à la célèbre romance Combien j’ai douce souvenance / Du beau pays de mon enfance..., dont la mélodie vient d’une tout autre région de la France : l’Auvergne.

Les écrivains romantiques auraient aimé reconstituer le Romancero poétique de la France. C’est dans cet esprit qu’en 1842 Théodore Hersart de La Villemarqué (1815-1895) avait publié une adaptation des romans de la Table ronde sous le titre suivant : Contes populaires des anciens Bretons. Ces travaux d’érudition philologique eurent une répercussion sur le développement de la littérature. Victor Hugo entreprend de son côté une œuvre de résurrection du passé national. Dans la Légende des siècles, il s’inspire des chansons de geste, remises à la mode par Achille Jubinal, et, comme le romantisme affectionne les contrastes, il va d’un extrême à l’autre, en évoquant, d’une part, la silhouette héroïque du chevalier errant (La terre a vu jadis errer des paladins / Ils flamboyaient ainsi que des éclairs soudains...) et en s’apitoyant, d’autre part, sur le sort des pauvres gens.