Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Foch (Ferdinand) (suite)

Issu d’une vieille famille du pays de Comminges, Foch commence ses études à Tarbes, où son père était secrétaire général de la préfecture, et les termine chez les Jésuites, au collège Saint-Clément de Metz, où, préparant Polytechnique, il est en 1870-71 le témoin lucide des malheurs de la défaite. Dès lors, sa voie est tracée ; il sait à quelle tâche il consacrera sa vie. En octobre 1871, il entre à Polytechnique dans une ambiance marquée par le drame de la Commune. Après une année à l’École d’application de Fontainebleau, le voici lieutenant au 24e d’artillerie à Tarbes (1875), puis capitaine au 10e à Rennes (1878). En 1885, il entre à l’École supérieure de guerre et par deux fois (1891, 1894) sert à l’état-major de l’armée, avant de revenir à l’École de guerre, d’abord comme professeur adjoint (1895), puis, promu lieutenant-colonel, comme chef du cours d’histoire et de stratégie (1896). À quarante-cinq ans, l’homme s’impose par sa personnalité « pleine d’énergie, de calme et de droiture » autant que par son enseignement, « serrant dans tous ses détours un raisonnement rigoureux [...], recourant volontiers au langage mathématique [...], parfois difficile à suivre tant son discours était riche en idées [...] ». De sa méditation, qui embrasse tous les problèmes de la guerre moderne, s’élabore une doctrine condensée en ses deux ouvrages : Principes de la guerre (1903) et Conduite de la guerre (1904). Son art est simple : il est fondé sur le savoir, qui est à la portée de ceux qui le cherchent par un travail acharné, et sur la volonté et la fermeté du caractère, qui transforment la discipline intellectuelle en un acte de pensée féconde et d’esprit créateur.

Après un temps de commandement au 35e d’artillerie à Vannes (1903), Foch, promu général à cinquante-six ans (1907), est nommé par Clemenceau* (qui a lu ses livres) commandant de l’École de guerre (1908). Il y crée un cours de stratégie, confié au commandant Jean Henri Mordacq (1868-1943), futur chef du cabinet militaire de Clemenceau... Divisionnaire en 1911, il est appelé à commander dès 1912 le 8e corps, puis en août 1913 le 20e corps de Nancy, avec lequel il entre en campagne dans la IIe armée Castelnau* et prend part aux batailles de Morhange et du Grand-Couronné de Nancy. Dès le 29 août 1914, en pleine retraite, Joffre* le met à la tête d’une nouvelle armée, la IXe avec comme chef d’état-major un officier inconnu de lui, le lieutenant-colonel Weygand*. C’est dans les lugubres journées des 8 et 9 septembre, où la défense de la IXe armée aux Marais de Saint-Gond rend possible la victoire de la Marne, que se noue définitivement l’amitié des deux hommes... Mais, dès le 4 octobre, Joffre confie à Foch, dont il fait son adjoint, la tâche plus difficile encore de coordonner l’action des Britanniques, des Belges et des Français dans les Flandres : Foch y réussit merveilleusement, notamment auprès des Anglais, qui ne l’oublieront pas. Durant plus de deux ans, il commande ensuite le groupe d’armées du Nord, où il dirige les offensives d’Artois (1915) et de la Somme (1916). Atteint par la limite d’âge de soixante-cinq ans, il est, avec Joffre, victime de la crise de commandement de la fin de 1916. Chargé au G. Q. G. d’un bureau d’études des questions interalliées, il en profite pour réfléchir et faire le point. Constatant la faillite de la guerre d’usure, il discerne l’importance décisive du moteur, qui, par le tracteur d’artillerie et le blindé, rendra aux armées vitesse et possibilité de manœuvre. « Il faut aux armées un outillage nouveau, écrit-il alors, [...] c’est en fait la fabrication qui va régler la marche de l’offensive, c’est-à-dire de la guerre. »

En mai 1917, Foch remplace Pétain* comme chef d’état-major de l’armée. C’est à ce titre qu’en octobre, après le désastre de Caporetto, il accourt en Italie, où il achemine aussitôt des renforts français. Il milite alors pour une formule élargie de coordination des efforts alliés, qui, ébauchée par les accords de Rapallo, donnera naissance au Comité des représentants militaires de Versailles, transformé le 1er février 1918 en Comité exécutif. Lloyd George* en fait confier la présidence à Foch, qui est ainsi chargé de proposer les décisions des gouvernements, mais qui est démuni de tout pouvoir sur les commandants en chef français (Pétain) et britannique (Haig*). Par un heureux concours de circonstances, Foch se trouve donc être exactement l’homme de la situation quand, le 21 mars, se déclenche l’offensive allemande de Picardie, dont Ludendorff* attend la décision de la guerre. Cinq jours plus tard, c’est la gravité de l’heure qui, à Doullens, impose à Clemenceau comme aux Anglais sa désignation comme commandant suprême des forces alliées sur le front occidental. Dans la nuit même, Foch constitue autour de Weygand un état-major restreint de six officiers. Le 27, il rencontre tous les responsables de la bataille, acquiert le concours sans réserve de Pétain et de Haig, fait converger trente divisions françaises entre Oise et Somme, et donne à tous une seule consigne : « garder Amiens ». Le 1er avril, tout danger de rupture du front est écarté. Les Alliés ont enfin un chef unique qui, tout en parant aux nouveaux coups assénés par Ludendorff dans les Flandres et au Chemin des Dames, prépare déjà sa riposte. Celle-ci se déclenchera brutalement le 18 juillet par la victorieuse contre-offensive de Mangin* à Villers-Cotterêts, qui marque le renversement décisif de la situation. Désormais, c’est Foch qui imposera sa volonté à l’adversaire par une bataille générale poursuivie sans relâche jusqu’à la victoire totale. Délivré de tout souci sur ses arrières par Clemenceau, qui le soutient farouchement au Parlement, il donnera au cours de cette période étonnante toute sa mesure de grand chef de guerre. Conduisant personnellement la bataille tant par ses célèbres directives (24 juill., 3 sept., ...) que par ses contacts multiples avec ses subordonnés, il les entraîne tous par la vertu magnétique de sa parole et de sa foi, par cette façon irrésistible d’assener des vérités premières qui sont d’abord des affirmations de volonté. Pour beaucoup, Foch, qui, le 6 août, est fait maréchal de France, apparaît alors, malgré ses soixante-sept ans, comme une sorte de forcené, « le général Vorwärts », disait de lui son vieux camarade Fayolle*, qui l’aimait et le redoutait tout à la fois.