Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

flûte

Instrument de musique à vent, constitué d’un tube creux percé de trous à intervalles déterminés, le son étant produit par une colonne d’air mue par les lèvres de l’interprète.



Historique

L’origine de la flûte remonte à la plus haute antiquité. Si l’on attribue son invention à des divinités telles que Pan, Apollon, Marsyas et bien d’autres, on peut supposer que les sons produits par le vent soufflant dans les roseaux coupés donnèrent aux hommes l’idée d’assembler ceux-ci côte à côte, en variant leur longueur, et de les faire chanter directement par le souffle humain. Ainsi est née la flûte de Pan (ou syrinx), encore en usage plus particulièrement en Europe centrale.

Dans l’Antiquité, le mot flûte fut employé sans discernement pour désigner les instruments à vent. Il est difficile de savoir quelle fut la prédominance dans un choix maintenant déterminé par trois catégories : les flûtes de Pan ; les flûtes à bec, qui utilisent le souffle agissant sur un « sifflet » prolongé par un tube à perce cylindrique ou conique ; les flûtes traversières, que l’on joue « de travers ». Celles-ci furent longtemps un simple tube cylindrique percé de trous, dont l’un, de plus grand diamètre, servait à l’émission du son.

La flûte à bec (ou flûte douce) fut en usage au Moyen Âge, et le xvie s. a vu naître un quatuor de ces instruments, soprano-alto-ténor-basse, sonnant une octave au-dessus du quatuor vocal, auquel se sont ajoutées une flûte sopranino et une contrebasse, il en existe un modèle au musée du Conservatoire de Paris. Le père Mersenne, dans son Harmonie universelle, fait allusion à ces flûtes, qu’il compare à un jeu d’orgue. La flûte à bec alto fut l’instrument des solistes. Elle possède une importante littérature au xviiie s. Les ensembles connus sous le nom de chœurs de flûtes eurent aussi une grande vogue. Éclipsée par la flûte traversière (flûte allemande à cette époque), la flûte à bec resta longtemps délaissée en France. Elle devait renaître après la Seconde Guerre mondiale.

D’autre part, la flûte traversière connut de nombreuses transformations depuis le simple tube ouvert à chaque extrémité (flûtes droites ou obliques, suivant leur position de jeu) ; elle fut bouchée à un bout et munie d’une embouchure et de six trous pour les notes. Les flûtes de ce type, accordées en majeur, possédaient deux octaves et quelques notes. Au xvie et au xviie s., elles formèrent aussi une famille, dont Martin Agricola et Michael Praetorius font état. Le père Mersenne décrit une flûte semblable légèrement courbe vers une extrémité. À ce type succéda un modèle droit muni (on ne sait par qui) d’une clé de dièse. Ce fut l’instrument de Jacques Hotteterre le Romain et de tous les virtuoses du xviiie s. jusqu’au début du xixe. Charles Delusse le modifia légèrement, ainsi que Johann Joachim Quantz, qui ajouta notamment au bouchon le réglage à vis qui subsiste toujours.

En 1774, un perfectionnement sérieux était apporté, en ce qui concerne le fa, le sol dièse et le si bémol, par la perce de trois nouveaux trous obturés par des clés fermées. Cette invention est attribuée à l’Anglais Joseph Tacet ou aux Allemands Peter Nikolaus Petersen et Wolff.

Une flûte à six clés ne connut pas le succès de celle qui n’en possède que cinq, encore en usage en certains pays au xxe s. Des facteurs comme Johann George Tromlitz, inventeur de la longue clé de fa, Claude Laurent, qui ajouta une clé pour l’ut, le célèbre J.-L. Tulou et d’autres chercheurs apportèrent diverses modifications dans le mécanisme avant que Theobald Böhm suscitât, par sa découverte, un bouleversement de tous les progrès accomplis jusqu’à lui. Le Français William Gordon mérite d’être mentionné pour son apport dans cette facture, qui devait fournir aux flûtistes un instrument permettant un chromatisme rigoureux sur trois octaves et une tierce mineure ainsi que la possibilité d’une brillante virtuosité et d’une grande justesse (hormis quelques notes faciles à corriger).


Éléments de technique

Le son de la flûte est produit par un filet d’air que les lèvres dirigent sur le biseau extérieur de l’embouchure percée dans la tête de la flûte.

Suivant la nature, la forme et la direction de ce filet d’air, le son peut passer de la tessiture grave à l’aiguë, être modulé dans son intensité, accordé dans sa justesse et diversifié dans sa couleur. Puisque les lèvres et les muscles de la bouche façonnent ce filet d’air, la sonorité est propre à chaque individu et susceptible de variations infinies.

La maîtrise de la respiration diaphragmatique qui alimente ce filet d’air exige de longs exercices de tenue de sons (sons filés) semblables à ceux qui sont travaillés par les chanteurs.

L’articulation s’obtient par le simple, le double et le triple coup de langue. Elle est comparable aux différents coups d’archet du violoniste et permet au flûtiste de multiplier les effets de son jeu.

La position générale du corps, et spécialement celle des bras, doit entraîner une liberté complète des doigts, dont le seul rôle est de mouvoir les clés. L’attitude la plus naturelle est la plus souhaitable, tant au point de vue de l’esthétique qu’à celui de la technique.


La flûte en soliste

Ce n’est pas par hasard que le xviie et le xviiie s. nous laissent une littérature considérable consacrée à la flûte. Si la musique est rationalisée, l’instrument de l’âme se révèle une nécessité pour l’auditeur. L’instrument soliste ne s’est vraiment manifesté qu’à cette époque, en raison de l’engouement en sa faveur. Malgré ses imperfections, mais grâce à d’éminents virtuoses, il inspira de purs chefs-d’œuvre. Avec l’apparition du système créé par Böhm, au xixe s., de nombreux solistes composèrent des œuvres dont l’intérêt musical fut négligé au profit de « performances » instrumentales. Il fallut attendre le premier tiers du xxe s. pour que de talentueux compositeurs s’intéressent à l’instrument.