Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fleuve (suite)

1. Régime moyen et régime extrême. Un régime peut se définir :
a) par les variations saisonnières subies par les débits moyens mensuels au cours d’une année. Pour ce faire, on peut utiliser les débits absolus (en mètres cubes par seconde), ou mieux les coefficients mensuels de débit. Les élévations de la courbe par rapport au module (par rapport à l’unité si l’on utilise les coefficients mensuels de débit) définissent les hautes eaux et les basses eaux ;
b) par la périodicité des débits extrêmes, crues et étiages, exprimée par des courbes de fréquence. On peut noter, ci-contre, que les crues de 4 800 et 8 000 m3/s se reproduisent respectivement tous les 10 ans (ou mieux 100 fois par millénaire) et tous les 100 ans (ou mieux 10 fois par millénaire) sur le bas cours du Guadalquivir : ces crues sont dites « décennales » et « centenaires ». Par extrapolation, on peut calculer la crue millénaire et la crue maximale, dont il est nécessaire de connaître les valeurs pour l’aménagement rationnel d’un cours d’eau. La gravité d’une crue peut également se définir en calculant le coefficient A.

2. Régime pondéré et régime régulier. En considérant les régimes des moyennes et des extrêmes, on peut également caractériser un fleuve au double point de vue de :
a) sa pondération (ou variation annuelle) : un fleuve est pondéré lorsque l’écart qui sépare les hautes et basses eaux, les crues et les étiages, reste modéré. Dans le cas contraire, le fleuve est dit « excessif » (ou « torrentiel »). Certains fleuves ont des crues durables, mais qui diffèrent peu des hautes eaux (le Nil) ; d’autres sont affectés de montées subites qui peuvent, en quelques heures, centupler le débit initial. Si on trouve des fleuves aux étiages peu creusés, certains, au contraire, tarissent presque totalement ;
b) sa régularité (variation interannuelle) : un fleuve est dit « régulier » lorsque les mêmes variations annuelles se reproduisent régulièrement au cours d’une longue période ; en d’autres termes, lorsque la courbe du régime moyen reste valable tous les ans. Dans le cas contraire, le fleuve est « irrégulier ». Certains fleuves ont des crues et des étiages revenant à des dates fixes ; pour d’autres, ce sont des phénomènes imprévisibles en fréquence et en gravité. En de nombreux cas, les variations interannuelles sont si importantes que les courbes de débit moyen perdent tout ou partie de leur intérêt.

3. Régime simple et régime complexe.
a) Un fleuve a un régime simple lorsqu’il est influencé par un mode d’alimentation unique ou prépondérant, la fusion glaciaire ou nivale, les précipitations liquides. Le régime glaciaire a des hautes eaux estivales et des basses eaux d’hiver (fleuve souvent pris par les glaces). C’est la température qui régit le débit ; le régime est excessif, mais régulier. Le régime nival a des hautes eaux au moment de la fusion des neiges, mais conserve un écoulement soutenu en été (fusion de la glace du sol). Ce sont les températures et les précipitations (solides dans ce cas) qui régissent le débit ; le régime est plus pondéré et régulier. Le régime pluvial est plus ou moins calqué sur celui des précipitations, en fonction de l’intensité de l’évaporation ou de l’importance de la rétention. Le régime présente une très grande variété au point de vue de la pondération et de la régularité.
b) Un fleuve a un régime complexe quand se combinent plusieurs modes d’alimentation. Sur les petits cours d’eau, les régimes peuvent être « complexes originels » (Maurice Pardé) lorsque les précipitations solides et liquides interfèrent pour donner des régimes hybrides qui sont dits « nivo-glaciaire », « nival de transition », « nivo-pluvial », puis « pluvio-nival », selon la part qui revient à la fusion dans les hautes eaux et les crues. Dans les bassins plus étendus, le fleuve traverse des régions climatiquement différenciées et reçoit donc des affluents ayant un mode d’alimentation distinct. Les régimes sont alors dits « complexes changeants » (M. Pardé) puisqu’ils varient de l’amont vers l’aval. Sur les cours d’eau descendant des montagnes ou chevauchant des zones climatiques complémentaires, on assiste à de telles évolutions, parfois progressives, parfois brutales et contradictoires.

• Les facteurs du régime.

Tout ce qui accélère ou ralentit l’écoulement contribue à modifier les régimes fluviaux, qui dépendent alors de plusieurs conditions géographiques.

1. Le relief.
a) Le bassin fluvial intervient pour nuancer les modes d’alimentation : l’altitude agit directement sur le climat et augmente les précipitations, qui deviennent solides dans les régions les plus hautes. L’exposition aux vents pluvieux, en créant une distribution dissymétrique des pluies selon les versants, contribue fortement à différencier les fleuves au point de vue de l’abondance moyenne.
b) Le lit fluvial, d’autre part, modifie les conditions d’écoulement : d’abord par son profil longitudinal, puisqu’une pente forte favorise des ruissellements rapides et des crues brutales ; ensuite par son profil transversal, qui, resserré ou démesurément élargi (présence de lacs marginaux, de bras latéraux ou divagants, de marécages, etc.), agit en accélérant ou en freinant l’écoulement.

2. Le sous-sol. Il influe selon la plus ou moins grande perméabilité des terrains traversés. Fréquemment, les fleuves issus des régions perméables présentent un régime pondéré, tandis que les écoulements des régions imperméables sont immodérés, brutaux et donc excessifs. Les cours d’eau originaires de régions karstiques (la Nera dans l’Apennin), basaltiques (le nord-ouest des États-Unis) ou gréseuses (certains cours d’eau de la cuvette congolaise) présentent des écarts peu marqués entre les extrêmes mensuels. Toutefois, les exceptions à ces principes sont assez nombreuses : les régions karstiques très évoluées, peu étendues (donc vite saturées) ou imperméabilisées par le gel ne peuvent stocker d’importantes quantités d’eau. À l’inverse, les socles anciens, réputés imperméables, peuvent être couverts par d’épaisses couches d’altérites qui jouent alors le rôle d’une véritable éponge retenant, au début de la saison des pluies, une part importante des précipitations.