Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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feuille (suite)

Variations morphologiques

Les feuilles, dans les différents groupes, peuvent avoir des formes très variées. Le type précédemment décrit est habituel chez les Angiospermes Dicotylédones avec ses diverses modifications de détail.

Chez les Monocotylédones, le pétiole disparaît ; on distingue un limbe allongé ou même rubané, à nervures parallèles, et une gaine assez largement enroulée autour de la tige. Cette dernière est très souvent en position plus ou moins verticale ; il est cependant encore possible de reconnaître une face dorsale et une face ventrale, comme chez les Dicotylédones ; une ligule marque la séparation entre gaine et limbe. Chez les Iris, la feuille véritable est représentée par une gaine glauque qui porte un appendice foliacé vert sur sa partie dorsale ; c’est ce dernier que l’on remarque et que l’on assimile couramment à une feuille ; il est également rubané et à nervures parallèles. Chez l’Oignon, le limbe est creux, et la cavité ne communique pas avec l’espace intérieur de la gaine.

Ces feuilles assez allongées, à nervures parallèles et pourvues de gaines très enveloppantes, sont typiques des Monocotylédones ; cependant, quelques rares Dicotylédones possèdent une structure analogue. À l’inverse, quelques Monocotylédones font exception à la règle générale ; les feuilles ont une nervation pennée ou palmée chez les Palmiers, et la Sagittaire possède des feuilles aériennes pétiolées.

Les Gymnospermes aussi peuvent porter des feuilles de types très différents : pétiole et limbe aplati (Gnetum, Ginkgo), en écailles (Thuya, Araucaria). Mais le modèle le plus courant est la forme en aiguille. Ces aiguilles, très allongées, parcourues par une seule nervure, sont aplaties dorsiventralement et se terminent en pointe. Elles sont portées par une « pousse courte » écailleuse, elle-même fixée à une « pousse longue » (chez le Pin sylvestre). Elles sont marquées par deux rangées longitudinales de stomates sur chaque face. L’aplatissement varie avec les espèces : assez faible chez le Pin, le Sapin, les Cèdres et les Mélèzes, il est plus marqué chez l’If et le Séquoia ; on peut trouver les aiguilles seules, par deux (Pin sylvestre), ou encore par cinq ou sept chez certains Pins exotiques fréquemment cultivés dans les parcs et jardins.

Les Fougères possèdent des feuilles appelées frondes, de grande taille, parfois très découpées ; le pétiole est bien individualisé, et la nervation est riche et fortement marquée. Ces frondes sont simples et allongées (Scolopendre). Certaines sont découpées (tel le Polypode, dont les lobes atteignent presque la nervure principale, ou rachis). Enfin, d’autres sont encore plus intensément incisées ; le rachis se subdivise, et on distingue les pennes latéraux portant même des pinnules, comme chez la Fougère « femelle » ou la « Fougère aigle », abondantes dans certains sous-bois et landes.

Souvent les premières feuilles de l’individu sont beaucoup plus simples que les suivantes : elles sont entières ou divisées en deux pinnules. Chez d’autres ptéridophytes (Sélaginelles, Lycopodes), on trouve des feuilles très réduites (quelques millimètres), implantées le long de la tige, sans pétiole et pourvues d’une seule petite nervure.


Formation de la feuille

Les feuilles proviennent d’un bourgeon qui est à la fois à l’origine du rameau et des feuilles qu’il porte. L’ensemble tige et feuille est déjà constitué plusieurs mois avant l’éclosion : au début de l’été, il s’agit d’un massif cellulaire terminal entouré d’écailles encore assez molles, surtout les écailles internes ; à l’automne, le massif central s’est allongé et porte à sa périphérie des bourrelets qui sont des ébauches foliaires. Le tout est entouré d’écailles plus nombreuses et plus épaisses, généralement brunes à l’extérieur. Ce n’est qu’au printemps suivant que le rameau se développe et éclôt. À ce moment, les feuilles, dont l’organisation s’est précisée pendant l’hiver, s’étalent et achèvent leur croissance. Ce processus est à peu près le même pour toutes les plantes vivaces de nos régions. Cependant, certains bourgeons à croissance plus rapide ne sont pas protégés par des écailles (les bourgeons nus du Chou de Bruxelles).

Pour les plantes annuelles ou au cours de la première année de vie des plantes vivaces, c’est à partir de l’embryon que se constituent les premières feuilles. Outre les cotylédons, on trouve un point végétatif qui forme successivement toutes les feuilles, comme le massif interne du bourgeon précédemment étudié ; mais le fonctionnement de ce point est plus rapide ici au moment de la germination.

Les formes de jeunesse

Les jeunes végétaux, avant l’apparition de leurs premiers fruits, possèdent parfois des feuilles très différentes de celles qu’ils auront à l’état adulte : ce sont les « formes de jeunesse ».

Chacun a pu observer que, dans de très nombreux cas, lors d’une germination, les premières feuilles sont différentes des feuilles normales de l’espèce ; ainsi, elles sont entières chez le Haricot, alors que les suivantes seront composées ; lisses et non dentées chez le Radis à l’état jeune, alors qu’elles seront incisées chez l’adulte.

Chez certaines espèces, cette particularité ne porte pas seulement sur les tout premiers éléments, dont la durée de vie est relativement brève, mais sur une période nettement plus longue ; on trouve chez les Mimosas (Acacias), par exemple, des feuilles basses composées, encore visibles, alors que la plante porte déjà ses formations de type définitif en cladodes aplaties.

Dans les familles des Conifères, Araliacées, Méliacées, Pittosporacées et Cunoniacées, ces formes de jeunesse sont assez développées et ce ne sont pas seulement les premières feuilles qui diffèrent des suivantes, mais toute la foliaison de rameaux assez importants et durables, pour faire croire que l’on est là en présence d’une plante adulte. Ainsi, quelques plantes de Nouvelle-Calédonie, dont on avait ramené des échantillons d’herbier, ont été pourvues de deux noms, l’un pour les éléments juvéniles, l’autre pour les échantillons adultes. C’est lorsqu’on a pu observer sur une même page d’herbier les deux types de feuilles qu’ils purent être rapportés à la même espèce. Le passage peut se faire brutalement (Leucopogon albicans) ou au contraire graduellement. La culture de Geissois pruinosa, une plante de la famille des Cunoniacées, a permis de montrer que les semis portent des feuilles minces, simples, ovales et allongées, vert clair, que des feuilles composées avec des folioles semblables aux feuilles des semis apparaissent ensuite, et qu’enfin l’adulte, un arbuste, possède des feuilles vert foncé, composées, formées de cinq folioles rigides, dont deux sont sessiles et lancéolées et les trois autres ovales longuement pétiolulées. Ainsi, la constatation de cette diversité dans la forme des feuilles a permis de rattacher à cette espèce des échantillons à feuilles simples qui avaient été décrits précédemment et placés sous un autre nom de genre !

D’une manière générale, André Guillaumin pense que, chez les Angiospermes de Nouvelle-Calédonie possédant des formes de jeunesse, les feuilles ou folioles jeunes sont plus étroites et plus dentées ou lobées que celles des plantes adultes.