Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

ferromagnétisme (suite)

Si la hauteur de la barrière est bien supérieure à kT, le moment M conserve son orientation primitive, aussi longtemps qu’un champ magnétique élevé n’agit pas sur lui : un ensemble de ces grains constitue un très bon aimant permanent. Cependant, lorsqu’on chauffe le grain au voisinage de son point de Curie, la hauteur de la barrière s’abaisse beaucoup, et le moment M est susceptible de changer d’orientation dans un champ magnétique faible, tel que le champ magnétique terrestre : il se bloque ensuite au refroidissement. C’est là l’origine de la mémoire magnétique des roches et des terres cuites, qui est à la base du paléomagnétisme*.


Théorie des moments magnétiques et de leurs interactions

La théorie complète du ferro- et du ferrimagnétisme est un des chapitres les plus difficiles de la physique des solides. Beaucoup de points délicats restent à élucider et, de toute façon, la théorie ne prédit que des ordres de grandeur.

Considérons d’abord le moment atomique : il est lié à l’existence d’une couche électronique intérieure incomplète. Pour le groupe des terres rares, c’est la couche 4f : les moments atomiques de Gd et de Tb sont bien à peu près ceux que les règles de Hund permettent de prédire pour les ions trivalents. Pour les métaux Fe, Co, Ni, appartenant à la première série de transition et possédant une couche électronique 3d incomplète, l’expérience montre que le moment orbital des électrons est presque complètement bloqué : le moment atomique est un moment de spin. Mais comme les moments atomiques à saturation de Fe et de Ni sont respectivement égaux à 2,2 et à 0,6 μB (μB = magnéton de Bohr), il faut en outre conclure que la couche 3d contient un nombre fractionnaire d’électrons. On l’explique par un chevauchement de la bande magnétique 3d et de la bande de conduction 4s. Les électrons s’y partagent en remplissant les deux bandes jusqu’au même niveau : une bande peut donc contenir un nombre fractionnaire d’électrons.

La question des interactions est encore plus complexe. Il existe d’abord des interactions dues à des échanges d’électrons entre atomes voisins, un peu analogues à celles qui donnent naissance aux liaisons homopolaires, mais qui, au lieu de favoriser l’antiparallélisme des spins d’atomes voisins, favorisent le parallélisme. Dans les métaux des terres rares, des interactions se produisent aussi par l’intermédiaire de la couche 5s des électrons de conduction, qui se polarise. Dans les ferrites, il s’agit principalement d’actions de superéchange où les atomes d’oxygène, séparant deux atomes de métal, jouent un rôle de relais en changeant d’état d’ionisation : dans ce cas, les interactions sont en général négatives et favorisent l’antiparallélisme des moments atomiques des ions métalliques, en accord avec la théorie du ferrimagnétisme.

L. N.

 R. M. Bozorth, Ferromagnetism (New York, 1951). / L. F. Bates, Modern Magnetism (Cambridge, 1961). / E. Kneller, Ferromagnetismus (Berlin, 1962). / S. Chikazumi et S. H. Charap, Physics of Magnetism (New York, 1964). / A. Herpin, Théorie du magnétisme (P. U. F., 1968).

ferronnerie

Partie des arts décoratifs concernant le travail du fer forgé ou soudé.


On entend par ferronnerie les ouvrages de forge : grilles, balcons, rampes, pentures, à l’exclusion des objets comportant un mécanisme, qui relèvent de la serrurerie, et des outils qui rassortissent à la taillanderie. La ferronnerie s’est pratiquée dès les hautes époques. La Gaule y était experte. Elle disposait, pour préparer le métal, du martinet, lourde masse mue par l’énergie hydraulique. Le façonnage de toute pièce est conduit par le maître d’œuvre, qui la présente sous ses différentes faces, indiquant par son coup de marteau l’endroit où ses aides, armés du pesant marteau « à devant », vont frapper en cadence. Pour interrompre l’action des forgerons, le maître frappe l’enclume. Quelque développement qu’ait pris l’équipement mécanique, le ferronnier d’aujourd’hui continue souvent de pratiquer les méthodes traditionnelles.

Il ne subsiste rien, en pays français, d’antérieur au xe s. Les églises de Paray-le-Monial en Bourgogne, d’Ébreuil en Bourbonnais, la basilique de Brioude ont gardé certaines pentures des xie et xiie s. Celles de la cathédrale du Puy, de la fin du xie s., comptent parmi les plus décoratives. Dès cette époque, la ferronnerie, maîtresse de ses moyens, multiplie ces pentures pour consolider portes et coffres. On procède par soudure au rouge « blanc » des pièces juxtaposées ou placées bout à bout, les talons des deux éléments connexes étant amincis au préalable pour produire l’effet de continuité. La soudure suppose l’homogénéité du métal, contrairement à la brasure, qui interpose entre deux pièces de fer un métal tendre, laiton, étain, argent. Généralement, au xiiie s. (portail de Sainte-Anne à Notre-Dame de Paris), les rameaux rapportés des pentures se terminent par une feuille trilobée, modelée en creux par étampage : l’étampe est un coin de fer trempé, gravé en creux de l’ornement prévu. La plaquette plate, posée sur ce coin, reçoit, à chaud, le martelage qui la modèle. C’est l’expérience du forgeron qui lui enseigne la « chaude » convenable : si elle est excessive, la pièce échappe au marteau, qui atteint l’étampe et peut la briser ; si elle est insuffisante, elle est rebelle au marteau, réclame une remise au feu qui rend sa forme indécise. Ces difficultés sont aujourd’hui résolues par le laminage, le marteau-pilon, la soudure autogène et la soudure électrique.

Comme tous les métiers d’art, la ferronnerie évoluera vers la commodité, abandonnant ses caractères originels de franchise et de propriété dans l’emploi des moyens. Jusqu’au milieu du xiie s., elle a produit des enroulements de fers plats juxtaposés, cerclés d’embrasses soudées sur eux. Le xiiie s. adopte les ornements floraux étampés. Certaines facilités apparaissent au xive s. : les rivets remplacent les embrasses, et les ornements de fer battu les parties étampées. Le fer battu représente une simplification du travail, l’extrémité d’une pièce étant seulement aplatie pour qu’y soit découpée, à chaud, la silhouette d’un fleuron. Le xve s. inaugure l’emploi des ornements de tôle repoussée, dont la faible épaisseur facilite le rivetage aux gros fers. Une singulière éclipse s’accomplit en France au cours du xvie s., alors qu’en Italie, en Espagne, en Allemagne la ferronnerie continue de s’épanouir.