Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fermentation (suite)

Le métabolisme énergétique de la cellule microbienne est donc constitué d’une suite de réactions d’oxydoréduction ou de réactions couplées d’hydrogénation et de déshydrogénation qui aboutissent à la formation d’un produit oxydé et d’un produit réduit avec libération d’énergie. Le transport d’hydrogène ou d’électrons, du substrat sur l’accepteur, se réalise par une succession de réactions chimiques simples, chacune étant catalysée par une enzyme spécifique. Dans les cellules aérobies comme dans les cellules anaérobies, l’énergie contenue dans le substrat n’est pas transformée en chaleur, mais transférée dans des liaisons chimiques riches en énergie dont le modèle est la liaison phosphate de l’adénosinetriphosphate, désigné sous la forme abrégée d’A.T.P.

La distinction entre respiration et fermentation, aérobiose et anaérobiose, peut être faite en considérant la nature de l’accepteur d’hydrogène. Cet accepteur final d’électrons peut être l’oxygène moléculaire : on parle alors de respiration, et les micro-organismes de ce type sont aérobies. Lorsque l’accepteur est une substance autre que l’oxygène, il s’agit de la fermentation, et les germes sont appelés anaérobies.

Dans la fermentation, l’accepteur peut être organique ou inorganique ; certains réservent le terme de fermentation au premier de ces types, et de respiration anaérobie au second.

Du fait que, dans la fermentation, les accepteurs finaux d’électrons sont des composés organiques et non pas des molécules d’oxygène, l’énergie libérée est plus faible que dans la respiration. L’oxydation complète d’une molécule de glucose en CO2 et H2O produit 673 cal, tandis que sa fermentation en acide lactique, par exemple, ne libère que 18 cal. En fermentation, le nicotinamide adénine dinucléotide (N.A.D.) et le nicotinamide adénine dinucléotide phosphate (N.A.D.P.) sont pratiquement les seuls intermédiaires rencontrés dans le transport d’électrons. C’est le N.A.D. qui participe en tant que coenzyme à la transformation du glucose en acide lactique ou en alcool (fermentation lactique ou alcoolique). Un autre trait particulier, propre à la fermentation, est la diversité des produits synthétisés suivant la nature du substrat. Ce substrat peut être un sucre, un acide organique, un acide aminé, une purine ou une pyrimidine. Les produits obtenus peuvent être soit des alcools (éthanol, butanol, isopropanol, glycérol...), soit des acides organiques (acides acétique, propionique, lactique, citrique, gluconique...).

La respiration anaérobie, type de fermentation particulier, est caractérisée par le fait que l’accepteur d’électrons n’est ni l’oxygène moléculaire ni un composé organique, mais une substance inorganique (un sulfate ou un carbonate par exemple). Les micro-organismes de ce type sont des anaérobies stricts.

La fermentation et la respiration des sucres empruntent des voies identiques, notamment la voie glycolytique et le cycle du pentose-phosphate. Dans la voie de la glycolyse, la réaction initiale consiste en une phosphorylation du substrat, à l’aide de l’A.T.P., en même temps qu’une isomérisation. Le fructose-diphosphate formé est ensuite scindé en deux molécules de triose-phosphate : le glycéraldéhyde-phosphate et le dihydroxyacétone-phosphate. Puis le glycéraldéhyde-phosphate est oxydé en acide phospho-glycérique avec formation d’A.T.P. ; les réactions ultérieures conduisent au phospho-énol-pyruvate, puis à l’acide pyruvique. L’acide pyruvique obtenu peut être considéré comme un des intermédiaires clés du métabolisme des glucides. Dans la respiration, l’acide pyruvique est oxydé totalement par une suite de réactions connue sous le nom de cycle de Krebs. Dans la fermentation, l’acide pyruvique est le point de départ d’une très grande variété de composants finaux, dont la nature est caractéristique du type fermentaire : acide acétique, acide lactique, acide butyrique, acétone, acide propionique, acétoïne...

Dans le cycle du pentose-phosphate, le glucose est déshydrogéné dès le début de la réaction en acide gluconique-phosphate, puis en acide céto-gluconique-phosphate. Une décarboxylation conduit alors à un corps en C5, le ribose-phosphate. Le pentose ne s’accumule pas dans la cellule, il donne naissance, au cours de réactions complexes, à de nouveaux sucres, dont des hexoses, qui peuvent rentrer dans la glycolyse. Dans tous les métabolismes existe une proportion de substrat transformée suivant ce cycle ; il permet d’obtenir le ribose intervenant dans l’A.T.P. Par cette voie également, les glucides sont convertis en acide lactique, acide acétique, éthanol et gaz carbonique (fermentation hétérolactique).


Les principales fermentations

• La fermentation alcoolique se fait au détriment des sucres sous l’action des levures. Au cours de cette fermentation l’acide pyruvique est décarboxylé en aldéhyde et gaz carbonique. La réduction de l’aldéhyde aboutit à la formation de l’alcool. D’autres corps sont formés au cours de cette fermentation : acide succinique, glycérol, acide acétique...

La fermentation alcoolique est utilisée dans l’élaboration de certaines boissons (vin, bière, cidre, hydromel, eau-de-vie, képhyr...), en panification et pour la production d’alcools (éthanol, glycérol, érytritol, arabitol...).

• La fermentation lactique est le fait de nombreuses bactéries (streptocoques, lactobacilles, leuconostoc, pédiocoques), qui transforment le glucose ou d’autres monosaccharides en acide lactique. Le glucose est déshydrogéné, et l’hydrogène est accepté par l’acide pyruvique, réduit ainsi en acide lactique. Certaines bactéries sont homofermentaires, lorsque l’acide lactique formé est le produit essentiel de la fermentation ; celle-ci est dite « hétérofermentaire » lorsque, au cours de la fermentation, sont produits d’autres composés que l’acide lactique : éthanol, acide acétique, glycérol, CO2...

Cette fermentation est exploitée en laiterie, pour l’élaboration des fromages et du beurre, en conserverie, car elle rend les milieux acides (choucroute, olives, ensilages...), et pour la production de dextranes. Dans les tissus animaux se produit également une fermentation lactique (v. muscle).

• La fermentation butyrique est la transformation de certains hydrocarbones (sucre, pectine...) en acide butyrique, acétone, acide acétique, hydrogène, gaz carbonique..., sous l’action de certaines bactéries (Clostridium...). Le gain énergétique est faible, car une partie de l’hydrogène se dégage sans être utilisée.

Cette fermentation est employée pour le rouissage des fibres textiles et est responsable de nombreuses altérations dans les industries alimentaires.