Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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femme (suite)

La condition sociale de la femme

Les mutations de la société industrielle, tout en ménageant certains aspects de l’institution familiale légués par la tradition, ont modifié considérablement l’environnement, la configuration et le rôle de la famille* moderne. Dans cette évolution, la place occupée par la femme est essentielle. Son entrée dans la vie professionnelle et les résistances auxquelles se heurte une telle rupture avec la tradition constituent les éléments essentiels qui définissent la condition de la femme dans la société moderne.


L’évolution de la participation des femmes à la vie professionnelle

Lors du recensement du 1er mars 1968, le nombre de femmes exerçant une profession, en France, s’élevait à 7 123 500. Ce chiffre représentait près de 35 p. 100 de la population active totale. Parmi ces femmes, 6 130 500 travaillaient hors de l’agriculture, et 993 000 exerçaient une profession agricole. Cette distinction se justifie par le fait que les femmes occupant un emploi agricole sont le plus souvent des femmes ou des filles d’agriculteurs pour lesquelles la notion d’activité est difficile à définir. Aussi les critères d’activité, pour cette partie de la population active, peuvent-ils varier d’un recensement à un autre et rendre parfois difficiles des comparaisons globales.

L’afflux massif des femmes vers la vie professionnelle s’est produit en France dès la fin de la première moitié du xixe s. Il est contemporain des premières manifestations de la concentration dans l’industrie textile. Celle-ci, au cours du xviiie s., s’était étendue dans les campagnes où des familles paysannes travaillaient à domicile pour le compte de marchands manufacturiers. La concentration de la production, liée à l’évolution des techniques, attire vers les villes un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants qui trouvent à s’employer dans les fabriques. Bénéficiant du développement des sciences et des techniques, puis de l’élargissement des marchés, d’autres industries se développeront ensuite et emploieront aussi des femmes. En 1866, le nombre total de femmes actives s’élève à 4 643 000, dont 1 868 000 travaillent dans l’agriculture. Il atteint, en 1906, le chiffre de 7 624 000, dont 3 325 000 sont dans l’agriculture.

Si on s’en tenait à une simple comparaison des chiffres globaux, on pourrait être tenté de dire que le travail des femmes, en France, a peu varié depuis 1906. Une telle affirmation ne saurait toutefois être maintenue après un examen plus détaillé de l’évolution de la répartition de l’emploi féminin en France.

Les statistiques permettent de constater d’abord que le nombre de femmes recensées comme exerçant une profession agricole a considérablement baissé au cours des soixante dernières années puisqu’il est passé de 3 325 000 en 1906 à 993 000 en 1968. Dans le même temps, le nombre de femmes exerçant une profession hors de l’agriculture augmentait de plus de 3 millions. Des changements profonds ont donc eu lieu.

En France, comme dans d’autres pays où les progrès de l’industrialisation ont été rapides, on a observé un développement parallèle du nombre des emplois du commerce, de la banque, des bureaux. Dans ces professions en voie de large expansion, les femmes occupent une place de plus en plus importante. Il en est de même pour les services publics et administratifs. Les développements de l’instruction féminine, l’extension du travail des femmes à de nouvelles couches de la société ne sont pas étrangers à cette évolution.

Dans l’industrie, certaines branches qui occupaient un grand nombre de femmes ont connu un déclin important qui s’est amorcé dès le début de ce siècle. Tel est le cas des industries textiles et des industries de l’habillement. Dans ces branches, le pourcentage de femmes est resté sensiblement le même, mais leur nombre a considérablement diminué. Dans d’autres secteurs au contraire, on a vu, parallèlement à une augmentation du nombre total des travailleurs, s’accroître le nombre et le pourcentage de femmes. Tel est le cas, par exemple, des industries chimiques, où la proportion des femmes est passée de 12 p. 100 en 1906 à 30 p. 100 en 1968, des industries des métaux, où les femmes représentaient 5 p. 100 des effectifs en 1906 et 19 p. 100 en 1968. Encore faut-il distinguer des secteurs de l’industrie où elles sont particulièrement nombreuses : elles représentent 26 p. 100 du personnel dans la fabrication des articles métalliques, 53 p. 100 dans la fabrication des emballages métalliques, 70 p. 100 dans la fabrication des lampes.

On observe donc un développement particulièrement important de l’emploi féminin dans les branches qui ont connu une large expansion. Ce dynamisme du travail des femmes doit être souligné : toutes les fois que de nouvelles possibilités d’emploi apparaissent pour la main-d’œuvre féminine, elles sont utilisées.

Une autre manière d’apprécier le niveau de l’activité professionnelle des femmes est d’envisager les taux féminins d’activité, c’est-à-dire le rapport entre le nombre de femmes qui travaillent et le nombre de femmes dans la population.

Au 1er mars 1968, sur 100 femmes de 15 à 64 ans, 43 exerçaient une activité professionnelle. Pour 38 d’entre elles, il s’agissait d’une profession non agricole.

On pourrait être tenté de comparer les taux d’activité des femmes dans différents pays. En fait, dans la mesure où les recensements de la population active sont effectués d’après des critères qui varient d’un pays à un autre, dans la mesure aussi où les taux d’activité peuvent être calculés de manière différente, les risques d’erreurs sont multiples, et de telles comparaisons s’avèrent hasardeuses. On peut dire toutefois que le taux d’activité des femmes en France semble être l’un des plus élevés parmi les pays industrialisés d’Europe. Ces taux sont d’ailleurs loin d’être uniformes sur tout le territoire français. Ils sont élevés dans certaines régions où les possibilités d’emploi sont nombreuses et très bas dans d’autres régions : ils dépassent 55 p. 100 dans la région parisienne et n’atteignent pas 20 p. 100 dans certains départements.