Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

femelle (suite)

Ce dimorphisme sexuel apparent et fort anciennement connu se complète par un autre dimorphisme sexuel, qui intéresse les noyaux des cellules. En effet, M. L. Barr et L. F. Bertram ont constaté en 1949 que chaque noyau d’une cellule du sexe féminin montre une masse d’hétérochromatine de dimension constante (en moyenne 0,8 × 1,1 μ) accolée soit au nucléole, soit à la membrane nucléaire. Cet amas n’existe jamais dans les cellules du sexe masculin. Cette hétérochromatine se nomme le corpuscule de Barr, ou corpuscule chromatinien. S. Ohno a découvert chez la rate (1959), puis chez la femme (1961), que le corpuscule de Barr est un des chromosomes X, totalement formé d’hétérochromatine.


Caractères sexuels essentiels

D’autres différences, plus importantes, affectent les sexes ; elles correspondent aux caractères sexuels germinaux (glandes génitales, ou gonades : ovaires chez les femelles) et aux caractères sexuels somatiques primaires participant aux diverses fonctions de reproduction : transport des gamètes, accouplement et gestation. Les sécrétions hormonales mâles ou femelles conditionnent le développement des caractères sexuels somatiques primaires et secondaires.

Au début de son développement, tout Vertébré est non seulement sexuellement indifférent, mais aussi potentiellement hermaphrodite ; le jeune embryon possède des ébauches des gonades et des voies génitales propres aux deux sexes. Rapidement, la différenciation sexuelle se réalisera ; elle aura pour effet de stabiliser l’une des ébauches et de provoquer la régression de l’autre. Elle se poursuivra jusqu’à l’état adulte. Elle s’effectue par étapes et comporte deux phases essentielles : 1o la formation des gonades et des voies génitales au début de la vie embryonnaire ; 2o l’apparition des caractères sexuels secondaires, beaucoup plus tardifs. Ces caractères se manifestent à la puberté ou à la maturité sexuelle.


Caractères sexuels germinaux

Ils correspondent aux glandes génitales, ou gonades. Les gonades femelles sont les ovaires, logées dans la cavité abdominale.

Au stade indifférencié, la glande génitale se compose d’un épithélium, d’un cortex périphérique et d’une médulla centrale : le cortex possède des potentialités femelles alors que la médulla a des potentialités mâles. Si, à la suite de la fécondation, le mécanisme génétique de la détermination du sexe commande la formation d’une femelle, la différenciation sexuelle comportera le développement du cortex, et un ovaire s’édifiera ; les gènes de la sexualité contrôleront l’élaboration de substances qui orienteront l’état indifférencié vers l’état femelle.

Dès les premiers stades du développement, les cellules germinales primordiales, ou gonocytes primordiaux, gagnent les régions des futurs ovaires ; lorsque la gonade va évoluer en ovaire, les gonocytes, qui ont déjà subi de nombreuses divisions successives, prennent le nom d’ovogonies ; 5 millions d’ovogonies se trouvent dans les deux ovaires d’un fœtus humain âgé de 5 à 6 mois. La division des ovogonies s’arrête au début du développement chez les Vertébrés, mais se poursuit pendant toute la vie chez les Invertébrés.

L’ovogonie, qui ne se divise plus, s’accroît et devient un ovocyte de premier ordre. Celui-ci s’entoure d’un certain nombre de membranes et constitue le follicule ovarien. Chez les Mammifères, le follicule ovarien, ou follicule de De Graaf, mesure 1,5 mm chez la rate et jusqu’à 15 mm chez la femme. Reinier De Graaf l’avait décrit (1677) comme l’œuf des Mammifères. Sa croissance s’arrête, et les modifications ne reprendront qu’à la puberté ; sous l’action des hormones hypophysaires, le follicule fera saillie à la surface de l’ovaire ; ses parois amincies cèdent, et l’ovule est expulsé dans la cavité génitale au niveau du pavillon de la trompe, où se fera éventuellement la fécondation.


Cas particuliers de la différenciation sexuelle

Chez certaines Grenouilles, des races différenciées vivent en montagne et des races indifférenciées fréquentent les plaines. Dans les races différenciées, la gonade juvénile indifférenciée évolue immédiatement vers l’un ou l’autre sexe ; le phénotype sexuel correspond au génotype. Dans les races indifférenciées, la tendance mâle ou femelle est insuffisante pour orienter le développement d’un seul sexe ; il y aura une tendance à l’hermaphrodisme, et, le plus souvent, le sexe mâle passera d’abord par une phase femelle avant de se développer en accord avec la constitution génétique. Il existe des races locales de Grenouilles possédant toutes, à la métamorphose, des ovaires, nettement plus petits, toutefois, chez les sujets qui deviendront ultérieurement des mâles. Chez ceux-ci, les ovocytes dégénèrent, les gonocytes indifférenciés de la périphérie gagnent la médulla, et le testicule s’organise.

Les Crapauds présentent une gonade vestigiale à potentialités femelles, l’organe de Bidder, coiffant les testicules et les ovaires ; normalement, elle n’évolue pas ; mais si on enlève les gonades normales, l’organe de Bidder se développe et constitue un ovaire fonctionnel.

Les Oiseaux femelles possèdent un appareil génital asymétrique ; seuls l’ovaire et l’oviducte gauches existent (sauf chez quelques Rapaces diurnes) ; du côté droit se trouve une gonade vestigiale à potentialités mâles. L’ovariectomie gauche chez un poussin femelle entraîne le développement d’un testicule droit pouvant être fonctionnel ; mais l’Oiseau sera infécond, les voies génitales n’existant pas.


Mécanisme de la différenciation sexuelle

Des expériences telles que le free-martin, les parabioses et les greffes de R. R. Humphrey mettent en évidence l’élaboration de substances embryonnaires par les gonades dès leur formation ; elles peuvent exercer une action inhibitrice sur le sexe opposé et même provoquer une inversion du phénotype sexuel. S’agit-il d’inducteurs embryonnaires, cortexines et médullarines d’E. Witschi ? Les premières stimuleraient le cortex de la gonade et inhiberaient la médulla, alors que les secondes inhiberaient le cortex et stimuleraient la médulla de la gonade. Ou ces substances sont-elles identiques aux hormones sexuelles mâles ou femelles, hormones androgènes ou hormones œstrogènes ? Malgré des expériences variées réalisées avec des hormones synthétiques, testostérone et œstradiol, les résultats obtenus ne résolvent pas le problème. Les hormones n’exercent à peu près aucune action sur les gonades chez les Vertébrés supérieurs ; cependant, elles déterminent des inversions définitives chez les Poissons et les Amphibiens.