Fellini (Federico) (suite)
La conscience de la solitude amène Fellini à réaliser en 1954 La Strada. Deux misérables artistes ambulants, Zampanò et Gelsomina, séparés par le mur de l’incompréhension, ne réussissent pas à se communiquer leur besoin désespéré de tendresse. Ce film, d’une grande rigueur de style, obtint un « oscar », et fut considéré en son temps comme véritablement novateur. L’interprétation chaplinesque de Giulietta Masina contribua pour beaucoup à son succès. Après Il Bidone (1955), accueilli avec moins de passion, Fellini réalise les Nuits de Cabiria (Le Notti di Cabiria, 1957) portrait quelque peu outré d’une petite prostituée candide. Le film remporta un nouvel oscar.
Aveuglant projecteur braqué sur le chaos, la corruption, la décadence de la société contemporaine, cri d’alarme contre la puissance du matérialisme, la Douceur de vivre (La Dolce Vita, 1959) marque un tournant décisif dans l’œuvre de Fellini. Film sans conclusion, il rompt avec les règles traditionnelles de la narration cinématographique, et sa structure ouverte exprime mieux la vérité de la vie.
La nouvelle conception esthétique de Fellini s’exprime dans Huit et demi (Otto e mezzo, 1962). Tous les traits dominants du metteur en scène, l’autobiographie, l’attirance vers le surnaturel, le symbolisme baroque, l’absence de trame, se fondent dans ce film. Fellini se contemple et se mire dans la description d’un metteur en scène qui ne parvient pas à faire un film. Huit et demi est une exhortation à mieux accepter l’« autre », vivant et réel, ou simple création de l’imagination ou du souvenir, avec une généreuse compréhension.
C’est en couleurs que Fellini tourne en 1965 Juliette des esprits (Giulietta degli spiriti).
Après une période d’incertitude, Fellini tente de faire revivre le monde pétrifié de l’Antiquité romaine. Le Satyricon (1969) n’est pas une adaptation de l’œuvre de Pétrone et n’a aucun souci de vérité historique. C’est un voyage d’exploration spatiale et temporelle dans l’ère préchrétienne, que le concept de péché originel n’a pas encore atteinte. Cruel, grotesque, coloré, il traduit souvent l’excès d’un délirant sens plastique. Semblant revenir à un intimisme plus contrôlé, en 1970, Fellini réalise, pour la télévision italienne, les Clowns, généreux hommage au cirque et à ses humbles artistes. Mais, dans Roma (1971), il se livre — en recourant largement à certaines références autobiographiques et en utilisant avec maestria ses dons de poète visionnaire — à la découverte initiatique de la grande cité italienne (les Romains, l’Église, les femmes, le music-hall, le métro, la civilisation automobile, etc.) saisie dans toute sa complexité bourdonnante et quasi apocalyptique. En 1976, il détruit dans son Casanova le mythe du célèbre séducteur.
A. S.
G. Agel et D. Delouché, les Chemins de Fellini (Éd. du Cerf, 1956). / R. Renzi, Federico Fellini (Parme, 1956 ; trad. fr., Serdoc, Lyon, 1960). / A. Solmi, Storia di Federico Fellini (Milan, 1962). / G. Salachas, Federico Fellini (Seghers, 1963). / « Fellini : 8 1/2 », numéro spécial d’Études cinématographiques (Minard, 1963). / B. Rondi, Il Cinema di Fellini (Rome, 1965). / Fellini, numéro spécial de l’Arc (Aix-en-Provence, 1971). / G. Salachas, Federico Fellini (Glénat, Grenoble, 1977).