Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

fauvisme (suite)

Un tableau de Matisse sera « un tout en soi » et non pas seulement une « fenêtre ouverte » sur les spectacles du monde quotidien. Et le peintre ne craint pas l’accusation de n’être qu’un décorateur. Il n’entend ni choquer, ni subjuguer : « Ce que je rêve, dira-t-il plus tard, c’est un art d’équilibre, de pureté, de tranquillité, sans sujet inquiétant ou préoccupant [...]. »


Les fauves

La « cage centrale » du Salon d’automne de 1905 suscita, dans la presse et dans le public, de violentes manifestations de mépris, voire de colère. Y étaient réunies, notamment, dix toiles de Matisse et quatre de Vlaminck, entourées de celles d’André Derain (cinq), d’Albert Marquet* (quatre), de Jean Puy (quatre), d’Henri Manguin (cinq). Il faut ajouter à ces noms ceux d’Othon Friesz, de Raoul Dufy*, de Louis Valtat, de Charles Camoin. Georges Braque* (pour un temps très court) et Van Dongen n’ont participé que plus tard au mouvement. Quant à Georges Rouault*, il est plutôt considéré comme le chef de l’expressionnisme* français.

Baptisé en 1905, le fauvisme était né plusieurs années auparavant. Il y avait eu, à Chatou, la position instinctivement prise par Vlaminck, puis adoptée, d’une façon déjà plus raisonnée, par André Derain. Informé par celui-ci, Matisse, en raison de ses réflexions et de ses recherches personnelles, ne pouvait qu’approuver le principe de cette prise de position. Il en fit part à ses camarades de l’atelier Gustave Moreau. À l’École des beaux-arts, la porte de cet atelier s’ouvrait sur le même palier que celle de l’atelier Léon Bonnat, où se morfondaient alors Othon Friesz et Raoul Dufy. On se rencontra dans l’escalier, on sympathisa et l’on échangea des propos. Le résultat fut la formation d’une équipe amicale, dont les premières réalisations furent exposées au Salon des artistes indépendants.

Il n’était pas question pour ces artistes de se subordonner à une doctrine bien définie, mais, au contraire, de se montrer radicalement insoumis, tant à l’égard de l’académisme qu’à celui de toutes les formes du réalisme. Le devoir de chacun, pensaient-ils, est de faire de sa propre peinture une affaire strictement individuelle. Dans ces conditions, il était fatal que le groupe, à peine constitué, se désagrégeât, chacun songeant surtout à la défense de sa liberté personnelle : « Créateurs du fauvisme, a écrit Othon Friesz, nous fûmes les premiers à l’immoler. La couleur cessa d’être maîtresse de la toile ; le dessin renaissait [...]. »

Le fauvisme avait été une salutaire expérience : l’épreuve du feu, comme le disait Derain. Sauf, en effet, sous le rapport de la vigueur de personnalité qui s’y donne libre cours, les œuvres de maturité des uns et des autres ne se ressemblent nullement. Matisse est demeuré le même coloriste audacieux, le même dessinateur subtil ; Vlaminck, en Flamand rustique et romantique, célèbre, avec autant d’imagination que de fougue, les beautés de l’Île-de-France ; Othon Friesz a résolu de faire, comme Cézanne, « du Poussin sur nature », tandis que Dufy, dans un style comme sténographique, communique avec vivacité l’allégresse que lui inspirent les spectacles de la vie moderne ; Albert Marquet, paysagiste tendre et cursif, s’est toujours plu à nuancer des harmonies tranquilles.


Le fauvisme et l’art moderne

Abandonnée ou considérablement amendée par les fauves de la première heure, la technique de la couleur pure a continué d’être pratiquée par un certain nombre de leurs contemporains (René Seyssaud, Auguste Chabaud) ainsi que par divers artistes représentatifs des générations ultérieures ; mais le rôle essentiel du fauvisme reste d’avoir donné un exemple d’émancipation qui n’a pas laissé d’agir sur l’évolution de l’art moderne.

La réalité conceptuelle a été par beaucoup substituée dans le tableau à la réalité visuelle. Les couleurs du prisme étant tenues pour équivaloir à des notes de musique, on s’en est servi pour obtenir des harmonies nouvelles, non imitatives. Dans une nature morte cubiste, le compotier et la guitare sont représentés simultanément sous divers angles, afin de montrer tout ce que le peintre en sait et non pas seulement ce que la perspective ordinaire permet d’en voir. D’autres n’empruntent à la nature que les aspects qu’ils y trouvent favorables à la symbolisation de leurs pensées intimes et de leurs rêves. Tout cela, qui irritait Vlaminck, est sans doute bien loin du fauvisme primitif : celui-ci ouvrait la voie aux recherches ultérieures.

M. G.

➙ Expressionnisme.

 G. Duthuit, les Fauves (Trois Collines, Genève, 1949). / A. Derain, Lettres à Vlaminck (Flammarion, 1955). / M. Gauthier, Othon Friesz (Cailler, Genève, 1957). / B. Dorival, les Peintures du xxe siècle, t. I (Tisné, 1958). / J. Leymarie, le Fauvisme (Skira, Genève, 1959). / L. Vauxcelles, le Fauvisme (Cailler, Genève, 1959). / G. Jedlicka, Der Fauvismus (Zurich, 1961). / C. Chassé, les Fauves et leur temps (Bibliothèque des arts, 1963). / J. Mélas-Kyriazi, Van Dongen et le fauvisme (Bibl. des arts, 1971).
Catalogue d’exposition : le Fauvisme français et les débuts de l’expressionnisme allemand (musée national d’Art moderne, Paris, 1966).


Fauves et apparentés

Voir les articles consacrés à Braque, Derain, Dufy, Marquet, Matisse, Vlaminck.


Charles Camoin

(Marseille 1879 - Paris 1965). Il fut l’élève de Gustave Moreau à l’École nationale supérieure des beaux-arts, en même temps que Matisse, Marquet, Manguin. Lors de son service militaire à Aix-en-Provence, il rencontra Paul Cézanne, qui le prit en amitié. Celui-ci lui écrivit des lettres et lui tint des propos qui ont été publiés (cf. Correspondance de Cézanne). Camoin fit ensuite la connaissance d’Auguste Renoir*, dont il subit l’influence. Il a peint de nombreux paysages de la Côte d’Azur, des portraits (Albert Marquet, musée national d’Art moderne) ainsi que des natures mortes (la Coupe bleue, id.).


Auguste Chabaud