Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

exploitation agricole

Ensemble des terres cultivées par une seule personne ou par une collectivité.


Si l’on continue à distinguer l’exploitation agricole de l’entreprise* industrielle ou commerciale, ce n’est pas tellement en raison de ses caractères économiques ou techniques, mais c’est par suite des caractères spécifiques qu’elle présente sur le plan juridique.

L’opposition entre l’exploitation agricole et l’entreprise industrielle tend à s’estomper sur le plan économique : tout au moins dans les pays industrialisés, l’exploitation agricole s’efforce de plus en plus de produire pour le marché (la part réservée à l’autoconsommation régresse, même dans les exploitations familiales) ; par ailleurs, par la mise en œuvre d’une comptabilité adaptée aux besoins de l’exploitation agricole, l’exploitant parvient à calculer ses prix de revient ; enfin, dans la mesure où il s’organise, l’agriculteur arrive parfois à limiter les conséquences d’un effondrement des prix dû à la surproduction ou à l’abondance. Sur le plan technique, le progrès en matière biologique ou mécanique permet aux exploitants de maîtriser beaucoup mieux l’offre et d’adapter celle-ci aux besoins de la consommation.

Mais, sur le plan juridique, les différences subsistent : même si des aménagements récents ont vu le jour en la matière, la spécificité de l’exploitation agricole apparaît ici avec netteté. Les différences reposent en grande partie sur la distinction, fréquente, entre propriété et exploitation. Traditionnellement, l’exploitant a le choix entre trois modes principaux de faire-valoir : le faire-valoir direct, le fermage et le métayage.


Les modes de faire-valoir


Le faire-valoir direct

Il consiste à exploiter soi-même les terres dont on est le propriétaire. Concrètement, ce mode d’exploitation est caractéristique de la petite propriété paysanne et familiale, où le propriétaire est aidé par les membres de la famille et, plus rarement, par quelques ouvriers agricoles. Ses avantages semblent au nombre de trois : ce régime garantit la sécurité de l’exploitation ; cette possession du sol permet à l’agriculteur-exploitant d’entreprendre des projets à long terme et des investissements, des actions étagées dans le temps (drainage, construction de bâtiments) ; enfin, le produit brut lui revient en totalité.

Néanmoins, à l’époque contemporaine, ce mode de faire-valoir a été très vivement critiqué : le poids de la charge foncière (devenue par ailleurs plus lourde avec la hausse du prix de la terre) freine la modernisation de l’exploitation, les achats de terres immobilisant des capitaux qui pourraient être facilement consacrés à l’acquisition de matériel d’équipement. Le jeu des successions aggrave cette situation : à chaque génération, des sommes importantes doivent être englouties dans le rachat du sol, ce qui amène l’agriculteur restant sur l’exploitation familiale à négliger les investissements productifs afin de rembourser la charge foncière.


Le fermage

Il consiste pour un propriétaire à louer sa terre à un fermier qui l’exploite pour son propre compte. Le fermier l’exploite pendant une durée déterminée par un bail, avec un prix de location fixé par celui-ci. Ce bail est signé d’un commun accord entre le propriétaire et le fermier. Le fermage permet d’opérer une distinction très nette entre la propriété du sol et sa mise en valeur, l’une et l’autre de ces fonctions revenant à des personnes différentes (le propriétaire et le fermier). Il allège avantageusement l’exploitation du poids du capital foncier : en fait, le fermage répartit les charges de capital entre le fermier et son propriétaire. Cette répartition est bénéfique à l’exploitation agricole, le fermier disposant de tous ses capitaux pour assurer un bon rendement de son exploitation. Ainsi, le développement technique et économique des exploitations du Bassin parisien par rapport à d’autres régions provient notamment du fait que cette région connaissait surtout le fermage.

En revanche, le fermier ne jouit que d’une stabilité toute relative. Il n’est jamais totalement assuré de demeurer sur son exploitation. De ce fait, il peut répugner à investir à long terme. Son esprit innovateur peut en être freiné, car il peut craindre que les résultats de ses efforts profitent surtout au propriétaire. De plus, si la ferme est louée à un seul propriétaire, le fermier n’est pas totalement libre dans la gestion de son exploitation : s’il entend investir (par exemple, dans la construction d’une étable en stabulation libre), il lui faut l’autorisation du propriétaire. Le fermier investit donc à ses risques et périls, même si le statut du fermage lui reconnaît une indemnité pour la plus-value représentative des améliorations apportées par lui-même, dans le cas où le propriétaire exercerait son droit de reprise.


Le métayage

C’est un contrat par lequel le propriétaire fournit le sol et le capital d’exploitation et assure la direction générale de l’entreprise ; le preneur (métayer) assure le travail et la marche journalière de l’entreprise moyennant partage (variable selon les régions et les époques) avec le propriétaire des produits de la métairie. Le métayage offre la possibilité à un agriculteur de travailler sans capitaux et représente ainsi un procédé d’accession à l’exploitation agricole indépendante. Cependant, il est reproché à ce mode de faire-valoir de ne plus être adapté aux exigences d’une agriculture demandant non seulement capitaux et travail, mais aussi et surtout compétences et qualifications. En d’autres termes, pour que l’association entre le propriétaire et son métayer soit fructueuse, il faut que le propriétaire lui-même accepte de consacrer du temps à l’acquisition de connaissances relatives à la gestion de l’exploitation.


L’action des pouvoirs publics : la politique de la terre

Compte tenu des remarques précédentes et aussi des exigences d’une agriculture moderne, le législateur contemporain a été amené à se préoccuper du mode de faire-valoir le plus favorable à la modernisation des exploitations. Deux sortes de considérations ont guidé, tout au moins en France, l’action des pouvoirs publics.