Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

allemande (République démocratique) (suite)

Quant à la production industrielle, elle connut un grand essor, caractérisé par la poursuite de l’effort en direction du lignite (le combinat de Schwarze Pumpe [la Pompe noire] est achevé en 1965), mais aussi par un début de reconversion énergétique, marqué par l’utilisation thermique et chimique des hydrocarbures livrés par le pipe-line de l’Amitié, aboutissant à la raffinerie de Schwedt, par la renaissance et la modernisation des branches traditionnelles d’industries légères et de qualité (l’optique à Iéna, la construction électrique et électronique à Dresde, l’imprimerie à Leipzig), enfin par l’importance accordée au développement des laboratoires de recherche et à l’automation, rendue d’autant plus nécessaire en raison de la stagnation de la population active. Ainsi se dessinait une évolution marquée par un début de mutation dans l’approvisionnement énergétique et une orientation vers l’industrie de consommation et d’équipement : les taux de croissance de la production de machines-outils, de matériel de transport et de l’électrotechnique dépassent depuis 1965 ceux de la sidérurgie et des industries extractives.


La vie culturelle et l’enseignement

Mais s’il y avait amélioration économique, le système de la R. D. A. demeurait extrêmement rigide en matière idéologique. Le nouveau programme de la SED, adopté en 1963, interdit toute interprétation nouvelle du marxisme. Écrivains, artistes, enseignants durent se rallier à ce dogmatisme, et, en 1966, le ministre de la Culture, considéré comme trop libéral, dut se retirer. On assista par ailleurs à une attitude nettement hostile à l’égard des Églises, la R. D. A. forçant par exemple les Églises protestantes à se séparer de l’Evangelische Kirche in Deutschland (EKD).

Pourtant, en matière d’éducation, la R. D. A. a fait de gros efforts. Elle a mis en place un système scolaire selon lequel l’enseignement obligatoire durerait de six à seize ans. À la fin de ces études, l’orientation se fait soit vers un enseignement de second cycle prolongé, soit vers une formation professionnelle. De toute manière, le système ménage une large place à l’enseignement technologique au cours des études obligatoires. Quant à l’enseignement supérieur, on l’a modifié en 1968-69 en s’inspirant des unités d’enseignement et de recherche françaises (Sektion für Forschung und Lehre). D’autre part, on appelle les universités à renforcer leurs liens avec les entreprises voisines et à signer des « contrats de collaboration scientifique et technique ». On tend aussi à spécialiser les universités selon les dominantes économiques de leurs régions. C’est ainsi que Magdeburg s’oriente vers l’industrie lourde et Rostock vers l’économie maritime.


La nouvelle société socialiste

Tout cela conduit à une société d’un type nouveau, dans laquelle on distingue les couches suivantes : la classe ouvrière (formée d’ouvriers et d’employés), la classe des paysans coopérateurs, les intellectuels et les couches moyennes (artisans individuels, petits commerçants, etc.). Les distinctions sociales apparaissent inexistantes. En fait, elles sont plus importantes qu’il n’y paraît, car une nouvelle bourgeoisie technique est en train de se constituer, comme on le voit bien en regardant l’origine sociale des étudiants.


La place de la R. D. A. dans le monde communiste

Ce qui caractérise la R. D. A. est en définitive sa fidélité inconditionnelle à l’U. R. S. S., car celle-ci est la protectrice d’un État qui, sans son appui, ne durerait sans doute pas très longtemps. La R. D. A. soutient l’U. R. S. S. contre la Chine et est hostile aux manifestations d’indépendance des démocraties populaires ; elle a pris énergiquement position en 1966 contre la Roumanie et fait preuve d’une vigilance sans faille à l’égard de la Tchécoslovaquie, interdisant sur son territoire la diffusion des expériences tchèques, approuvant l’intervention soviétique à Prague et y participant elle-même.

Le régime de l’Allemagne de l’Est a été modifié. En 1960, à la mort de Wilhelm Pieck, le poste de président de la République fut supprimé au profit d’un Conseil d’État (Staatsrat), c’est-à-dire d’une forme collective de la direction de l’État. Présidé par Walter Ulbricht, le Conseil d’État a, peu à peu, élargi ses compétences, reléguant le Conseil des ministres dans un rôle d’exécution. Tout cela a été développé dans une nouvelle Constitution, adoptée en avril 1968. La Constitution comporte toute une série d’articles, qui forment une véritable profession de foi. La R. D. A. lutte contre le militarisme (art. 6, § 1) et coopère « avec tous les États sur la base de l’égalité des droits ». Elle souhaite « l’établissement d’un système garantissant la sécurité collective en Europe » (art. 6, § 4). Elle soutient « les efforts des peuples qui veulent la liberté et l’indépendance ». Elle condamne « l’incitation à l’intolérance, à la haine raciale et à la discrimination des autres peuples ».

La Chambre du peuple comprend des députés élus au scrutin de liste. Mais la liste est unique, et la répartition entre les partis est faite avant les élections. La SED a 45,5 p. 100 des députés, et les trois autres partis 31,2 p. 100 en tout. Mais les organisations de masse que contrôle le parti socialiste unifié lui permettent de disposer en fait de 68,8 p. 100 des sièges. Le 3 mai 1971, Erich Honecker a remplacé comme premier secrétaire de la SED Walter Ulbricht, devenu président du Conseil d’État, poste que W. Stoph occupera à la mort de ce dernier (1973).

Sur le plan international, la R. D. A. a essayé, ces dernières années, de renforcer ses relations avec les pays étrangers et d’obtenir sa reconnaissance par la République fédérale. Malgré la bonne volonté des socialistes de l’Ouest, tous ces projets échouèrent. Les espoirs de reprise des conversations apparus lors de l’arrivée des socialistes au gouvernement fédéral en 1966 ont été très vite déçus, soit parce que la R. D. A. faisait preuve d’intransigeance, soit en raison de son attitude à l’égard de la crise tchécoslovaque d’août 1968. Les élections de 1969 et l’accession de W. Brandt à la chancellerie ont transformé cette situation, comme en témoigne la rencontre de W. Brandt et de W. Stoph à Erfurt en mars 1970. Il y avait un désir certain de négociation qui pouvait permettre d’instaurer des relations normalisées entre les deux Allemagnes, mais cela impliquait que la R. F. A. renonçât à sa prétention de représenter tous les Allemands et acceptât de reconnaître l’existence de jure de la R. D. A. Mais si le traité signé à Bonn le 8 novembre 1972 a normalisé les rapports, il ne semble pas que la réunification soit proche, car il n’apparaît pas que les deux États allemands puissent renoncer à leur statut socio-économico-politique.