Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

allemande (République démocratique) (suite)

En janvier 1955, l’U. R. S. S. mit fin à l’état de guerre avec l’Allemagne, et, en mai, la R. D. A. signa le pacte de Varsovie. En septembre, l’Union soviétique réaffirma la pleine souveraineté de la R. D. A., qu’elle avait reconnue en mars 1954. Dès lors, la République démocratique fut, comme la République fédérale, un État souverain de plein exercice. La meilleure preuve en fut la constitution d’une armée nationale populaire (Nationale Volksarmee [NVA]) à partir de janvier 1956. Le rythme de la socialisation put donc reprendre. Il semblait que l’État était stabilisé. La production industrielle avait beaucoup augmenté. Elle était en 1955 à l’indice 190 pour 100 en 1950, et le secteur socialiste représentait déjà une part considérable de l’activité économique (78 p. 100 dans l’industrie, 20 p. 100 dans l’agriculture).


La crise de 1956 et la construction du socialisme

L’Allemagne de l’Est était devenue un État profondément stalinien ; aussi aurait-elle pu être fortement secouée par le XXe Congrès du parti communiste de l’Union soviétique (1956), qui condamna le stalinisme. En fait, la SED resta plus stalinienne que d’autres partis de l’Europe de l’Est. Elle approuva ce qui avait été décidé à Moscou et réhabilita certaines victimes du totalitarisme stalinien, mais le coup de barre fut très modéré. Au mois d’avril, le politburo de la SED condamna l’« anarchisme étudiant », qui avait osé « préconiser l’élection directe des dirigeants par la base au lieu des élections par échelons, conformément à la tradition du parti ». Toute la presse se fit l’écho de la nécessité de maintenir le centralisme bureaucratique. Aussi, l’agitation fut-elle beaucoup moins grande qu’en d’autres démocraties populaires. Il n’y eut de contestation que dans certains milieux universitaires, qui furent l’objet de poursuites. On admit la création de comités de travailleurs dans les entreprises, mais ils ne virent jamais le jour.

Pendant cette période, on se remit à la construction du socialisme. La conférence du parti de mars 1956 décida de renforcer l’économie et mit l’accent sur le processus de socialisation non seulement dans l’industrie, mais aussi dans les campagnes, par l’extension des LPG. Le deuxième plan quinquennal (1956-1960) devait marquer la victoire du socialisme, afin d’en démontrer la supériorité sur les régimes occidentaux : il poursuivait les efforts du premier plan quinquennal, notamment par l’application des procédés de fabrication du coke sur la base du lignite du combinat de Lauchhammer, mis en service en 1957. À la fin de 1958, on décida de juxtaposer les deux dernières années du deuxième plan au troisième plan, ce qui donna naissance au plan septennal (1959-1965). Ce fut un échec. La multiplication des LPG se fit très rapidement.

L’accélération de la socialisation entraîna un net recul de la production agricole :

Il y eut aussi un exode accéléré vers la R. F. A., à la cadence de plusieurs centaines de milliers de personnes par an. C’étaient surtout des paysans, des ingénieurs, des professeurs, des cadres des industries qui partaient. En quelques années, de 1949 à 1961, plus de 2 700 000 Allemands de l’Est passèrent à l’Ouest.

Aussi l’économie de la R. D. A. progressa-t-elle très lentement. Dans l’industrie, les investissements s’accrurent deux fois moins vite que prévu. La croissance industrielle annuelle se fit au rythme de 4,8 p. 100 au lieu de 9 p. 100. Il s’ensuivit un vif mécontentement, d’autant que le parti et l’administration utilisèrent toutes sortes de pressions pour forcer les paysans à constituer des coopératives. Les Églises avaient protesté. Sur le plan diplomatique, la remise en question par Khrouchtchev du statut de Berlin en novembre 1958 et la menace d’un traité séparé U. R. S. S.-R. D. A. n’amenèrent pourtant pas la reconnaissance de la R. D. A. par les Alliés. La situation de la République démocratique était telle qu’il fallait trouver une solution.

Cette solution, ce fut, le 13 août 1961, la construction du mur de Berlin. Tout le long des limites du secteur oriental de Berlin fut mis en place un véritable mur, ne laissant ouverts que sept points de passage entre les deux zones. Berlin-Est devenait en fait partie effective du territoire de la R. D. A. Toutefois, les élus de Berlin-Est à la Chambre du peuple n’avaient que voix consultative, et les Soviétiques conservaient un certain nombre de prérogatives, conformément aux accords militaires interalliés.


L’autre « miracle » allemand

En même temps il fallait accélérer le développement de la République. En 1962, le taux de croissance du revenu national était tombé à 2,2 p. 100. Aussi, en 1963, dut-on abandonner le plan septennal 1959-1965 et transformer profondément le système de planification. Il le fut à plusieurs reprises avant de donner satisfaction. L’un des responsables du plan, le docteur Erich Apel, ne se suicida-t-il pas en décembre 1965 ? Peu à peu on introduisit un nouveau système économique, le Neuer ökonomischer System für Planung und Leitung (NÖSPL), influencé par les idées du Soviétique I. G. Liberman, qui s’appuie sur la prévision et l’équilibre de gestion, et laisse une certaine liberté aux entreprises et aux organismes locaux. Ce système se généralisa en R. D. A. à partir de 1965 et entraîna la reconstitution des ministères techniques spécialisés qui avaient disparu (mines, métallurgie, industrie chimique). L’élément le plus important fut un nouveau mode de calcul des prix, fondé désormais sur les coûts de production et faisant une certaine part au profit. Cela permit un redressement de la production. Le taux de croissance industrielle devint à peu près analogue à celui de la République fédérale. Même dans l’agriculture la stabilisation se fit, et la production crût à un rythme inférieur sans doute à celui de la R. F. A., mais assez satisfaisant. Selon Georges Castellan, par rapport à la période antérieure à la socialisation (indice 100 pour la moyenne 1954-1958), la production agricole s’est élevée en 1966 à l’indice 116. En République fédérale, sur la même base, en 1964-65, l’indice était à 126. Pourtant, on a pu dire qu’en R. D. A., « mieux peut-être que dans toutes les autres sociétés populaires, la socialisation de l’agriculture a été réussie ».