Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Eusèbe de Césarée

Écrivain et prélat grec (en Palestine v. 265 - v. 340).


Eusèbe de Césarée eut la chance d’être formé par un disciple d’Origène, Pamphile († 310), et de pouvoir disposer très tôt de la riche bibliothèque de Césarée, où se trouvaient alors réunies presque toutes les œuvres chrétiennes écrites en grec. Il dut fuir en Égypte pour échapper à la persécution de Dioclétien, mais l’édit de tolérance de 311 lui permit de rentrer à Césarée. En 313, il fut élu évêque de cette cité et le resta jusqu’à sa mort.

Lors de la controverse arienne, Eusèbe prit parti pour Arius. Cela lui valut d’être excommunié par un synode. Il adopta ensuite une attitude assez souple, sur laquelle on s’interroge encore, qui lui permit de jouer un rôle important au concile de Nicée (325) ; il gagna dès lors la faveur de l’empereur Constantin. Il participa encore aux conciles de Tyr (335) et de Jérusalem (336), et prit la parole pour le trentième anniversaire de l’avènement de Constantin, mais se consacra surtout désormais à la rédaction de ses ouvrages.


L’historien

Eusèbe de Césarée est surtout connu pour ses importants travaux d’histoire de l’Église.

Il a laissé une Chronique d’histoire générale jusqu’à l’année 323, importante pour les synchronismes qu’elle établit entre l’histoire biblique et l’histoire des anciens peuples. C’est sur cette chronologie que les Pères de l’Église se sont appuyés par la suite.

Un Recueil des anciens martyrs, malheureusement disparu, nous est connu par quelques extraits reproduits dans l’Histoire ecclésiastique ; le récit de la persécution de Dioclétien, dont il fut un témoin direct, constitue un document exceptionnel ; Eusèbe voit dans le témoignage des martyrs la source de la victoire de Constantin.

Il composa aussi une Géographie historique en quatre parties, que saint Jérôme prit soin de traduire en latin ; seule la quatrième partie de cette version, un Onomasticon des lieux bibliques avec leurs étymologies, nous est parvenue. Eusèbe a laissé enfin une monumentale Histoire ecclésiastique en dix livres ; la première rédaction s’étendait des origines de l’Église à l’édit de tolérance de 311 ; l’édition complète qui nous est parvenue est prolongée et corrigée dans un sens plus favorable à Constantin. Ce remaniement soulève un problème critique, mais il est possible qu’Eusèbe ait lui-même éliminé les éloges de Licinius et conclu son œuvre par son discours pour la dédicace de l’Église de Tyr.


Le personnage officiel

À ces ouvrages historiques, il faut ajouter ceux qui concernent spécialement l’empereur Constantin. Ils témoignent de l’admiration d’Eusèbe pour l’empereur et constituent à ce titre un document révélateur de l’époque ; ils sont remplis d’ordonnances et de lettres impériales et sont truffés d’arguments théologiques propres, sinon à Constantin lui-même, du moins aux ecclésiastiques dont il était entouré et dont Eusèbe, comme l’historien latin Lactance, a certainement fait partie.

Il faut classer dans cette catégorie l’ouvrage intitulé Vie de Constantin. Certains critiques, il est vrai, contestent l’authenticité des documents produits ici par Eusèbe, et même que l’auteur de cet écrit soit vraiment Eusèbe. En plusieurs endroits, l’opuscule a certainement été retouché. Ainsi, la célèbre vision de la croix au pont Milvius peut être une interpolation de l’époque théodosienne. Mais, que la discussion soit bien loin d’être épuisée, il est probable que l’ouvrage reflète les convictions d’Eusèbe.

Le Discours à l’ensemble des fidèles est un discours supposé prononcé par l’empereur Constantin. Son authenticité a été également très discutée. Elle est pourtant admise en général, et en ce cas fort révélatrice. Il est possible, en effet, que le discours soit effectivement, quant à son origine, de l’entourage de Constantin, et qu’il ait été ensuite mis en forme et traduit en grec. L’auteur y fait appel non seulement aux prophéties bibliques, mais à la Sibylle et à la quatrième églogue de Virgile pour prouver l’incarnation. Pour Constantin, la venue du Christ sur la Terre doit avoir pour conséquence que s’établisse l’unique souveraineté de Dieu sur la Terre. Aussi le gouvernement du monde devait-il être un jour remis à l’empereur afin que la bénédiction de Dieu et la rédemption puissent se répandre sur tout l’Univers.

Ce discours traduit bien en tout cas la philosophie impériale de la monarchie céleste et son idée de l’humanité gouvernée par un seul empereur représentant de Dieu. Cette philosophie était au cœur de la doctrine d’Arius, qui refusait de reconnaître dans le Christ la nature divine parce que cette affirmation lui paraissait ruineuse pour la monarchie terrestre. Il semble qu’elle ait été aussi acceptée par certains orthodoxes comme Eusèbe.

À ce titre capital, il faut ajouter un Discours pour l’anniversaire de l’avènement de Constantin (335), une apologie pour la construction de l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, un Discours à la louange des martyrs d’Antioche et des lettres.


L’exégète et l’apologète

Eusèbe de Césarée a écrit de nombreux commentaires de l’Écriture, mais cette partie de son œuvre, sans doute moins originale, est en grande partie perdue. Nous la connaissons surtout par ce qu’en rapporte Jérôme, qui lui reproche de verser souvent dans l’allégorie. Il est à l’origine des chaînes exégétiques dans lesquelles puisera la théologie du Moyen Âge.

Évêque d’une cité grecque de Palestine, Eusèbe est un typique défenseur du pagano-christianisme. Il mit son talent à discerner les pierres d’attente de l’Évangile au sein du judaïsme comme du paganisme et à combattre les survivances juives ou païennes au sein du christianisme. Dans sa Préparation évangélique, Eusèbe multiplie les citations d’auteurs profanes et démontre que les païens ont eu raison d’adhérer au christianisme, qui a recueilli le meilleur de leurs croyances. Dans la Démonstration évangélique, il explique que la loi de Moïse devait laisser un jour la place au christianisme.