Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

allemande (République démocratique) (suite)

En même temps, les Soviétiques poussèrent à l’unification des deux partis ouvriers. Cette tentative se heurta à la triple opposition de la base socialiste, profondément hostile aux Soviétiques, des cadres du parti et des puissances occidentales. La défection de certains chefs socialistes, comme Otto Grotewohl, permit la constitution, en avril 1946, du parti socialiste unifié (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands [SED]), dont le but était de conduire l’Allemagne vers le socialisme par une voie spécifique (Sonderweg). Le nouveau parti comportait une majorité de socialistes, mais il fut très vite contrôlé par les communistes. Lors des élections locales de 1946, il obtint 47 p. 100 des voix, 24,6 p. 100 allant aux libéraux et 24,5 p. 100 aux chrétiens-démocrates. Dès lors, le gouvernement militaire transféra les pouvoirs ordinaires aux gouvernements des cinq Länder (qui devaient être supprimés en 1952) : Saxe, Thuringe, Saxe-Anhalt, Brandebourg, Mecklembourg. Dans les ministères de ces Länder, la SED avait l’essentiel des pouvoirs.

Entre-temps, le quart du potentiel industriel de la zone d’occupation soviétique (Sowjetische Besatzungszone [SBZ]) était soviétisé, et on constituait des sociétés soviétiques (Sowjetische Aktiengesellschaft [SAG]) ; un autre quart de la production était nationalisé. Tout cela aggrava les conditions économiques de la zone Est. Plusieurs démontages entraînèrent le départ forcé vers l’U. R. S. S. de certains spécialistes. Quelques SAG utilisèrent de la main-d’œuvre forcée. Ainsi, l’économie était-elle socialisée, mais ses possibilités d’expansion étaient limitées à l’extrême.

L’action économique dans cette zone fut coordonnée par une Commission économique allemande créée en juin 1947 et qui devint en 1948 un embryon de gouvernement, lorsque, en février, la charte de Francfort créa dans la bizone un Conseil des Länder. Peu à peu, face au gouvernement de l’Allemagne de l’Ouest se constituait un gouvernement de l’Allemagne de l’Est. Lorsque, en juin 1948, les Alliés annoncèrent l’instauration d’un gouvernement fédéral et créèrent une nouvelle monnaie, l’Allemagne orientale se préparait à devenir une république démocratique. Les divers partis de la zone collaborèrent avec la SED, sauf certains membres de la CDU hostiles au socialisme et à la reconnaissance de la ligne Oder-Neisse, qui furent exclus de leur parti, ce qui permit d’intégrer définitivement celui-ci dans le bloc des partis antifascistes.

Deux autres partis furent fondés en 1948 pour faciliter l’insertion et l’encadrement des classes moyennes et du monde rural : le parti national-démocrate (National-Demokratische Partei Deutschlands [NDPD]) et le parti paysan démocrate (Demokratische Bauernpartei [DBP]). Entre-temps, les syndicats et le mouvement de la jeunesse allemande libre (Freie Deutsche Jugend [FDJ]), très proche des Komsomols, avaient rejoint le bloc.

Le parti socialiste unifié domina désormais toute la vie politique et s’organisa sur le modèle du parti communiste soviétique ; sous son impulsion, c’est-à-dire en reconnaissant le rôle dominant de la classe ouvrière, se prépara l’établissement d’un ordre démocratique antifasciste, dans lequel le communisme aurait la prépondérance. C’est dans cet esprit que se forgèrent un plan annuel (1948) et un plan bisannuel (1949-1950), qui devaient rendre à la zone une activité économique proche de celle qui existait à la veille de la guerre. En mai 1949, au moment où en Allemagne de l’Ouest se constituait la République fédérale, des élections eurent lieu sur une liste unique pour la désignation d’un Congrès du peuple, qui nomma un Conseil du peuple. Celui-ci adopta en quelques jours un projet de Constitution qui entra en vigueur en octobre 1949. Le 7 octobre, le Conseil du peuple se proclama Parlement provisoire, constitua un gouvernement provisoire et une Chambre des Länder (dissoute en 1958). Ainsi naissait la République démocratique allemande.


L’édification des bases du socialisme (1950-1956)

Les premières années de la R. D. A. furent difficiles. Sur le plan politique, les élections furent organisées en octobre 1950, mais il n’était plus question pour chaque parti de se présenter de manière autonome. Tous ensemble formaient une liste unique, et tous les sièges étaient répartis à l’avance. La SED se taillait la part du lion avec 55 p. 100 des sièges. Les quatre autres partis se partageaient les restes de façon à peu près égale. Aussi, 99,7 p. 100 des électeurs apportèrent-ils leurs voix au Front national, organisme créé avant les élections et regroupant les partis politiques et les organisations de masse.

Un peu auparavant, en juillet 1950, le troisième congrès de la SED, dominé dès lors par la personnalité de Walter Ulbricht (1893-1973), ancien membre du Komintern, avait renforcé le caractère soviétique du parti en instaurant le centralisme démocratique. La République avait une Constitution de type soviétique, mais qui différait cependant de celle de l’U. R. S. S. par l’existence de la charge de président de la République, qui fut assumée par le vieux militant communiste Wilhelm Pieck (1876-1960). Le socialiste Otto Grotewohl (1894-1964) devenait président du Conseil ; Willi Stoph (né en 1914) devait lui succéder en septembre 1964.

Il fallait assurer la survie économique, reconstruire l’industrie, développer la production agricole. Un premier plan quinquennal fut établi pour la période 1951-1955. Il devait permettre le doublement de la production. L’accent était mis sur l’industrie lourde, fondée sur l’extraction du sel gemme et de la potasse, et surtout sur l’exploitation intensive des réserves de lignite, matière première pour l’industrie chimique et source d’énergie. Le combinat de Stalinstadt (aujourd’hui Eisenhüttenstadt), utilisant le charbon de Pologne et le fer d’U. R. S. S., fournit les bases d’une industrie sidérurgique et de la métallurgie lourde. La production industrielle progressa, mais lentement, malgré les efforts considérables demandés à la classe ouvrière par l’intermédiaire de son syndicat, le Freier Deutscher Gewerkschaftsbund (FDGB), qui abandonna son caractère revendicatif pour devenir une courroie de transmission. Les statuts du FDGB précisèrent qu’il était « une organisation sociale autonome par rapport au parti, mais dont l’ensemble des activités se trouve placé sous la direction du parti ». Les statuts ajoutaient que le rôle du FDGB consistait « dans le rassemblement des travailleurs autour du parti et dans leur mobilisation dans la lutte menée pour l’édification de la société communiste ». On chercha à développer des conférences de production et l’on créa le mouvement des activistes, organisation de l’émulation socialiste. Dès 1951, on comptait 150 000 activistes. D’ailleurs, le troisième congrès du syndicat estima qu’il était nécessaire d’intensifier le travail et d’utiliser au maximum les forces productives. Ainsi, la production augmentait-elle peu à peu, mais au prix de grands sacrifices de la classe ouvrière.

Dans l’agriculture, le but premier était d’accroître la production, et pendant un certain temps, malgré la création de l’entraide paysanne et de stations de machines et de tracteurs (Maschinen-Traktoren-Stationen [MTS]), ce furent toujours les paysans moyens qui dominèrent la vie rurale et qui constituèrent un frein évident pour une socialisation.